Trouver l’équilibre entre l’humain et le numérique

Par Nathalie Savaria | 15 juin 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Patrick Raimondi
Patrick Raimondi, photo gracieuseté Accenture

Une étude récente d’Accenture auprès de 49 000 répondants dans le monde, dont le Canada, révèle l’importance des interactions humaines alors que le numérique gagne sans cesse du terrain.

Au pays, 2000 répondants ont participé à cette étude, précise Patrick Raimondi, responsable de la Pratique de Stratégie Bancaire Amérique du Nord chez Accenture au Canada.

L’IMPORTANCE DE LA SUCCURSALE

D’après l’étude, malgré l’évolution vers le numérique, les consommateurs de tous les groupes d’âge continuent à vouloir se rendre en personne à leur institution financière.

En effet, 62 % des Canadiens affirment apprécier la présence de succursales dans leur quartier et 66 % disent qu’ils s’adressent à elles pour « résoudre des problèmes spécifiques et compliqués ».

« […] Souvent, il peut s’agir de quelqu’un qui n’arrive pas à faire une transaction ou à régler un problème de façon autonome pour une raison X, et donc par frustration ou autre, décide de se rendre en succursale. Ce qui ne veut pas dire que les capacités de le faire de façon autonome n’existent pas, mais pour une raison X, la personne n’y arrive pas », explique Patrick Raimondi

En outre, les clients peuvent aussi vouloir obtenir des conseils « un peu plus sophistiqués » pour l’achat d’une maison ou la consolidation de dettes, par exemple. « Les gens souhaitent se renseigner, comprendre ce que ça implique avant de prendre une décision, et avoir une personne qui peut les aiguiller, orienter, proposer des options ».

UN FAIBLE VOLUME TRANSACTIONNEL

Cela dit, en dépit du désir exprimé par les répondants d’avoir une succursale près de chez eux, dans les faits, la grande majorité des transactions ne sont pas réalisées en succursale.

« Le volume de transactions en succursale des consommateurs est d’environ 3 à 5 % », avance Patrick Raimondi.

UN SERVICE À LA CLIENTÈLE PEU SATISFAISANT

Par ailleurs, si les interactions humaines sont souhaitées par de nombreux répondants, les résultats de l’étude révèlent cependant que seulement 32 % des Canadiens estiment que le service à la clientèle de leur banque est excellent et 35 % affirment avoir eu des difficultés à obtenir un soutien humain lorsqu’ils en ont eu besoin.

LA MONTÉE EN COMPÉTENCE DES CENTRES D’APPELS

En revanche, concernant le volet interaction humaine, « ce qu’on voit beaucoup plus, c’est la montée en compétence des centres d’appels », note Patrick Raimondi.

Selon lui, le besoin de communication et d’interactions humaines « […] se fait de plus en plus à distance et donc change énormément aussi le rôle d’un centre d’appels. Sa vocation devient beaucoup plus stratégique à cause de ce besoin-là », qui va au-delà « […] des appels transactionnels à valeur non ajoutée, comme un changement de mot de passe ou d’adresse ».

DU TOUT HUMAIN AU TOUT NUMÉRIQUE

Selon Patrick Raimondi, l’accélération de la transformation numérique dans l’industrie bancaire est à l’origine de cette montée en compétence des centres d’appels.

« Forcées par la COVID-19, toutes les institutions financières ont dû accélérer leur transformation vers le numérique, car les clients ne pouvaient pas aller en succursale pour effectuer leurs transactions. »

Or, les outils numériques mis en place par les institutions financières ne permettent pas toujours aux clients d’obtenir la relation souhaitée.

« On est passé de tout humain au tout digital service. Maintenant, on se rend compte que oui, la notion d’un service autonome (self-service) est très importante, car les clients veulent être capables de faire une transaction quand bon leur semble, que ce soit le soir ou la fin de semaine à travers différents canaux, mais il faut être en mesure d’y intégrer des composantes humaines que ce soit directement à travers un point de service comme une succursale physique ou dans un centre d’appels. »

LE RECOURS AUX TECHNOLOGIES

Pour Patrick Raimondi, il y a plusieurs façons de favoriser les interactions humaines qui, traditionnellement, se faisaient en personne. Dans le contexte actuel, la technologie permet d’intégrer ces interactions à travers tous les canaux et de personnaliser le service.

Dans les centres d’appels bancaires, il est possible, par exemple, de recourir à une messagerie instantanée avec un humain derrière le clavier ou encore à un agent conversationnel qui peut éventuellement basculer vers un représentant à la clientèle. En succursale, les interactions humaines peuvent également se faire au moyen de la vidéoconférence, par exemple.

« Ça change radicalement la façon dont les interactions sont faites. C’est vrai pour un conseiller en placement, mais aussi pour la grande majorité des interactions et des rôles dans une institution financière. »

L’INTÉGRATION DE DIFFÉRENTS PRODUITS

Une bonne partie de l’étude d’Accenture porte également sur l’intégration des différents produits financiers.

« La réalité aujourd’hui, concernant les besoins, ce n’est pas seulement d’avoir une carte de crédit ou une hypothèque, ou d’acheter une maison, mais aussi de pouvoir financer certains achats. Donc, d’intégrer ces besoins à l’intérieur des différents canaux devient très important. C’est vrai à l’intérieur comme à l’extérieur des murs de l’institution financière », soutient Patrick Raimondi.

Selon l’étude d’Accenture, environ 30 % des achats de produits financiers de base comme des cartes de crédit ou des lignes de crédit sont faits à l’extérieur de l’institution financière.

Il peut s’agir par exemple de l’achat d’un ordinateur qui peut être financé directement en ligne ou en magasin à travers une institution financière, « mais le canal d’acquisition ou de transaction est complètement à l’extérieur de l’institution financière », illustre-t-il.

De nouveaux modèles ont d’ailleurs été développés à l’intérieur même d’applications financières. Il cite en exemple certaines institutions bancaires, qui, selon certains types de transactions et certains montants, offrent de financer un achat déjà effectué à l’aide d’une carte de crédit.

« Cette notion d’intégration à travers différents canaux vient brouiller les frontières entre un produit versus un autre, entre un canal versus un autre, entre l’humain versus le numérique. Et c’est un des grands points qui ressort de cette étude », souligne Patrick Raimondi.

L’ÈRE DE LA PERSONNALISATION ET DU DÉCLOISONNEMENT

Trois recommandations peuvent être faites afin d’intégrer davantage la composante humaine à l’intérieur des différentes expériences.

« D’abord, il faut réfléchir au parcours d’achat pour une hypothèque ou une carte de crédit par exemple et s’imbriquer dans l’intention du client », dit Patrick Raimondi.

Ensuite, il faut accroître le niveau de la personnalisation, « autant dans les discussions, les échanges, les interactions, que ce soit pour des résolutions de problème, des conseils et même pour une transaction particulière », ajoute-t-il.

Finalement, les institutions financières doivent prendre en compte, « tout le volet données et intelligence artificielle générative, qui prennent une très grande place », pour briser les silos et les canaux traditionnels et offrir des propositions qui combinent plusieurs produits.

Cela permettrait « d’intégrer la notion financière à l’extérieur des murs d’une banque », conclut-il.

Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.