Taux : « Une tendance durable est entamée »

Par La rédaction | 7 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Encouragée par la reprise de l’économie au pays, la Banque du Canada a décidé mercredi de relever son taux cible du financement à un jour pour le porter à 1 %. Les crédits à la consommation et les hypothèques en subiront les effets immédiats, selon cet économiste.

Interrogé par Conseiller, Benoit P. Durocher, économiste principal aux Études économiques de Desjardins, estime qu’avec cette annonce, la banque centrale a voulu « rééquilibrer la politique monétaire, qui jusqu’à récemment était expansionniste », comme en témoignent les deux baisses de taux qu’elle avait décidées en 2015 à la suite des difficultés du secteur de l’énergie.

Concrètement, cette hausse du taux directeur aura plusieurs conséquences pour les consommateurs au pays, croit Benoit P. Durocher. « Nous sommes véritablement inscrits dans une tendance haussière, et cela aura bien sûr des répercussions sur l’ensemble des taux d’intérêt au pays, notamment sur les crédits à la consommation et les hypothèques. Autrement dit, c’est le coût de financement qui va augmenter pour les ménages canadiens », ajoute-t-il.

Selon lui, on assiste au début d’une remontée graduelle du coût de financement après des années de taux extrêmement bas. « Cette décision envoie le signal qu’une tendance à la hausse durable est entamée, puisqu’il y a déjà eu deux augmentations des taux d’intérêt directeurs depuis janvier et qu’il y en aura peut-être une troisième d’ici la fin de l’année, et certainement d’autres en 2018. »

« LA BdC A FAIT PREUVE D’UN CERTAIN EMPRESSEMENT »

Avec la reprise économique constatée depuis le début de l’année, on obtient une croissance cumulative de 4,1 % annualisée au cours des six premiers mois de 2017, ce qui est un rythme très rapide, explique M. Durocher. « Comme la BdC sait que les perspectives pour le reste de l’année sont favorables, elle n’a plus besoin d’avoir une politique monétaire aussi expansionniste qu’auparavant, d’où sa décision de remonter les taux d’intérêt directeurs vers un niveau plus élevé. »

Cela dit, souligne l’analyste, les autorités monétaires ont cette fois « fait preuve d’un certain empressement, car la plupart des prévisionnistes s’attendaient à ce qu’elles patientent jusqu’en octobre pour procéder à cette deuxième hausse de l’année. »

UNE ÉCONOMIE VIGOUREUSE

De son côté, la Banque du Canada justifie cette hausse, qui a pris de court la plupart des analystes, par le fait que « les données économiques récentes ont été plus vigoureuses que prévu », ce qui étaye son point de vue selon lequel « la croissance au pays devient plus généralisée et plus autonome. »

La banque centrale explique notamment que les dépenses de consommation sont restées robustes, soutenues par l’expansion continue de l’emploi et du revenu. Il y a quelques jours, Statistique Canada avait notamment révélé que l’économie nationale avait bondi de 4,5 % au deuxième trimestre.

La Banque du Canada prévient en outre que « les décisions futures concernant sa politique monétaire ne sont pas prédéterminées », mais qu’« elles seront guidées par les nouvelles données économiques et l’évolution des marchés financiers, dans la mesure où celles-ci influent sur l’établissement des perspectives en matière d’inflation. » Elle indique également qu’elle accordera une attention particulière à l’évolution du potentiel de l’économie et aux conditions sur le marché du travail. Enfin, « compte tenu de l’endettement élevé des ménages, elle suivra de près la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt plus élevés. »

UNE TROISIÈME HAUSSE D’ICI LA FIN DE L’ANNÉE?

Bien que les équipes de Desjardins n’aient pas encore fini de mettre à jour leurs scénarios économiques et financiers, Benoit P. Durocher dit anticiper une troisième hausse d’ici décembre, ce qui porterait le taux directeur à 1,25 %, suivie de « deux ou trois hausses l’an prochain», avec pour résultat un taux directeur compris « entre 1,75 % et 2 % à la fin de 2018. » Il est néanmoins difficile de prévoir à quel moment précis aura lieu la prochaine hausse, avertit l’économiste, qui juge que « cela dépendra grandement de l’évolution de la croissance économique au pays, du niveau de l’inflation et de la valeur du huard. »

Questionné sur la vulnérabilité de dizaines de milliers de foyers québécois en cas d’augmentation trop rapide des taux, l’analyste de Desjardins estime que les autorités monétaires devraient continuer à adopter une approche graduelle.

Sa conclusion? « La tendance est certes à la hausse, mais les choses vont se faire de façon très progressive, avec des augmentations qui s’échelonneront dans le temps pour permettre justement aux ménages endettés de s’ajuster et de mieux les absorber. En même temps, cela permettra à la banque centrale de bien évaluer l’impact de ses décisions sur la croissance économique, en particulier sur l’évolution du marché immobilier au pays. »

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