L’UE va publier une liste noire des paradis fiscaux

Par La rédaction | 4 Décembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les pays de l’Union européenne doivent se doter aujourd’hui d’une liste noire de paradis fiscaux en activité hors de leurs frontières, rapporte l’Agence France-Presse.

Il s’agira là d’une première « très attendue » au sein de l’UE en raison des scandales à répétition survenus au cours des trois dernières années, note l’AFP. Celle-ci rappelle que les ministres des Finances des 28 États membres ont en effet promis d’être « exemplaires » après les révélations de plusieurs systèmes d’évasion fiscale, notamment LuxLeaks en 2014, les Panama Papers au printemps 2016 et les Paradise Papers il y a quelques semaines.

Seul bémol, mais de taille : conformément aux règles européennes pour les questions fiscales, ils devront s’entendre à l’unanimité sur le nom des pays figurant sur cette liste. « Une situation qui ouvre la voie aux marchandages entre les États européens pour éliminer telle ou telle juridiction et certains territoires offshore, à l’instar de ceux du Royaume-Uni, comme Jersey ou l’île de Man », souligne l’AFP.

SANS DOUTE « UNE DIZAINE DE NOMS »

Pour établir cette fameuse liste, les États membres ont passé au crible quelque 92 juridictions représentant un problème potentiel sur la base de trois critères : la transparence fiscale (pratiquent-elles ou non l’échange automatique d’informations?); l’équité fiscale (appliquent-elles ou pas, notamment, des mesures fiscales préférentielles dommageables pour les autres États?); et le respect des règles internationales (mettent-elles en œuvre ou pas les mesures de l’Organisation de coopération et de développement économiques contre l’optimisation fiscale abusive?).

Sur les 92 juridictions examinées, une soixantaine avaient jusqu’à la mi-novembre pour fournir des explications détaillées et s’engager éventuellement à faire des réformes, sous peine d’être inscrites sur la liste noire, indique l’AFP, qui précise que selon une source européenne, celle-ci pourrait contenir « une dizaine de noms ».

Questionné par les eurodéputés à Bruxelles la semaine dernière, le Commissaire européen à la Fiscalité, Pierre Moscovici, a prévenu d’avance que les conclusions de ce travail seraient sans doute remises en cause par une partie de l’opinion publique. « On va nous critiquer, car il n’y a pas de pays européen sur la liste », a-t-il reconnu, ajoutant qu’une telle absence « ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques fiscales dommageables dans l’UE », notamment dans le cas des Pays-Bas.

OXFAM PUBLIE SA PROPRE LISTE

De son côté, Oxfam n’a pas attendu la réunion des ministres des Finances de l’UE et a décidé de publier sa propre liste la semaine dernière, assurant que 35 territoires au moins répondent aux critères retenus par les Européens, dont « des paradis fiscaux notoires comme la Suisse et les Bermudes, mais aussi Jersey ou la Nouvelle-Calédonie ». L’ONG a aussi pointé du doigt quatre pays européens, l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas, qui selon elle devraient figurer dans la liste si les critères européens leurs étaient appliqués. « Notre rapport dresse la liste des paradis fiscaux telle qu’elle devrait être si l’UE appliquait objectivement ses propres critères sans céder aux pressions », soutient l’organisme.

Sa liste comporte plusieurs îles bien connues des riches investisseurs, notamment dans les Caraïbes et dans la Manche, comme les Bermudes, Anguilla, les îles Caïmans, les îles Vierges, Jersey, Marshall, etc. Outre la Nouvelle-Calédonie, un territoire français, apparaissent aussi les noms des anciennes républiques yougoslaves (à l’exception de la Croatie) et des émirats arabes (Oman, Émirats arabes unis).

L’ONG dit par ailleurs regretter que l’Union européenne ait pris le parti d’exclure les paradis fiscaux qu’elle abrite, en particulier dans le cas du Royaume-Uni, qui en possède au moins trois (Gibraltar, Jersey, îles Vierges). Elle juge en effet que « cette approche nuit considérablement à la crédibilité du processus », puisque des États comme l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas « figurent parmi les paradis fiscaux les plus puissants au monde ».

ET AU QUÉBEC?

« Les paradis fiscaux et le nivellement par le bas de l’impôt ne bénéficient à personne, hormis à une petite élite composée de particuliers fortunés et de grandes multinationales », dénonce Oxfam, qui rappelle que l’Europe est l’un des endroits où le taux moyen d’imposition des profits des entreprises est le plus faible dans le monde. « Si elle veut promouvoir l’équité fiscale dans le monde, l’UE ne doit pas fermer les yeux sur les pratiques de ses propres États membres », conclut l’organisme.

Dans un communiqué publié la semaine dernière, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires se félicite du fait qu’Oxfam « met de la pression sur l’Union européenne ». Le MÉDAC en profite pour rappeler que le 17 novembre, le gouvernement québécois a rendu public un Plan d’action pour assurer l’équité fiscale.

La liste de juridictions qui y sont considérées comme des paradis fiscaux par le ministère des Finances du Québec est basée sur le rapport de mars 2017 de la Commission des finances publiques sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux, rappelle encore le Mouvement. Cette liste inclut 52 juridictions, dont 13 ont une convention fiscale avec le Canada (la Barbade, la Belgique, la City de Londres, Chypre, l’État du Delaware, Hong Kong, l’Irlande, la Jordanie, le Liban, Luxembourg, Malte, Singapour et la Suisse).

Évasion fiscale : Revenu Québec convoqué au Parlement

Le PDG de Revenu Québec et le sous-ministre aux Finances seront convoqués en février, soit au début de la prochaine session, en commission parlementaire pour « aller plus loin » dans le plan de lutte du gouvernement Couillard contre l’évasion fiscale, rapporte QMI.

« L’objectif est de comprendre leur stratégie. Je suis satisfait de leur plan, mais disons que c’est un bon départ. Il y a encore des améliorations à apporter et des informations additionnelles à obtenir. Ce n’est pas à 100 % », explique à l’agence de presse Raymond Bernier, président de la Commission des finances publiques et député du Parti libéral.

700 M$ DE PERTE CHAQUE ANNÉE POUR LE QUÉBEC

Québec n’a en effet pas tenu compte de certaines recommandations contenues dans le rapport que la commission a déposé au printemps dernier, rappelle QMI. « Par exemple, ils [Revenu Québec et le sous-ministre aux Finances] ne sont pas d’accord de passer par les compagnies de cartes de crédit pour percevoir nos taxes sur les achats faits en ligne. Ils estiment que cette perception est de compétence fédérale et que ça doit être perçu à la douane. Bien, on veut savoir pourquoi, on veut avoir plus de détails », précise Raymond Bernier.

Autre point de divergence entre le gouvernement québécois et la commission : alors que celle-ci recommandait que la province se retire des ententes internationales signées par le Canada avec les pays considérés comme des paradis fiscaux, Québec a répondu par la négative. Il y a quelques semaines, le ministre des Finances, Carlos Leitao, avait présenté un plan d’action visant à réduire les pertes fiscales internationales subies par le Québec, évaluées à quelque 700 millions de dollars par an, dont 270 millions en lien avec le commerce électronique, rappelle QMI.

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