Sommes-nous riches avec 500 000 $ dans un REER?

Par Sylvain B. Tremblay | 7 juillet 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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1987

J’ai commencé ma carrière de conseiller en 1987.

Les gouvernements de Brian Mulroney, Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Mikhaïl Gorbatchev, Helmut Kohl et François Mitterrand étaient alors au pouvoir. Au Québec, Claude Béland venait à peine d’être nommé à la tête du Mouvement Desjardins. Le procès des sœurs Lévesque, accusées de trafic d’héroïne, venait de débuter à Rome. Roch LaSalle démissionnait du cabinet Mulroney, à cause d’une affaire de pot-de-vin. On inaugurait le toit du Stade olympique… Un tumulte important entourait l’accord du lac Meech et ce rendez-vous manqué du Québec avec la Confédération canadienne. Conrad Black achetait Unimédia. La saga du Manoir Richelieu, opposant la famille Malenfant à la CSN, dégénérait. Le salaire minimum atteignait les 4,55 $ l’heure. Un accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada était en cours de négociation. Le lundi 19 octobre 1987, bien connu sous le nom de lundi noir, Wall Street était secouée par un krach boursier. Le Dow Jones perdait 22 % et la Bourse de Toronto, n’y échappant pas, reculait de 168 points. L’année 1987 a aussi été marquée par le décès de René Lévesque. Et la population de la Terre franchissait le cap des cinq milliards d’êtres humains.

Une Honda Accord se vendait alors 15 000 $, une Audi 5000, 26 000 $ et une Acura Integra, 13 000 $. Côté habitation, on pouvait acquérir un cottage de 30 x 30 pi pour environ 100 000 $. C’était le bon temps…

Le rendement des obligations canadiennes 10 ans était de presque 10 %, celui des municipales, de plus de 11 % et celui des obligations d’entreprises, de près de 12 %, pendant que le taux d’intérêt d’un prêt hypothécaire sur cinq ans était de 11,5 %.

À cette époque, rares étaient les épargnants québécois qui avaient réussi à amasser la somme importante de 500 000 $. Ceux qui disposaient d’un pareil coussin pouvaient se considérer comme relativement « riches ». La valeur des comptes REER dépassait alors à peine 100 000 $. Il faut se rappeler que ce n’est d’ailleurs seulement qu’à partir de 1987 que les courtiers en valeurs mobilières se sont vu octroyer, par le ministre des Finances de l’époque Michael Wilson, le droit de commercialiser les comptes REER autogérés. De plus, les plafonds de cotisation d’avant 1987 se résumaient à presque rien.

Avec un portefeuille de 500 000 $, non enregistré, un homme de 68 ans pouvait alors espérer un revenu annuel de plus de 86 000 $ (50 000 $ non imposable), en se procurant une rente viagère sans période garantie auprès de n’importe quel assureur. Pas si mal si l’on compare ce revenu avec celui d’un travailleur au salaire minimum de l’époque, qui ne gagnait qu’un maigre 9 500 $ par an.

Aujourd’hui, le même épargnant n’obtiendrait que 39 000 $ de revenu imposable ou 31 500 $ de revenu disponible, en appliquant la même stratégie à partir de 500 000 $ de REER!!! Pendant ce temps, depuis 1987, le prix de l’électricité s’est apprécié de 72 %, celui du gaz naturel, de 112 %, celui de l’essence à la pompe, de 148 %, alors que l’Indice des prix à la consommation a augmenté de 73 %. Donc, pour répondre à la question posée dans le titre, si l’on considère qu’un revenu viager net de 31 500 $ par an rend une personne de 68 ans riche, cette dernière est fortunée avec un REER de 500 000 $…

Tout est relatif, comme l’a démontré, entre 1907 et 1915, l’œuvre du célèbre physicien Albert Einstein, et plus près de nous l’humoriste Laurent Paquin, lors de sa dernière tournée.

À la question du titre, je répondrai de cette décevante façon : ça dépend… Plusieurs facteurs entrent en jeu. Quel âge a l’épargnant ? Quels sont ses objectifs? À quel train de vie aspire-t-il? Dans quelle région du globe désire-t-il s’installer pour vivre de son pécule? Cinq cent mille dollars, c’est beaucoup d’argent en Thaïlande, mais c’est très peu à San Francisco ou Paris…


Sylvain B. Tremblay, Adm.A., Pl. Fin., est vice-président, Gestion privée, à Optimum Gestion de placements inc.

Ce texte est paru dans l’édition d’avril 2014 de Conseiller.

Sylvain B. Tremblay