On n’a plus les pays émergents qu’on avait (EN FRANÇAIS)

16 avril 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Femme âgée vietnamienne assise dans un champ et prenant un selfie.
Photo : Sasin Tipchai / 123RF

Leurs économies se rapprochent de plus en plus de celles des pays développés, note Éric Morin, analyste principal pour Gestion d’actifs CIBC.

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« Les économies émergentes offrent une croissance sous-jacente supérieure aux pays développés, et leurs actifs sont devenus beaucoup moins risqués que par le passé », dit l’expert.

Il cite plusieurs raisons à ce phénomène. D’abord, la normalisation des politiques monétaires des pays développés aura peu de répercussions négatives dans les pays émergents.

« L’écart entre les taux actuels des banques centrales et leurs taux cibles à long terme est moins prononcé dans ces pays. Elles ont moins besoin de hausser les taux d’intérêt que les banques centrales des pays développés, dont les taux sont tellement bas qu’elles manquent d’outils pour contrer d’éventuels chocs macro-économiques négatifs », dit Éric Morin.

« Aussi, la normalisation des politiques monétaires aura moins d’effet dans les pays émergents parce que ceux-ci ont des taux d’endettement beaucoup moins élevés en proportion du PIB. Les paiements d’intérêt seront donc moins affectés que dans les économies avancées », poursuit l’expert.

Ensuite, les pays émergents voient leurs niveaux de vie converger à grande vitesse avec ceux des pays développés, ce qui contribue à leur croissance.

« Il y a plus de cent ans, les niveaux de vie en Amérique du Nord étaient très inférieurs à ceux qui prévalaient en Europe. La convergence des niveaux de vie a fait en sorte que la croissance nord-américaine a surclassé l’européenne au bout du compte. Le même processus a lieu en ce moment dans les pays émergents, surtout en Asie. Leur croissance économique devrait continuer de surclasser celle des économies avancées », dit Éric Morin.

Il rappelle que pour le moment, le PIB par habitant des pays émergents est à 40 % de celui des pays développés, soit plus du double d’il y a dix ans. Selon lui, le processus devrait se poursuivre.

Quant à la diminution du risque, elle provient d’une croissance économique plus diversifiée.

« Les économies émergentes ont fait des progrès considérables ces dernières années pour réduire leur dépendance excessive aux exportations et aux matières premières. Cela a fait en sorte que le secteur tertiaire [des services] représente désormais 70 % des Bourses des pays émergents, une proportion similaire à celles des pays développés. Leur croissance économique est donc plus soutenable sur le long terme et résiliente face à des chocs économiques négatifs, par exemple une hausse de taux aux États-Unis », dit Éric Morin.

Autre observation : la courbe de Phillips, qui met en relation l’inflation et les marchés du travail, est beaucoup moins sensible qu’avant dans les pays émergents.

« Par le passé, lorsque l’activité économique était très forte, il y avait une tendance inflationniste prononcée qui forçait la Fed à resserrer sa politiques avec des taux plus élevés, qui à leur tour engendraient des sorties de capitaux des pays émergents. Le fait que cette relation est moins prononcée qu’auparavant fait en sorte qu’il est moins probable que la Fed doive resserrer sa politique, et donc que les risques d’une sortie de capitaux massive des pays émergents sont moins importants qu’auparavant », dit Éric Morin.

L’expert rappelle cependant qu’il faut prendre en compte les différences d’un pays émergent à l’autre. Il ne s’agit pas d’une catégorie d’actif homogène, loin de là.

« [D’un côté], l’Argentine et la Turquie sont des économies encore vulnérables aux chocs négatifs; elles attirent l’attention des médias, ce qui est un peu trompeur sur l’ensemble des pays émergents puisqu’elles représentent une proportion minime de leur indice global. [De l’autre côté], d’autres économies émergentes telle la Corée du Sud peuvent être considérées comme plus développées que des pays comme le Portugal », donne-t-il à titre d’exemples.

« Il y a deux décennies, le PIB par habitant de la Corée du Sud ajusté pour la parité des pouvoirs d’achat était de 25 % inférieur à celui du Portugal. Aujourd’hui, il est de 30 % supérieur. Le pays a développé un avantage concurrentiel dans la production de biens à grande valeur ajoutée, il est même devenu meilleur que la plupart des économies développées », poursuit-il.

« Le point à retenir, c’est que la plupart des économies émergentes deviennent similaires aux économies développées. Elles sont donc moins risquées, mais la convergence des niveaux de vie leur confère une croissance économique supérieure. Elles sont donc devenues plus attrayantes dans une perspective de risque et de rendement, car leur croissance devrait demeurer supérieure et leurs risques ont diminué au fil du temps. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.