Télécoms : bientôt la fin du party?

Par Craig Jerusalim | 23 février 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Après dix années de solides performance, les opérateurs canadiens de télécommunications risquent de faire face à plusieurs vents contraires dans les temps à venir, estime Craig Jerusalim, gestionnaire de portefeuille à Gestion d’actifs CIBC.

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« Dans la dernière décennie, le secteur a grimpé de plus de 150 % sur une base ajustée pendant que le TSX croissait d’environ 50 %. En fait, 2016 était seulement la deuxième année en dix ans où les télécoms ont sous-perfomé par rapport à l’indice », observe Craig Jerusalim.

Selon l’expert, la solidité du secteur canadien est due à sa nature oligopolistique. Les principaux joueurs n’ont connu que quelques menaces limitées à leurs activités dans les médias ou à des territoires restreints. Aucun d’entre eux n’a tenté de sacrifier sa profitabilité pour gagner des parts de marché à court terme, et les quelques nouveaux joueurs arrivés sur le marché ont été rapidement écrasés ou achetés. Pendant ce temps, ils ont réussi à s’adapter aux besoins des consommateurs, à générer des liquidités excédentaires, et à augmenter leurs versements de dividendes, malgré d’importantes dépenses pour le maintien et le développement de leurs réseaux.

S’ils se portent si bien, est-ce vraiment un bon moment pour acheter leurs actions ?

« Les meilleures occasions ont eu lieu quand la peur et l’incertitude étaient à leur comble; par exemple quand Verizon a menacé d’entrer au Canada, ou quand de nouveaux joueurs ont fait des entrées remarquées », observe Craig Jerusalim.

« Bien qu’il n’aurait pas été raisonnable de parier contre les télécoms par le passé, leur environnement a évolué. La valeur des titres est élevée, les taux d’intérêt ne risquent pas de baisser, et le marché du sans-fil est arrivé à pleine maturité dans la plupart des territoires. Il s’agit donc désormais de repérer les joueurs qui seront capables de continuer à générer des liquidités excédentaires, tout en développant la vitesse et les capacités de leur réseau, et en versant des dividendes à leurs actionnaires », poursuit M. Jerusalim.

Selon lui, trois tendances sont à surveiller dans les cinq à dix prochaines années :

« Dans la bataille entre les opérateurs téléphoniques traditionnels (BCE, Telus) et les câblodistributeurs (Rogers, Shaw, Vidéotron), il s’avère que ces derniers ont un avantage net en termes de vitesse et d’uniformité de service. De plus, les opérateurs téléphoniques doivent brancher chaque client directement à la fibre optique, ce qui leur coûte 1 000 $ de plus par foyer qu’un câble coaxial. Cela freine leurs rendements », explique l’expert.

« Ensuite, on voit se développer plusieurs écosystèmes numériques dans les secteurs de consommation traditionnels. De plus en plus d’entreprises vont se faire une place dans l’Internet des objets et la connectivité entre machines, qu’il s’agisse d’électroménager, d’éducation, d’énergie ou de transports », poursuit-il.

« Enfin, une tendance à la déréglementation plane sur le secteur. C’est déjà le cas aux États-Unis avec les politiques de l’administration Trump, et cela pourrait déborder au Canada. Par exemple, on pourrait voir les règles de propriété étrangère s’assouplir, ce qui résulterait en des fusions et acquisitions : si Rogers achetait Shaw et si Verizon achetait Telus, on assisterait à un haut niveau de volatilité comme le secteur n’en a pas connu depuis très longtemps. »

Plateforme pétrolière.

Craig Jerusalim