Mise en garde contre deux stratagèmes fiscaux

Par La rédaction | 31 août 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
6 minutes de lecture
Panneau de circulation avec l'icône attention.
Photo : trendobjects / 123RF

L’Agence du revenu du Canada (ARC) avertit les contribuables qu’ils ne doivent pas participer à deux types de stratagèmes fiscaux liés aux régimes de rente assurée avec effet de levier et aux prétendus régimes d’assurance invalidité à l’étranger.

En effet, explique l’ARC, certains promoteurs, y compris des représentants fiscaux et des préparateurs de déclarations de revenus, affirment que les particuliers peuvent tirer des gains non imposables de sociétés ou déclarer des frais d’assurance importants grâce à un régime de rente assurée avec effet de levier offert par de prétendus assureurs hors du Canada. De même, ils soutiennent que les contribuables peuvent obtenir des montants non imposables auprès d’une société et que celle-ci peut obtenir une radiation de l’impôt au moyen des régimes d’assurance invalidité de l’employeur fournis par un présumé assureur, toujours à l’étranger.

Or, insiste l’Agence, ce n’est pas le cas et il s’agit là bel et bien de stratagèmes fiscaux. Autrement dit, « de plans et de dispositions qui contreviennent à la Loi de l’impôt sur le revenu ». Par conséquent, leurs promoteurs « trompent les contribuables en leur promettant de réduire l’impôt qu’ils doivent » et en leur faisant miroiter « de grandes déductions ou des revenus non imposables ».

LA RENTE ASSURÉE AVEC EFFET DE LEVIER

Le premier de ces stratagèmes, la rente assurée avec effet de levier (RAL), est un prêt à recours limité (ou prêt sans risque) entièrement garanti par une police d’assurance vie et une rente. Ce prêt est généralement remboursable à la suite du décès de toute personne assurée. Toutefois, note l’ARC, la police d’assurance vie, la rente et le prêt « sont fortement interdépendants, n’auraient pas été offerts séparément et ne sont pas avantageux sur le plan commercial pour l’acheteur, le fournisseur ou la personne assurée si l’intention est réellement d’offrir une assurance ». L’Agence précise que si les RAL sont en général offertes par des sociétés étrangères, sa mise en garde s’applique aussi à tout produit identique offert au pays.

L’intérêt de la RAL est qu’elle fournit de multiples avantages fiscaux, incluant une augmentation du compte de dividendes en capital d’une société privée canadienne au décès de toute personne assurée en vertu de la police d’assurance vie, une déduction des primes et la possibilité de déduire les frais d’intérêt sur le prêt. Toutefois, depuis 2013, de nouvelles règles s’appliquent à ces produits « afin d’invalider ces avantages contraires à l’intention première ainsi que pour améliorer l’intégrité et l’équité du régime fiscal », rappelle l’agence fédérale.

Concrètement, le stratagème d’un régime de RAL fonctionne de la manière suivante : une société canadienne privée l’utilise pour distribuer ses gains libres d’impôt à des actionnaires individuels sous forme de remboursements de prêts ou de dividendes en capital non imposables. Pour ce faire, le contribuable constitué en société investit généralement dans un régime de rente assorti d’une police d’assurance vie offerte par un soi-disant assureur à l’étranger, qui assure la vie d’une ou de plusieurs personnes. Les principales caractéristiques de ce stratagème sont :

  • offre de prêts à recours limités aux participants par des prêteurs hors du Canada (les participants doivent accepter de souscrire une police d’assurance vie et un régime de rente pour payer les primes de l’assurance offerte par un prétendu assureur à l’étranger);
  • remboursement du capital et des intérêts (qui sont capitalisés) sur le prêt à recours limité avec l’indemnité de décès payée par la police d’assurance vie;
  • cession de la police d’assurance vie et du régime de rente à un prêteur hors du pays pour rembourser le prêt à recours limité au décès.

LES RÉGIMES D’ASSURANCE INVALIDITÉ

L’ARC rappelle qu’un régime d’assurance invalidité authentique est un produit financier qui fournit habituellement un revenu mensuel aux personnes incapables de travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure inattendue. Destiné à permettre aux employeurs de s’assurer contre les risques associés à la santé de leurs employés, un tel régime doit décrire les détails d’une police d’assurance, ainsi que les détails du paiement, les passifs et les dispositions de l’assurance et de l’assureur. Le problème, explique l’Agence, c’est que certains stratagèmes prétendant fournir une assurance invalidité ne le font pas.

Concrètement, un régime d’assurance invalidité à l’étranger est une entente en vertu de laquelle un promoteur vend une assurance invalidité de contribuable constitué en société. Celui-ci effectue alors un dépôt (directement ou indirectement, par l’intermédiaire d’une fiducie de santé et de bien-être) auprès d’une société établie hors du Canada. Au moyen d’une série d’opérations, la société à l’étranger prête prétendument les fonds à l’actionnaire, à l’employé ou aux parties liées du contribuable constitué en société à titre de recours limité, et donc sans risque. Les actionnaires, employés ou parties liées prêtent ensuite le même montant de fonds au contribuable constitué en société.

L’intérêt? Ce dernier, qui paie les primes de la prétendue assurance, est sûr que la plupart de ses dépôts seront remboursés aux actionnaires, employés ou parties liées de la société, et qu’ils lui seront ensuite retournés. Toutes ces opérations sont effectuées sous le couvert d’un régime d’assurance invalidité. Pour justifier ce montage, le promoteur de ces transferts de fonds à l’étranger déclare qu’il s’agit d’une façon légale d’éviter de payer de l’impôt. Par exemple, il peut prétendre que :

  • une ou plusieurs personnes ayant un lien de dépendance, y compris des employés, peuvent recevoir des montants non imposables d’un contribuable constitué en société;
  • le contribuable constitué en société peut déduire les frais de primes d’assurance.

« CONSÉQUENCES GRAVES » POUR LES CONTREVENANTS

Dans les deux cas, ces dispositifs sont illégaux, avertit l’ARC. En ce qui concerne le RAL, les fonds entrent et sortent du Canada en montants qui sont demandés à titre de dépenses d’assurance de grande envergure afin d’éviter l’impôt sur le revenu canadien. Ces déductions sont un multiple des fonds réels que les participants ont payés dans le cadre des stratagèmes à partir de leurs richesses préexistantes, une partie importante de ces fonds réels étant utilisée pour payer les honoraires des promoteurs (commissions). Les produits n’auraient pas autrement été émis en l’absence d’autres contrats interdépendants. Dans le cas du régime d’assurance invalidité, les fonds entrent au pays et repartent à l’étranger également pour éluder l’impôt sur le revenu. Et ce type de produit n’a aucun sens sur le plan commercial et ne serait pas offert sans ces contrats interdépendants.

Forte de ces constats, l’ARC annonce qu’elle examinera désormais attentivement les produits d’assurance, incluant les RAL, avec effet de levier afin de déterminer s’ils sont des produits d’assurance valables ou seulement des moyens d’obtenir un avantage fiscal. L’Agence indique avoir également repéré des RAL pour lesquelles la règle générale anti-évitement sera utilisée pour refuser l’avantage fiscal recherché. Et elle prévient que si ces prétendus produits d’assurance ne sont pas valables à ses yeux, les participants, les promoteurs et les vendeurs « devront faire face à de lourdes conséquences, y compris des amendes administratives imposables aux tiers pour les promoteurs et des pénalités pour faute lourde pour les participants ».

Pour éviter d’en arriver à de telles extrémités, l’agence fédérale invite les particuliers à consulter « un fiscaliste réputé » pour obtenir un deuxième avis indépendant au cas où ils auraient un doute sur la pertinence d’une opération à laquelle ils participent. Elle rappelle par ailleurs que s’ils croient avoir dans le passé, à leur insu, eu recours à un stratagème destiné à éluder l’impôt sur le revenu au pays, ils ont toujours la possibilité de corriger leur situation fiscale au moyen du Programme des divulgations volontaires.

La rédaction