Quand transferts aux actionnaires riment avec crise financière

Par La rédaction | 13 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La financiarisation de l’économie amène les sociétés cotées en Bourse à tenter par tous les moyens d’augmenter les revenus de leurs actionnaires. Au point d’adopter des stratégies dangereuses à long terme pour leur développement, dénonce dans une note de recherche l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC).

Le transfert de « la valeur aux actionnaires », sous forme de dividendes ou de rachats d’actions, expliquerait une grande part des comportements spéculatifs qui prévalaient avant la crise de 2008, ainsi que la baisse du niveau d’investissement des entreprises, souligne Gilles L. Bourque, auteur de la note de l’IRÉC.

600 MILLIARDS DE RACHATS D’ACTIONS

De fait, la valeur des actions rachetées par les sociétés du S&P 500 est passée de quelques milliards par année dans les années 1980 à près de 600 milliards de dollars américains au cours des deux dernières années, selon Ivan Tchotourian, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval. Le professeur Tchotourian souligne que les rachats d’actions empêchent des investissements d’avenir indispensables à la relance de l’économie. Reuters sonnait aussi l’alarme en novembre 2015 dans un texte qui parlait d’entreprises carrément « cannibalisées ».

Une situation d’autant plus dommageable que plusieurs entreprises s’endettent afin d’augmenter les rachats d’actions, ce qui entrave leur création de rendement à long terme, comme le rappelait le PDG de BlackRock, Laurence D. Fink, dans une lettre sur la gouvernance d’entreprise en 2016.

Aux États-Unis, 75,6 % des entreprises du S&P 500 ont racheté des actions pendant le quatrième trimestre 2015, une proportion semblable à celle des entreprises du CAC 40 français.

HAUSSE DES DIVIDENDES

Gilles L. Bourque souligne aussi dans sa note l’évolution des dividendes entre 2000 et 2015 au Canada. Pendant cette période, le montant des revenus de placements dans les entreprises canadiennes (revenus de dividendes + revenus d’intérêts) a augmenté fortement à deux moments : avant la crise financière de 2008 et depuis 2010. En 2015, la hausse a été de 20 %. Pourtant, le nombre de déclarants, lui, n’augmente pas, ce qui témoigne d’un accroissement des inégalités.

Depuis 2013, la hausse des revenus de placement s’accompagne d’une baisse des investissements des entreprises. « L’industrie financière canadienne serait en train de créer, aujourd’hui, un contexte semblable à celui qui a conduit à la crise financière aux États-Unis et à la crise des dettes publiques en Europe », écrit M. Bourque.

Tout cela l’amène à demander s’il ne serait pas temps de prendre des mesures plus coercitives, afin que l’industrie financière serve le développement des entreprises plutôt que les transferts aux actionnaires et l’accroissement des inégalités. Et l’on sent bien que pour lui, poser la question, c’est y répondre.

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