Partage de commission : l’avis à retardement de Revenu Québec

Par La rédaction | 18 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
6 minutes de lecture

Revenu Québec a dévoilé à la fin du mois d’octobre les grands principes devant désormais encadrer le partage de commission pour les représentants en épargne collective, révélait récemment Finance et Investissement.

« Cette interprétation a été soumise dans le contexte où la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières, sanctionnée le 13 juin 2018, a modifié la Loi sur les valeurs mobilières [LVM], notamment sur le plan du partage de commissions », indique F&I. Par exemple, lorsqu’un représentant en épargne collective souhaite profiter du partage de commissions en toute légalité, il devra dorénavant démontrer la pertinence de l’opération réalisée entre lui, le courtier en épargne collective par qui transite le revenu et l’autre société par actions autorisée à percevoir la commission.

Intitulé Partage de commissions – Représentant d’un courtier en épargne collective, ce document rédigé le 5 octobre 2018 a été mis en ligne seulement le 29 octobre dernier, a toutefois constaté Conseiller. Dans cette interprétation technique, fournie en réponse à la demande d’une entreprise non identifiée, l’autorité fiscale québécoise part d’exemples fictifs pour énoncer plusieurs principes importants, dont celui-ci : « Bien que la LVM et sa réglementation ne semblent pas obliger qu’il existe un quelconque motif pour effectuer un partage de commissions, il est nécessaire de justifier le bien-fondé de la transaction intervenue entre le représentant de courtier en épargne collective (qui a par ailleurs droit au revenu pour les services rendus), la firme par qui transite le revenu et l’autre personne autorisée à recevoir la commission pour qu’un tel partage soit reconnu en vertu des règles fiscales applicables. »

VERSEMENT D’HONORAIRES « RAISONNABLES »

« La Loi sur les impôts ne comporte pas de règles sur la validité du partage de commissions ni de limites particulières pour un tel partage. De ce fait, dans le cas où un représentant de courtier en épargne collective partage sa commission avec une autre personne (par le biais d’une firme), la préoccupation principale de la Loi n’est pas tant de déterminer si ce partage est valide que de déterminer s’il correspond à une rémunération gagnée par cette autre personne pour des services que cette dernière a réellement rendus », indique également Revenu Québec.

Relevant qu’il existe aujourd’hui « de nombreux dossiers qui comportent des enjeux fiscaux importants en lien avec le partage de commissions impliquant des représentants de courtiers en épargne collective », l’agence souligne que « selon [sa] compréhension des faits soumis, c’est le représentant de courtier en épargne collective qui a droit au revenu pour les services rendus en lien avec la vente de produits en épargne collective, et non le cabinet X ». Revenu Québec estime toutefois que, dans la mesure où des services sont réellement rendus par cette société au représentant, des « honoraires raisonnables » peuvent être versés à la firme en question. « Ces honoraires peuvent être déduits dans le calcul du revenu du représentant de courtier en épargne collective uniquement dans la mesure où ils sont effectués pour gagner un revenu provenant de cette entreprise et qu’ils sont raisonnables dans les circonstances, et ce, au sens des articles 80, 128 et 420 de la Loi sur les impôts. »

Contactée par Conseiller, l’autorité fiscale québécoise confirme que cette note d’interprétation a bien été rédigée par ses analystes à l’automne 2018, mais refuse d’expliquer pourquoi le délai entre sa rédaction et sa mise en ligne a été aussi important. « Dans le cadre de ses activités, Revenu Québec est appelé à rendre des opinions juridiques ou fiscales relativement à la législation fiscale au moyen de lettres d’interprétation, explique Marie-Pierre Blier, conseillère en relations publiques à l’agence. Il y a lieu de rappeler que le droit fiscal est un droit accessoire de sorte que, dans la situation faisant l’objet de la lettre d’interprétation [dont il est question], il ne fait qu’établir les conséquences fiscales d’une relation d’affaires. »

« CONSULTER UN SPÉCIALISTE AVANT DE PROCÉDER »

Plus précisément, souligne la porte-parole, « cette lettre d’interprétation présente les commentaires de Revenu Québec quant aux conséquences fiscales pouvant résulter d’un partage de commissions par un représentant de courtier en épargne collective avec une autre personne par le biais d’une firme dûment inscrite à titre de courtier en épargne collective auprès de l’Autorité des marchés financiers ». Marie-Pierre Blier conclut en soulignant que l’agence « ne s’est pas prononcée sur la validité d’un tel partage de commissions en regard de la LVM, mais seulement sur les conséquences fiscales qui en découlent en déterminant si un tel partage entre le représentant et cette autre personne correspondait à une rémunération gagnée par l’autre personne pour des services rendus par celle-ci ».

De son côté, l’Autorité rappelle qu’en janvier 2016, elle avait publié un Avis sur le Versement de la rémunération découlant d’activités dans le secteur des valeurs mobilières à une personne non inscrite en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières. « L’article 160.1.1. de la LVM est entré en vigueur le 13 juillet 2018 et permet depuis lors le partage de commission entre un inscrit régi par la Loi et un inscrit régi par la Loi sur la distribution de produits et services financiers, chapitre D-9.2., ce qui rend cet Avis caduc », précise Sylvain Théberge. Ainsi, les règles édictées par la législation applicable en valeurs mobilières permettent, à certaines conditions, de partager une commission gagnée à la suite d’une transaction en épargne collective. Le porte-parole du gendarme boursier québécois note cependant que « ni l’article 160.1.1 de la LVM ni les articles 192.2. à 192.4 du Règlement sur les valeurs mobilières ne prévoient de règles spécifiques quant au pourcentage de la commission qui peut être partagé ».

Sa conclusion : « Le cabinet de courtage en épargne collective qui reçoit la commission au départ et les inscrits avec qui il partage cette commission par la suite doivent tous tenir compte des règles fiscales pouvant s’appliquer à leur situation particulière et chacun devrait toujours consulter un spécialiste en la matière ou les autorités fiscales compétentes avant de procéder. »

Un pas dans la bonne direction, selon Flavio Vani

« Pour les professionnels qui exercent en multidisciplinarité, l’interprétation de Revenu Québec représente un avantage, à condition bien sûr qu’ils soient incorporés. En revanche, quelqu’un qui détiendrait seulement un permis en fonds communs ou en valeurs mobilières ne pourra pas être incorporé, à moins qu’il ne perçoive des honoraires », estime le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers.

« Concrètement, explique-t-il, une personne ayant les deux casquettes et un cabinet pourra faire payer ses commissions au cabinet. Et même s’il est vrai que cela existait déjà auparavant, désormais ce sera plus facile. Donc il s’agit là d’un premier pas dans la bonne direction, même si cela ne va pas aussi loin que ce que nous souhaiterions. »

La rédaction