Que nous réserve l’année Trump?

Par Pierre-Luc Trudel | 7 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Les investisseurs ne savent plus trop sur quel pied danser depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. L’incertitude entourant la nouvelle administration américaine aura-t-elle un impact positif ou négatif sur la croissance économique et les marchés financiers?

Jocelyn Bissonnette, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion internationale d’actifs, et Serge Pépin, spécialiste et recherchiste-analyste, actions européennes à BMO Gestion mondiale d’actifs, ont partagé leur vision des marchés lors de la Soirée des prévisions 2017 de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), qui s’est tenue la semaine dernière à Montréal.

CROISSANCE ÉCONOMIQUE

  • PIB – Canada Jocelyn Bissonnette (JB) : 1,0 % Serge Pépin (SP) : 2,0 %
  • PIB – États-Unis JB : 1,5 % SP : 2,4 %
  • PIB mondial JB : 2,5 % SP : 2,2 %

S’il est réellement mis en application, le discours pro-croissance de Donald Trump, qui met de l’avant des investissements en infrastructure et des baisses d’impôt, pourrait favoriser une certaine relance économique aux États-Unis, croit Serge Pépin.

Jocelyn Bissonnette est moins optimiste. Selon lui, les visées protectionnistes du nouveau président laissent planer un voile d’incertitude sur les entreprises, qui seront portées à réduire leurs investissements. « Je ne vois pas 2017 comme une année incroyable pour l’économie américaine », dit-il.

D’un point de vue politique, Donald Trump pourrait toutefois se concentrer en priorité sur des mesures plus populaires au sein de la population, comme les baisses d’impôt, en vue de récolter un maximum de sièges aux élections de mi-mandat. L’instauration de barrières tarifaires pourrait donc être repoussée, nuance le gestionnaire.

Au niveau mondial, la croissance demeurera faible en Europe et au Japon, prévoit Serge Pépin. « Leurs banques centrales poursuivront dans la voie des taux d’intérêt négatifs et des mesures d’assouplissement quantitatif. »

La Chine et l’Inde devraient de leur côté continuer d’enregistrer un bon niveau de croissance, alors que l’économie de l’Amérique latine, et plus particulièrement celle du Brésil, pourrait subir l’impact du bas prix du pétrole et de l’instabilité politique.

MARCHÉ OBLIGATAIRE ET POLITIQUES MONÉTAIRES

  • Taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) JB : 1,00 % SP : 1,75 %
  • Taux à un jour de la Banque du Canada JB : 0,00 % SP : 0,50 %
  • Indice FTSE/TMX JB : 8,0 % SP : 1,25 %

Les avis des deux gestionnaires divergent grandement en ce qui concerne la direction des politiques monétaires canadienne et américaine. À moins d’une forte poussée inflationniste aux États-Unis, « il est tout à fait réalisable » pour la Fed d’augmenter son taux directeur à 1,75 % d’ici un an, estime Serge Pépin.

Tablant sur une croissance économique beaucoup plus faible, Jocelyn Bissonnette est plutôt d’avis qu’elle n’augmentera son taux que de 25 points de base cette année. Une hausse si légère pourrait, selon lui, amener la Banque du Canada à abaisser son taux directeur pour maintenir le dollar canadien à un niveau plus faible. « Stephen Poloz n’a jamais évoqué au cours des derniers mois la possibilité de resserrer les taux, mais il a déjà mentionné que des taux négatifs faisaient partie de la boîte à outils de la banque centrale », souligne-t-il.

Pour ce qui est de l’Europe, Serge Pépin s’attend à peu de changement en 2017. « La Banque centrale européenne (BCE) n’est pas prête à toucher aux taux d’intérêt pour encore au moins deux ans, tandis que les mesures d’assouplissement quantitatif pourraient se poursuivre pendant encore un an, voire peut-être plus. »

Après avoir sérieusement envisagé une hausse de taux, la Banque d’Angleterre choisira probablement elle aussi de s’abstenir. Une telle hausse serait risquée dans le contexte incertain du Brexit, estime M. Pépin.

MARCHÉ BOURSIER

  • S&P/TSX JB : 0,0 % SP : 7,5 %
  • S&P 500* JB : 10,0 % SP : 3,5 %
  • MSCI Europe, Australasie, Extrême-Orient (EAEO)* JB : -10,0 % SP : 5,0 %

* En devises locales

Malgré de faibles attentes envers l’économie américaine, Jocelyn Bissonnette croit en une bonne performance de l’indice S&P 500 cette année. « Les marchés peuvent anticiper les effets positifs d’une relance avant qu’ils arrivent, contrairement à l’économie », explique-t-il. Le gestionnaire prévoit toutefois un rendement nul pour le S&P/TSX, une contre-performance qu’il explique par les écarts de crédit des sociétés canadiennes et un faible besoin de capitaux de la part des entreprises.

Serge Pépin envisage le scénario inverse : une Bourse canadienne plus performante que la Bourse américaine. Il juge qu’après une année 2016 fructueuse, « les entreprises canadiennes sont très bien placées pour poursuivre sur leur lancée ».

Le gestionnaire voit aussi beaucoup de valeur dans le marché européen. « Les dettes des entreprises européennes sont à la baisse, alors que leurs revenus sont à la hausse. Elles ont le vent dans le dos », soutient M. Pépin. Jocelyn Bissonnette s’inquiète toutefois d’une éventuelle crise bancaire en Italie, qui pourrait semer la panique sur les marchés.

DOLLAR CANADIEN

  • JB : 0,71 $US
  • SP : 0,73 $US

« Le cours du dollar canadien ne dépend plus autant du prix du pétrole. Le différentiel de taux d’intérêt a aujourd’hui beaucoup plus d’impact », indique Jocelyn Bissonnette.

PRIX DU BARIL DE PÉTROLE

  • JB : 45 $
  • SB : 55 $

« Avec la révolution technologique et la concurrence de plus en plus féroce des énergies vertes, j’ai de la difficulté à voir le prix du pétrole à un niveau beaucoup plus haut qu’aujourd’hui. Il demeurera stable pour le moment, mais chutera à plus long terme », prévoit Jocelyn Bissonnette.

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Pierre-Luc Trudel