Un banquier et des gestionnaires dans la mire de l’AMF

Par La rédaction | 13 janvier 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Piotr Adamowicz / 123RF

L’Autorité des marchés financiers (AMF) soupçonne une dizaine de personnes, dont un banquier et des gestionnaires de portefeuille, d’avoir profité d’informations privilégiées sur un titre coté en Bourse pour s’enrichir, rapporte La Presse dans son édition de lundi.

Selon le gendarme des marchés québécois, ces personnes auraient ainsi acquis des actions de la compagnie Napec, basée à Drummondville, peu de temps avant qu’elle ne soit vendue à la société américaine Oaktree il y a deux ans. Or, si l’on en croit l’AMF, il pourrait s’agir là d’un possible cas de délit d’initiés, car les informations sur cette vente, demeurée confidentielle, leur auraient été fournies par un banquier. Toujours selon l’Autorité, il s’agirait de Philippe Gauthier, alors directeur principal du compte de Napec à la Banque Laurentienne.

Au total, les profits réalisés dans l’opération par ces particuliers, sans parler des clients des gestionnaires de portefeuille, auraient atteint quelque 750 000 dollars, tandis que l’un des participants aurait même empoché une plus-value de 90 000 dollars. Indiquant que l’Autorité a interrogé ces personnes en septembre, puis a perquisitionné chez certaines d’entre elles le mois suivant, La Presse souligne néanmoins que, à ce jour, aucune accusation n’a encore été portée dans cette affaire.

UN BÉNÉFICE DE 35 % PAR ACTION

Tout commence à l’automne 2017, lorsque l’action de Napec se négocie à la Bourse de Toronto en dessous de 1,50 dollars. Mais quelque semaine plus tard, le 4 décembre, la société est achetée par la compagnie Oaktree, cette fois au prix surprenant de 1,95 $ l’action, soit un bond de plus de 35 % comparativement à son cours trois jours auparavant. Flairant une possibilité de délit d’initiés, l’AMF décide alors d’ouvrir une enquête. Intitulée « Projet Équinoxe », celle-ci repose, entre autres, sur des notes de dénonciation de deux institutions financières, de même que sur des registres d’appels téléphoniques.

D’après le résumé d’enquête déposé en cour, que La Presse a pu consulter, les renseignements confidentiels dont ont profité les participants à l’opération émaneraient de Philippe Gauthier, haut cadre à la Banque Laurentienne, qui appartenait d’ailleurs au syndicat de prêteurs de Napec. Si l’on en croit l’AMF, le banquier aurait « à son tour transmis cette information à son père Gilles Racine et à sa mère Christiane Côté, de même qu’à Anne Roy-Dussault, une amie, et Jérémie St-Pierre, un ami et analyste alors à l’emploi du gestionnaire d’actifs Globevest, qui ont eux aussi [échangé] le titre de Napec ».

Contacté par le quotidien montréalais, Gilles Racine a toutefois nié avoir bénéficié d’informations privilégiées. D’après lui, les choses se seraient passées de la manière la plus simple : « Les actions de Napec étaient en forte hausse, ça montait de jour en jour. Je me suis dit : c’est le temps d’en acheter, surtout qu’il y a possiblement une transaction qui s’en vient. Il y avait des informations à cet effet sur les réseaux sociaux notamment. Le mot circulait que Napec était à vendre. »

DES PROFITS D’ENVIRON 250 000 $?

Des dénégations qui n’ont, semble-t-il, pas convaincu les enquêteurs de l’Autorité. Selon eux, l’analyste Jérémie St-Pierre aurait bel et bien transmis l’information à Christian Noël, l’un de ses collègues, gestionnaire de portefeuille chez Globevest, qui a acheté des actions de Napec pour son compte et celui de clients à lui.

Enfin, toujours si l’on en croit le résumé d’enquête de l’Autorité, ce dernier aurait ensuite donné l’information à sa conjointe, également gestionnaire de portefeuille et conseillère en placements chez Richardson GMP. Et celle-ci en aurait profité pour acheter des actions pour son propre compte et celui de trois proches, en l’occurrence sa mère et ses beaux-parents. Au total, les profits personnels ainsi réalisés sur le titre de Napec auraient représenté environ un quart de million de dollars. Toutefois, insiste La Presse, aucune de ces allégations n’a encore été prouvée.

À noter que ni Philippe Gauthier ni les autres personnes citées dans l’enquête n’ont rappelé le quotidien pour répondre à ses questions. Contactées par Conseiller, la Banque Laurentienne, Globevest et Richardson GMP n’ont pas non plus donné suite dans ce dossier.

La rédaction