Partie 1 : Ne manquez pas le bateau du Lady boom

Par Sophie Stival | 29 septembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les femmes et la retraite. Cinq mots qui soulèvent des craintes auprès de la gent féminine et qui représentent un défi de taille pour les conseillers. A-t-on raison de s’inquiéter ? Sûrement pas, affirment les trois experts interrogés par Conseiller.

Les femmes constituent au contraire une occasion d’affaires formidable. Mais attention, cette clientèle est confrontée à des contraintes et des besoins qui lui sont propres. Les conseillers doivent remettre en question leurs façons de faire et modifier leur approche. Les institutions financières ont également un rôle à jouer.

« Toute institution financière qui ne s’attaque pas à la clientèle féminine manquera le bateau », déclare d’emblée la présidente de la Financière Sun Life au Québec, Isabelle Hudon. « Le plus grand défi pour nos conseillers et conseillères, c’est d’amener les femmes, qui sont de très bonnes gestionnaires de budget familial, à devenir des investisseurs. Et ça, c’est toute une marche à monter ! », confie à Conseiller Isabelle Hudon.

Cette dernière n’en croit pas moins que le Québec vit présentement un véritable « Lady boom ».

Lady boom : quelques chiffres Il y a 40 ans, les femmes étaient campées dans le rôle de gestionnaire du budget familial parce que ce n’était pas elles qui fournissaient le revenu du ménage. Aujourd’hui, les femmes ont véritablement investi le marché du travail. Depuis 35 ans, pour chaque homme qui s’est ajouté à la population active, au moins deux femmes ont fait de même. L’écart entre la part des femmes et des hommes dans la population active s’est donc continuellement rétrécie.

Isabelle Hudon siège au conseil d’administration de l’UQAM depuis 2008. Le milieu universitaire, elle connaît. « Les chiffres démontrent clairement que ce Lady Boom est loin d’être terminé », dit-elle. Entre 1991 et 2006, près des deux tiers des nouveaux emplois de niveau professionnel ont été occupés par des femmes, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec. Des postes qui nécessitent une formation universitaire. D’ailleurs, à l’UQAM la proportion d’étudiantes atteint aujourd’hui 62 %. Toutes ces données convergent vers une même conclusion : le revenu des hommes et des femmes se rapproche de plus en plus, particulièrement chez les plus jeunes générations.

Isabelle Hudon cite des chiffres révélateurs : en 2008, les femmes âgées de 45 à 64 ans gagnaient 65 % du revenu moyen des hommes de ce groupe d’âge. Chez les 25-44 ans, c’est 81 %. « Ce pourcentage sera de 100 % et peut-être bien plus dans quelques années », croit Mme Hudon. Les femmes gagnent de plus en plus d’argent et elles ont droit à une retraite tout aussi bien préparée que celle des hommes », ajoute-t-elle.

« On ne peut nier ces données, renchérit le planificateur financier Gilles Sinclair. Le niveau d’éducation des femmes est de plus en plus élevé et leurs revenus augmenteront du même coup. » Selon le vice-président adjoint, Alliances et canaux de distribution pour les provinces de Québec et de l’Atlantique à B2B Trust, la bataille des revenus est pratiquement terminée. « Peut-être que les femmes refermeront aussi un peu leur cœur, car on sait combien elles sont généreuses avec leurs enfants et la famille », ajoute-t-il en faisant référence au défi de l’épargne-retraite.

Des contraintes malgré tout Ce portrait n’en demeure pas moins optimiste. Derrière lui se cachent des contraintes particulières qu’on ne peut négliger. Les plus récentes données actuarielles de la Régie des rentes du Québec (RRQ) sont là pour nous rappeler que les femmes qui ont aujourd’hui 65 ans devraient vivre jusqu’à 86,6 ans, soit 3,1 années de plus que leurs semblables masculins.

Cette longévité accrue rend plus anxieuses les femmes, avec raison. Selon d’autres données du RRQ, les femmes reçoivent en moyenne une rente équivalant à 52 % de la rente maximale. Pour les hommes, la moyenne correspond à 72 % de la rente maximale, soit un revenu près de 40 % plus élevé. Enfin, les femmes cotisent moins d’années au RRQ. En 2010, elles totalisent en moyenne sept années de moins que les hommes, soit 26,9 années de cotisation contre 34,3.

Lorsqu’on examine les différentes sources de revenus à la retraite des aînés, le revenu de retraite des femmes est en moyenne inférieur à celui des hommes, à l’exception des prestations de Sécurité de la vieillesse. C’est le revenu des régimes privés de revenu d’emploi des hommes et des femmes qui affiche l’écart le plus important, soit 14 400 $ pour les hommes et 9200 $ pour les femmes.

Isabelle Hudon ne nie pas ces faits. « Les femmes doivent placer environ 10 % de plus de sous que les hommes si elles veulent avoir le même montant à la retraite », ajoute-t-elle. Ce chiffre est tiré du Rapport Castonguay, où l’on détaille le capital requis pour un homme et une femme qui souhaitent se constituer une rente viagère.

Produits d’épargne féminins? Les femmes se préoccupent plus que les hommes de la hausse des prix des aliments et de l’inflation en général, selon l’Indice canadien de report de la retraite Sun Life. En matière d’épargne et de placement, les femmes sont également plus prudentes, révèle un sondage RBC publié en février 2011. Elles recherchent des rendements plus stables et elles accordent une moins grande importance aux actions que les hommes dans leur portefeuille d’investissement.

Doit-on alors leur offrir des produits de placement sur mesure? Non, semble-t-il. Nos intervenants sont convaincus qu’il faut plutôt miser sur une approche différente avec la clientèle féminine.

Bien qu’elles soient confrontées à des contraintes particulières, les produits financiers existants répondent déjà à ces besoins. Là où le conseiller peut jouer pleinement son rôle, c’est en leur expliquant plus clairement les notions financières de base, telle la protection du portefeuille contre l’inflation.

Les conseillers doivent également démystifier le concept de risque. Ça veut dire mieux informer les femmes en développant leurs connaissances, leurs compétences et leur confiance en soi, les fameux trois « C » de la littératie financière.

« Le risque, ça se gère. Il faut informer et éduquer les clientes afin qu’elles fassent des choix d’investissement éclairés, explique Gilles Sinclair. On a parfois tendance à pousser un produit. Or, le choix du produit viendra de lui-même. La conclusion sera ce produit. Avant ça, il y a tout un cheminement à suivre. »

« Puisque les femmes devront accumuler plus d’épargne pour la retraite que les hommes, apprenons-leur à faire fructifier leurs avoirs et à maximiser leur rendement », dit Mme Hudon. Une bonne façon d’y arriver c’est en leur proposant un plan financier écrit et personnalisé.

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Cet article est tiré de l’édition de septembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Sophie Stival