Pourquoi Michel Marcoux a jeté l’éponge

Par Didier Bert | 26 juin 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Ho Yeow Hui / 123RF

Le conseiller Michel Marcoux, auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur le placement, a renoncé à son permis de représentant. Conseiller.ca a recueilli les explications de cette décision auprès des acteurs du dossier, dont Michel Marcoux lui-même en exclusivité.

Le 30 mai dernier, Michel Marcoux s’est résolu à ne pas renouveler son permis auprès de l’Autorité des marchés financiers. Au moment où il est à nouveau appelé à comparaître devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) dans le cadre de l’affaire Dominion Investments, Michel Marcoux dit vouloir consacrer son énergie à laver sa réputation.

Concrètement, quelques jours seulement après s’être abstenu de renouveler son droit de pratique, Michel Marcoux a rattaché la gestion des actifs de son cabinet Avantages services financiers vers le courtier Mica Capital. Ses deux partenaires d’affaires chez Avantages ont ainsi été rattachés à Mica, tandis que le conseiller vedette prenait du recul.

« Pour nous, c’est une opportunité d’affaires, explique Gino Savard, le président de Mica services financiers. Je connais Michel depuis quelques années, et nous avions déjà parlé de cette possibilité. »

Jusqu’au début du mois de juin 2014, Avantages services financiers était rattaché au cabinet Mérici. Mais les relations entre les deux firmes se sont progressivement distendues. Et Michel Marcoux cherchait à trouver un nouveau cabinet de rattachement. Un virage difficile à prendre alors qu’il s’apprêtait à retourner devant le comité de discipline de la CSF.

En mai dernier, il accepte les conditions de Gino Savard, à savoir de prendre du recul et de transférer la gestion de sa clientèle à ses partenaires. Michel marcoux décide ainsi de ne pas renouveler son droit de pratique auprès de l’AMF. La voie devient libre pour rattacher son cabinet à Mica… sans lui. Concrètement, les fonds demeurent détenus directement par les clients d’Avantages services financiers.

Dans l’affaire, Mica hérite de deux nouveaux conseillers : Bruno Ballarano et Michel-Olivier Marcoux, le fils de Michel Marcoux. « Tous les deux sont d’excellents conseillers, se félicite Gino Savard. De toute façon, depuis plus d’un an, le rôle de Michel était en train de changer. Il se consacrait davantage au suivi des différents fonds et au conseil en portefeuille de ses deux partenaires. »

ACCUSÉ DE S’ÊTRE APPROPRIÉ UN MILLION DE DOLLARS 

Jusqu’à présent, le comité de discipline de la CSF a reconnu Michel Marcoux coupable de trois chefs d’accusation d’entrave à une enquête de l’Autorité, tout en le relaxant de sept chefs d’accusation de manquement à la déontologie. En février 2013, M. Marcoux a écopé d’une sanction de deux mois de radiation. L’intimé et la syndique de la CSF ont chacun porté la décision en appel.

Sans attendre la décision d’appel, à l’automne 2013, la syndique demandait au comité de discipline de radier temporairement Michel Marcoux, mettant en avant qu’il présentait un danger pour la protection du public. Le comité de discipline avait refusé cette sanction préventive, affirmant que la syndique n’avait pas démontré l’urgence de prendre une telle mesure.

Depuis le 17 juin 2014, Michel Marcoux fait face à 24 chefs d’accusation, pour des faits liés au dossier Dominion Investments au cours des années 2002 à 2013. La syndique de la CSF accuse cette fois M. Marcoux de s’être approprié un million de dollars appartenant à trois investisseurs en lien avec Dominion. Ces derniers ont aussi entamé une poursuite au civil à l’encontre de M. Marcoux.

« Je n’étais pas dangereux l’an passé, mais aujourd’hui je serais dangereux alors que je ne suis plus inscrit! », s’indigne Michel Marcoux. L’ancien représentant avance l’absence de preuves, et assure que les victimes présumées étaient clientes de Dominion, et non d’Avantages services financiers… avant de souligner que Conseiller.ca est le premier média à l’interroger sur sa version des faits.

Quand on lui demande combien de temps il compte renoncer à son permis, Michel Marcoux répond qu’il ne veut pas donner d’information qui pourrait être utilisée par l’accusation.

S’il veut pratiquer à nouveau son métier, Michel Marcoux dispose d’un temps limité pour demander le renouvellement de son permis. « Si la demande de remise en vigueur ne s’effectue pas dans l’année suivant l’abandon ou le non-renouvellement, le postulant devra refaire l’examen servant à démontrer qu’il est en mesure de respecter la législation applicable à l’exercice des activités de représentant, précise Sylvain Théberge, le porte-parole de l’Autorité des marchés financiers. Si la demande de remise en vigueur ne s’effectue pas dans les trois années suivant l’abandon ou le non-renouvellement, ce dernier devra refaire tout le processus d’entrée en carrière. »

La Chambre de la sécurité financière et l’Autorité des marchés financiers ont refusé de répondre aux questions de Conseiller.ca portant sur la situation de Michel Marcoux.

La Cour du Québec freine la syndique de la CSF

La Cour du Québec a décidé de suspendre la cause concernant Michel Marcoux entendue présentement devant le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF).

Le conseiller avait formulé une requête en appel contre le refus du comité de reporter les audiences prévues cet été. En effet, Michel Marcoux avait changé d’avocat quelques jours avant le début des audiences. Il souhaitait donc obtenir un délai pour préparer sa défense avec l’aide d’un nouveau procureur.

Dans son jugement du 25 juin, la Cour du Québec laisse le soin au juge en appel de décider de l’annulation ou non des audiences qui se sont déjà tenues les 18 et 19 juin.

Cette décision suspend uniquement les procédures sur le fond du litige, c’est-à-dire les accusations de détournement d’argent, précise Bruno Leblanc, le porte-parole de la CSF. Des audiences continueront à se tenir pour considérer la demande de radiation provisoire formulée par Me Caroline Champagne, la syndique de la CSF, assure M.Leblanc.

Il reste à savoir comment la syndique pourra convaincre le comité de radier Michel Marcoux sans que les audiences abordent le fond du dossier.

En novembre 2013, le comité de discipline avait déjà opposé son refus à la demande de la syndique de radier temporairement le conseiller.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.