Régimes de retraite : une approche de « bricolage »

Par La rédaction | 7 avril 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’Observatoire de la retraite appelle à dresser le bilan et à faire évoluer un système pensé dans les années 60 et sérieusement mis à mal par des années de politiques libérales.

Les régimes complémentaires de retraite que nous a légués le 20e siècle ont été développés pour répondre à un compromis social qui aujourd’hui ne tient plus, écrivent dans le Bulletin de la retraite de mars dernier Frédéric Hanin et François L’Italien, tous deux professeurs à la Faculté de sciences sociales de l’Université Laval et membres de l’Observatoire de la retraite (OR).

Un compromis entre l’emploi et la sécurité sociale qui devait remplir une fonction précise : compléter la rente offerte par les régimes publics afin d’offrir un taux de remplacement du revenu qui soit décent. Ainsi, le concept de « salaire différé », versé sous la forme d’une rente après la vie « active », était au cœur de ce compromis. Et si l’on a accepté de mettre sur pied des régimes publics dotés d’un taux de remplacement limité, c’est parce que les régimes d’employeurs devaient s’impliquer financièrement et fournir la part manquante pour obtenir un taux de remplacement d’environ 70 %.

Or donc, ce compromis ne tient plus, nous disent les deux auteurs. Et il ne tient plus parce que d’une part, l’essor de l’idéologie néolibérale et la remise en cause du rôle de l’État ont contribué à changer la donne, et que d’autre part, les employeurs se sont petit à petit désengagés de leur responsabilité envers les régimes de retraite, qu’ils considèrent aujourd’hui comme une « charge illégitime ».

« La restructuration des régimes complémentaires du secteur manufacturier, les lois québécoises visant les secteurs municipal, privé et universitaire, ou encore la création de nouveaux régimes comme le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER), sans cotisation obligatoire pour les employeurs, constituent les exemples les plus récents de cette tendance », soutiennent MM. Hanin et L’Italien.

LES RÉGIMES ONT-ILS RESPECTÉ LEURS ENGAGEMENTS?

Or, croient-ils, les gouvernements n’en prennent pas acte. Au lieu de prendre le recul nécessaire pour dresser un tableau d’ensemble et jeter les bases d’une réflexion collective sur le redéploiement institutionnel du système de la retraite au 21e siècle, ils adoptent une approche de « bricolage ». Alors même qu’un vaste chantier de réflexion, d’échanges et de concertation devrait s’imposer.

« Pour affronter les défis qui pointent en matière de sécurité financière à la retraite, d’amélioration des conditions de vie mais aussi de transition écologique et de développement économique, il convient d’abord de faire un bilan et de se demander si les régimes complémentaires ont finalement livré la marchandise, indiquent-ils. Ont-ils atteint leurs objectifs? Sinon, les pouvoirs publics ont-ils tenté de rectifier le tir? Comment? Quelles leçons pouvons-nous tirer des quarante dernières années? Autant de questions nécessaires pour réfléchir à ce que nous avons fait, ce que nous avons laissé faire et ce que nous n’avons pas fait pour améliorer la retraite au Québec. »

Il convient également de regarder ailleurs, au Danemark, en Finlande ou encore en Australie notamment, autant de pays qui partagent des traits communs avec le Québec et qui ont développé des innovations institutionnelles susceptibles d’inspirer les politiques publiques d’ici.

Il est surtout approprié de souligner les limites des sources d’information en matière de retraite et d’y pallier.

  • 43 % de la main-d’œuvre ne cotisent pas à un régime complémentaire de retraite;
  • 21 % de la main-d’œuvre cotisent seulement à un REER;
  • 19 % de la main-d’œuvre cotisent seulement à un régime complémentaire de retraite;
  • 17 % de la main-d’œuvre cotisent à la fois à un régime complémentaire de retraite et à un REER;
  • 1 557 981 participants à un régime complémentaire, dont 43,4 % sous la surveillance de Retraite Québec;
  • 2 431 régimes complémentaires de retraite, dont 37,1 % qui sont des régimes à prestations déterminées.

Ces quelques données statistiques démontrent que la situation est devenue complexe. Et encore, elles ne répondent pas à certaines questions de la plus haute importance si l’on veut repenser sérieusement le système. Il faudrait en effet connaître la proportion des régimes complémentaires à prestations déterminées qui sont fermés aux nouveaux participants. Ou encore la proportion des conflits de travail où les régimes de retraite sont en cause, affirment les auteurs. Et pour cela, il faudra inévitablement donner plus de poids aux institutions dont s’est doté le Québec.

En conclusion, MM. Hanin et L’Italien appellent les pouvoirs publics et les entreprises à dépasser le discours comptable vis-à-vis des régimes de retraite.

« À ces discours doivent s’ajouter les perspectives plus générales de l’économie politique, qui ont été nécessaires pour avoir une vue d’ensemble des institutions à développer pour structurer des politiques publiques dignes de ce nom, écrivent-ils. L’objectif est de renouer avec une perspective intégrée et à long terme sur l’orientation qu’il est nécessaire de donner aux institutions de la retraite au Québec pour le siècle à venir. »

La rédaction