Qui a peur de l’inflation?

Par Avery Shenfeld | 1 mars 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Un homme d'affaire qui craint une ombre pleine de dents.
ra2studio / iStock

Plusieurs signes pointent vers l’inflation, mais les banques centrales nord-américaines peuvent et vont la limiter, croit Avery Shenfeld, économiste en chef à la CIBC.

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« La reprise économique fait craindre aux investisseurs le retour de l’inflation. L’une de leurs sources d’inquiétude, surtout pour ceux qui observent les marchés depuis l’époque où c’était un facteur important, est la forte hausse de l’offre monétaire au Canada et aux États-Unis », observe Avery Shenfeld.

Chez nos voisins du Sud, la hausse est autour de 20 %, un nombre qu’on n’avait pas vu depuis l’ère du président Roosevelt. Au Canada, il faut remonter à l’ère fortement inflationniste des années 70 et 80.

Mais selon l’expert, cette arrivée d’argent massive ne devrait pas pousser l’inflation vers le haut, tout simplement, car la majeure partie dort dans des comptes bancaires d’individus et d’entreprises au lieu d’être injectée dans l’économie.

« Les aides financières envoyées par les gouvernements n’ont pas été entièrement utilisées. Si cet argent n’est pas dépensé et ne circule pas, il ne peut pas faire croître la demande de biens et services à un niveau qui provoquerait de l’inflation », souligne Avery Shenfeld.

Le risque est pour plus tard, selon lui, quand les vaccinations commenceront à porter fruit et que les gens reviendront à leurs habitudes de consommation habituelles.

« Est-ce que l’argent libéré des comptes bancaires va générer un excès de demande et donc de l’inflation ? La réponse est oui, c’est fort probable. Mais nous comptons sur la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine (Fed) pour poser les bons gestes quand le temps viendra », rassure l’économiste.

Mais tout cela n’est pas pour demain.

« Il faudra encore attendre plusieurs années, car l’économie est encore au ralenti et elle conserve une bonne capacité à produire davantage de biens et de services. Par exemple, les hôtels et restaurants actuellement à moitié vides ont tout à fait la capacité d’augmenter leur offre. Mais à un moment donné, les banques centrales vont mettre fin à leurs programmes d’achats d’obligations et vont permettre aux taux d’intérêt de remonter pour éviter les excès d’endettement et de dépenses quand l’économie reprendra », entrevoit Avery Shenfeld.

« C’est le message que la Banque du Canada a envoyé aux marchés financiers quand elle a évoqué une hausse des taux quelque part en 2023. Elle va aussi ralentir ses achats d’obligations plus tôt que la Fed ; elle l’a déjà fait une première fois et va probablement le refaire au cours de l’été pour éviter une croissance de la masse monétaire », poursuit-il.

« Du côté américain, la Fed dit qu’elle ne haussera pas ses taux avant 2024 et n’évoque pas de ralentissement des achats d’obligations. Mais nous croyons qu’elle prendra ces initiatives plus tôt qu’elle ne le dit aujourd’hui, avec des hausses de taux au début 2023, soit avant la Banque du Canada, et un ralentissement des achats d’obligations vers la fin 2022 », analyse Avery Shenfeld.

Selon l’économiste, les investisseurs peuvent faire confiance aux deux banques centrales pour contrôler toute tendance inflationniste si on se fie à leur feuille de route des 40 dernières années.

« Nous allons de toute évidence atteindre une inflation autour de 2 %, mais la hausse graduelle des taux d’intérêt devrait prévenir toute poussée inflationniste nuisible aux investisseurs. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Un escalier fait en blocs, sur lesquels est dessiné le signe de pourcentage. Une flèce en bois est posée dessus indiquant le haut.

Avery Shenfeld

Avery Shenfeld est directeur général et économiste en chef à la Banque CIBC, à laquelle il s’est joint en 1993. M. Shenfeld est titulaire d’un doctorat (Ph. D.) en économie de l’université Harvard (Harvard University). Étant l’un des commentateurs les plus prisés au pays, il a constamment été classé comme l’un des meilleurs économistes à l’issue d’un sondage auprès des investisseurs boursiers institutionnels canadiens, et il a reçu de nombreux prix pour l’exactitude de ses prévisions au Canada et aux États-Unis.