L’humour noir des banquiers de RBS

16 août 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Là où il y a de la gêne, il n’y pas de plaisir, dit un adage particulièrement adapté aux employés de RBS, si l’on se fie à plusieurs propos rapportés par le Département de la Justice des États-Unis (DoJ), dont faisait récemment état The Guardian.

La banque écossaise RBS a accepté une entente hors cour dans son différend avec le gouvernement américain, qui la verra payer la coquette somme de 4,9 milliards de dollars américains (6,5 G$ CA). Le DoJ accusait RBS d’avoir fait de fausses représentations aux investisseurs pour vendre plus de titres adossés à des hypothèques résidentielles (RMBS), ce qui aura fait perdre environ 55 G$ US (72,4 G$ CA) aux investisseurs.

Selon le DoJ, RBS aurait fait des centaines de millions de dollars en vendant les RMBS, tout en dissimulant le réel niveau de risque de ces produits à ses investisseurs. Une congrégation de religieuses aurait par exemple perdu 96 % de son investissement.

Ces titres adossés à des prêts hypothécaires risqués ont été désignés parmi les principaux responsables de la crise financière de 2007-2008. RBS elle-même ne doit sa survie qu’à un plan de sauvetage de 45 milliards de livres sterling (75 G$ CA) du gouvernement du Royaume-Uni.

C’T’UNE FOIS UN GARS QUI ENTRE DANS UNE BANQUE

En publiant l’entente, le DoJ a divulgué une série de propos attribués à des dirigeants et des employés de RBS, lesquels semblent indiquer, d’une part, qu’ils savaient très bien qu’ils vendaient des produits toxiques en en dissimulant le risque aux investisseurs, et d’autre part, qu’ils s’en amusaient bien.

De fait, le directeur du crédit de la banque aux États-Unis aurait soutenu que RBS vendait à ses investisseurs des produits adossés à des prêts qui ne valaient rien (« total fucking garbage loans »). Selon lui, les prêts étaient déguisés de manière à mieux paraître dans une base de données.

Alors que la crise commençait à s’étendre dans le système bancaire, un négociateur en chef s’est amusé du fait qu’un collègue l’accuse de détruire le marché immobilier américain, arguant, plein de modestie, qu’il préférait le terme « endommager sévèrement ».

Un autre dirigeant de la banque aurait mentionné que ces prêts risqués étaient le résultat d’une industrie hypothécaire malade, dans laquelle les prêteurs se goinfraient d’argent et étaient encouragés à émettre autant de prêts que possible. Selon lui, bien des employés pouvaient sonner l’alarme, mais ne le faisaient pas parce que cela n’était pas payant pour eux. Un autre dirigeant est même allé jusqu’à comparer les prêteurs à un quasi-crime organisé, ajoutant que tout le monde semblait s’en ficher…

NE PAS TUER LA POULE AUX ŒUFS D’OR

Selon le DoJ, RBS ne voulait pas faire un examen plus sévère des prêts hypothécaires qu’elle plaçait dans ces titres, car elle avait peur de céder du terrain à ses rivales. Un analyste de RBS a même qualifié les procédures de vérification diligente de la banque de foutaise totale (« just a bunch of bullshit »).

Il faut dire que la conformité ne semblait pas avoir bonne presse à RBS. Lorsque la banque a commencé à s’inquiéter de la pauvre qualité des prêts et à imposer des vérifications diligentes un peu plus strictes, l’un des banquiers chevronnés s’est plaint en demandant : « Est-ce que plus personne ici ne veut faire de l’argent? ».

Lorsqu’un dirigeant de la banque a menacé de faire avorter une transaction qui allait rapporter 20 M$ US à la banque (26,3 M $CA), le négociateur en chef l’a supplié de ne pas s’opposer, car la banque avait besoin de tous les dollars sur lesquels elle pouvait mettre la main.

RÉACTION MOLLE DE RBS

RBS s’est contenté de rappeler laconiquement que l’entente hors cour n’équivalait pas à une condamnation ou une admission de culpabilité, qu’elle contestait les allégations du DoJ, mais qu’elle n’entendait pas entreprendre de procédures légales sur ce point.

L’entente a permis à RBS de verser des dividendes pour la premières fois en dix ans. Sur les 240 millions de livres sterling (400 M$ CA) versés en dividendes, 149 millions (248,7 M$ CA) iront au gouvernement britannique, lequel détient encore 62 % des parts de RBS.

RBS soutient que les comportements qui lui sont reprochés sont maintenant chose du passé et qu’elle se concentre désormais à bien servir sa clientèle. Cette dernière n’est pas rassurée pour autant. La Competition and Markets Authority publiait récemment des données montrant que RBS était au dernier rang dans l’opinion des gens pour son service à la clientèle, la moitié des clients seulement soutenant qu’ils recommanderaient cette institution à leurs amis.

Reste à voir si les banquiers de RBS trouveront cette fois le moyen d’en rire…