Mythes et réalité de la gestion de risque

Par Pierre Saint-Laurent | 15 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture

• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2009 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


La gestion de risque demeure un sujet brûlant d’actualité : où étaient les gestionnaires de risque lors de la crise? Doit-on augmenter le rôle de la gestion de risque dans la gestion financière et la gestion de portefeuille? À la lumière des scandales financiers en tous genres, est-ce que chaque investisseur doit apprendre à faire sa propre gestion de risque? Je vous présente ci-dessous une suite d’affirmations, suivies de mes commentaires sur le sujet.

LES GESTIONNAIRES DE RISQUE ont causé la crise financière récente.

Personne n’écoute les gestionnaires de risque! Sans être aussi lapidaire, on peut affirmer que tous les modèles de gestion de risque au monde ne changeront rien si la société financière, sa haute direction et ses responsables n’adoptent pas une vision équilibrée du risque. À la base même de la théorie (et de la pratique) de la finance repose l’idée que l’investisseur doit être correctement rémunéré pour le risque qu’il prend. Est-ce toujours le cas? D’aucuns avanceront que la tentation de la «haute performance», des rendements à tout prix, domineront la pensée des gestionnaires et décideurs, surtout si leur rémunération repose sur des bonifications mesurées sur les rendements et non sur le risque. Pour être plus cynique, on pourrait croire qu’il existe un cycle «cupidité/crainte» parallèle au cycle économique lui même. Je vais être méchant peut-être: cupidité rime avec stupidité. Si j’avais à changer le monde, je dirais qu’il nous faut des rémunérations variables (bonus) positives et négatives, selon qu’un gestionnaire ajoute ou retranche des rendements. En clair, la responsabilité de la gestion de risque incombe à la direction et aux gestionnaires de portefeuille des sociétés financières. Les gestionnaires de risque, eux, sont au service de ces décideurs pour les aider à comprendre les risques.

LA GESTION DE RISQUE est une science exacte; son application rigoureuse préviendra les crises majeures dans l’avenir.

La gestion de risque est tout autant un art qu’une science. Au-delà des savants calculs et des modélisations, il faut exercer un jugement fondé pour répartir le budget de risque parmi les diverses catégories d’actifs en portefeuille. Le risque est dynamique: il faut le suivre, voire l’anticiper. Enfin, la mesure du risque repose sur des hypothèses: or, quelqu’un doit formuler ces hypothèses, les valider, en être responsable ! C’est dire qu’à la limite, la fonction de gestion de risque est une fonction administrative plutôt que technique ou mathématique. La gestion de risque fait partie des tâches importantes qui relèvent du conseil d’administration. Toute société devrait avoir un comité de gestion de risque à son C.A.

LA GESTION DE RISQUE est complexe et incompréhensible, donc inapplicable aux portefeuilles de particuliers.

90% de la gestion de risque d’un particulier n’a rien de technique ni de nouveau. La première gestion de risque, c’est la diversification, soit la répartition d’actifs, que l’on fait depuis toujours. L’assurance est une autre forme de gestion de risque, comme l’est aussi la compréhension du «pire qui peut arriver » dans un placement ou dans un portefeuille. Or, des outils simples (tels que les calculs de VaR et de VaO, destinés aux particuliers et récemment expliqués dans cette chronique) peuvent aider l’investisseur à suivre la cadence.

LA GESTION DE RISQUE est une «boîte noire», inaccessible aux investisseurs. Par conséquent, celui-ci doit s’en remettre aux gestionnaires pour effectuer une gestion de risque de qualité.

La gestion de risque est une disposition, à la limite un état d’esprit. Depuis toujours, agir avec prudence, c’est «laisser de l’argent sur la table», ne pas prendre le dernier risque possible, savoir s’arrêter devant l’appât du gain obtenu par une transaction qui pourrait mal tourner. La tâche de l’investisseur, semblerait-il, est double: savoir avant tout ce qu’il veut à long terme, c’est-à- dire se connaître en tant qu’investisseur; puis exercer suffisamment de discernement pour avoir une confiance raisonnable et réfléchie en ses conseillers et ses gestionnaires (on pourrait passer la journée sur ce seul sujet). La technique, donc, relève des spécialistes ; la «juste prise de risque» dans le placement, de l’investisseur.

Ces commentaires témoignent uniquement de mon point de vue. Je suis très intéressé à connaître les vôtres. Écrivez-moi!

Pierre Saint-Laurent, CFA, CAIA, FRM, est président d’ActifConseil à Montréal. psl@actifconseil.com


• Ce texte est paru dans l’édition d’octobre 2009 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Pierre Saint-Laurent