Pourquoi le « shadow banking » n’est-il pas plus réglementé?

Par La rédaction | 17 septembre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Sept ans après le début de la crise financière et économique, la finance dite « de l’ombre » demeure peu et mal encadrée alors que son poids, son opacité et les risques qu’elle représente pour la société semblent plus élevés que jamais, rapporte Le Figaro.

Pour comprendre ce phénomène, explique-t-il, il faut revenir sur la crise des subprimes, qui a « révélé les failles de la finance mondialisée, interconnectée et ultra sophistiquée », ainsi que l’existence de « cette gigantesque machine à concentrer et redistribuer les risques financiers, qui opère et prospère sans entrave », qu’est le shadow banking.

Aujourd’hui, force est de constater que les citoyens et les institutions financières ne sont pas protégés contre « cette partie obscure de la finance, qui facilite la propagation des crises », déplore le quotidien. Et « malheureusement, rien n’indique que la “bête” soit maîtrisée dans un futur proche ».

« ACTIVITÉS OPAQUES ET MOUVANTES »

Pourtant, rappelle-t-il, depuis le choc de 2007-2008 qui a mis à mal la plupart des grandes économies, « les régulateurs se sont agités autour de cette finance périphérique », caractérisée par « des activités opaques et mouvantes » et par « des acteurs puissants ».

Les raisons de leur impuissance sont peut-être à chercher du côté même des fondements du système actuel, estime Le Figaro, tant il est vrai que cette finance parallèle « s’avère vitale pour soutenir la boucle investissement-consommation-croissance dont le capitalisme a besoin pour bien fonctionner ».

Une dualité qui « pose des défis redoutables aux Banques centrales et aux pouvoirs publics », estime le journal : en effet, comment mettre de l’ordre « dans un secteur qui se nourrit précisément du contournement de la réglementation bancaire et financière »?

LE POIDS DES LOBBIES BANCAIRES

« Le travail d’éclaircissement [dans ce domaine] est un chantier de longue haleine qui n’en est encore qu’à ses débuts, juge Pascal Blanqué, auteur d’un ouvrage intitulé Le Shadow Banking, coécrit par plusieurs économistes. Pour l’instant, nous en sommes toujours à la surface d’un sujet complexe. Il y a encore une marge d’incertitudes qui posent le risque d’une régulation précipitée. »

Les lobbies bancaires et financiers « sapent les changements réglementaires nécessaires pour assainir et stabiliser » la finance mondiale, dénonce pour sa part Jézabel Couppey-Soubeyran, professeure à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.

« Leur poids est à la hauteur de l’hypertrophie du secteur [puisque] chaque grand groupe bancaire européen pèse à peu près, en total de bilan, l’équivalent du produit intérieur brut de son pays d’origine. De quoi influencer le cours des réformes… », souligne cette spécialiste en régulation bancaire et financière.

FINANCE ET POLITIQUE

De leur côté, les chercheurs Anat Admati et Martin Hellwig, auteurs du livre The Bankers’ New Clothes, enfoncent le clou, écrit Le Figaro. Ces deux économistes jugent en effet que les lobbies bancaires profitent de la complexité du dossier « pour diffuser auprès des gouvernants et de l’opinion publique des arguments fallacieux qui parviennent à freiner les réformes et en raboter le contenu ».

Sans parler des liens entre les milieux financiers et le monde politique, rappelle le journaliste français Marc Roche, auteur de plusieurs enquêtes sur les questions bancaires, puisqu’« on ne compte plus les politiciens qui se mettent au service des banques et vice versa, au mépris de l’éthique la plus élémentaire ».

C’est par exemple le cas de l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, de l’ex-chancelier allemand Gerhardt Schröder, de l’ex-secrétaire du Trésor des États-Unis Henry Paulson ou de l’actuel président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, détaille-t-il.

LA DÉMARCHE RÉGLEMENTAIRE RESTE VALABLE

En fin de compte, constate Le Figaro, plus la réglementation se durcit, plus la « finance de l’ombre » se développe et se complexifie. Toutefois, insiste le quotidien, « ce constat, largement servi par les banques qui n’ont ni envie ni intérêt à être davantage régulées, n’invalide pas pour autant la démarche réglementaire ».

« Il faut abandonner toute naïveté en la matière : l’efficacité des réglementations est réduite par les contournements, mais il lui reste malgré tout, en général, une dose suffisante d’effectivité », conclut l’économiste français Christian de Boissieu.

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