Mauvais, le « biais domestique »?

Par Pierre-Luc Trudel | 26 juin 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Signe de refus de la main.
Photo : 8vfanrf / 123rf

À voir la place qu’occupent les titres canadiens dans les portefeuilles des investisseurs au pays, peu de gens semblent conscients que le marché boursier du Canada représente à peine 3% du marché mondial. Le « biais domestique » des investisseurs d’ici nuit-il au rendement de leurs placements?

De manière générale, on considère qu’il existe un biais national au sein d’un portefeuille lorsque la proportion de titres provenant du pays de l’investisseur surpasse son poids sur les marchés mondiaux. « Avec en moyenne 57 % de titres de leur pays dans le portefeuille des investisseurs canadiens, on peut dire que ce biais est important au pays », a mentionné Lukas Smart, gestionnaire de portefeuille principal et vice-président à Dimensional Fund Advisors, lors de la conférence Inside ETFs Canada, qui s’est tenue à Montréal jeudi et vendredi.

Il a toutefois soutenu qu’avoir une telle prédisposition à investir localement était normal, dans une certaine mesure, et pas forcément nuisible. « L’important, c’est que les placements choisis reflètent les besoins de l’investisseur. Si je place de l’argent destiné à payer les études de ma fille l’année prochaine, les obligations du gouvernement du Canada feront sans doute parfaitement l’affaire. Je n’ai pas forcément besoin d’avoir une diversification géographique », illustre-t-il.

En revanche, il concède que pour les investisseurs qui souhaitent obtenir de bons rendements à long terme, un biais national important n’est pas forcément une bonne idée.

DANGER, MARCHÉ CONCENTRÉ!

Le principal péril qui guette les investisseurs trop tournés vers les titres d’ici, c’est la très grande concentration du marché canadien, renchérit Mark Raes, chef du développement des affaires, FNB et FCP, à BMO Gestion mondiale d’actifs. « Le marché boursier canadien est très concentré et très cyclique, puisqu’il repose en grande partie sur les secteurs de l’énergie et des ressources naturelles. C’est pourquoi il est d’autant plus important pour les investisseurs canadiens d’être conscients de leur « biais domestique ». »

Pour les investisseurs américains, l’enjeu est bien moins important en raison de leur marché beaucoup plus diversifié. « Leur économie représente l’économie mondiale. Ils ont beaucoup moins besoin de se soucier de leur biais intérieur », ajoute M. Raes.

Pourquoi les investisseurs canadiens aiment-ils autant investir dans des titres de leur pays? Probablement parce qu’il est plus facile pour les conseillers de vendre des actions d’entreprises que leurs clients et eux-mêmes connaissent bien. « C’est une question de confort, indique Ted Bader, président de SIA Wealth Management. Pourtant, l’idée ne devrait pas être de trouver la meilleure compagnie canadienne dans laquelle investir, mais plutôt de dénicher le meilleur emplacement géographique où investir. Il peut être intéressant d’avoir une exposition plus élevée au marché boursier canadien dans certaines circonstances, mais pas toujours. »

Soulignant le manque de profondeur du marché obligataire canadien, M. Bader se réjouit d’ailleurs de la popularité grandissante des FNB d’obligations mondiales, qui permettent aux investisseurs de diversifier plus facilement leurs portefeuilles de titres à revenu fixe.

Mais de là à fixer un seuil maximal à partir duquel les investisseurs canadiens ne devraient plus investir dans des titres d’ici, il y a un pas qu’on ne devrait pas franchir, estime Ralph Hartmann, gestionnaire de portefeuille et cofondateur de FNB Capital Asset Management. « Il n’existe pas de chiffre magique : 3%, c’est probablement insuffisant, mais 57 %, c’est probablement trop. »

Pierre-Luc Trudel