Un conflit d’intérêts et une contrefaçon sanctionnés

Par La rédaction | 10 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a ordonné la radiation temporaire de Larry Kendall et de Jérémy Duchesne.

Le premier (no de certificat 117478, BDNI 1604181) a été radié pour une durée de 30 jours en plus d’être condamné à payer des amendes, tandis que le second (no de certificat 194318, BDNI 2796331) a écopé d’une interdiction d’exercer pendant deux mois.

Conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective, Larry Kendall a plaidé coupable à chacun des cinq chefs d’infraction mentionnés à la plainte déposée contre lui, soit de s’être placé dans une situation de conflit d’intérêts en empruntant de l’argent à un client (deux chefs), d’avoir prêté de l’argent à un client (un chef), d’avoir procédé à un changement de propriétaire et de bénéficiaire sur une police d’assurance vie (un chef) et, dans le cadre de la demande de règlement de la police d’assurance vie d’un client, d’avoir omis de fournir à l’assureur un document qui était nécessaire à la conclusion du dossier (un autre chef).

SITUATION DE CONFLIT D’INTÉRÊTS

Les faits reprochés se sont déroulés dans la région de Drummondville entre 2004 et 2014. À cette époque, Larry Kendall s’est placé à plusieurs reprises en situation de conflit d’intérêts en empruntant à l’un de ses clients les sommes de 15 000 $ et de 10 000 $, puis en lui prêtant à son tour 5 000 $, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) et 18 du Code de déontologie de la CSF.

En 2015, à Drummondville et à Saint-Hyacinthe, il a également procédé à un changement de propriétaire et de bénéficiaire sur la police d’assurance vie de ce même client pour y désigner à titre de propriétaire et de bénéficiaire irrévocable une autre personne, et ce, « sans chercher à avoir une connaissance complète des faits entourant cette opération », contrevenant cette fois aux articles 16 de la LDPSF et 14 et 15 du Code de déontologie de la Chambre. Toujours en 2015, dans le cadre de la demande de règlement de cette police d’assurance vie faisant suite au décès de son client, il a omis de fournir à l’assureur une lettre signée par cette personne, lettre qui lui avait été remise par la sœur du défunt dans ce but, contrevenant ainsi aux articles 16 de la LDPSF et 24 et 34 du Code de déontologie de la CSF.

À l’époque des faits reprochés, Larry Kendall, aujourd’hui âgé de 61 ans, détenait un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes.

UN TOTAL DE 10 000 $ D’AMENDES

Dans son analyses des chefs d’infraction, le comité de discipline rappelle qu’un représentant qui prête ou qui emprunte une somme d’argent d’un client (même s’ils sont également amis) « fait défaut à l’obligation déontologique qui lui est imposée de sauvegarder, en tout temps, son indépendance et d’éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts ». En ce qui concerne l’intention manifestée par son client de procéder à un changement de propriétaire et de bénéficiaire de sa police d’assurance vie, Larry Kendall n’a par ailleurs pas posé à celui-ci les questions appropriées et il n’a pas non plus « cherché à circonscrire les motifs pour lesquels il désirait procéder à ces changements », ce qu’il aurait dû faire, puisque l’éventuel propriétaire et bénéficiaire de la police d’assurance vie lui avait indiqué être un créancier de son client.

Le comité a néanmoins reconnu que l’intimé bénéficiait de plusieurs facteurs atténuants, puisqu’il a notamment collaboré à l’enquête de la Chambre et a enregistré un plaidoyer de culpabilité dès le début de l’affaire. De plus, l’enquête a démontré qu’il n’avait pas d’intention malhonnête et que les infractions qu’il a commises ne l’ont pas enrichi et que les prêts d’argent « sont intervenus entre deux amis à l’occasion des difficultés financières éprouvées successivement par l’un et l’autre ». En outre, ces prêts ont été remboursés et Larry Kendall n’avait aucun antécédent disciplinaire.

Outre sa radiation temporaire pour un mois, le comité l’a donc condamné à payer une amende de 5 000 $ pour le chef d’infraction concernant l’article 15 du Code de déontologie de la CSF, en plus d’une autre amende de 5 000 $, cette fois par rapport au chef se rapportant à l’article 24 du code.

CONTREFAÇON DE SIGNATURE

De son côté, Jérémy Duchesne a plaidé coupable à l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire dont il faisait l’objet, à savoir d’avoir contrefait la signature d’une cliente sur le formulaire « Demande de souscription à un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ». Survenu à Québec en mars 2015, cet événement a enfreint les articles 160 de la Loi sur les valeurs mobilières ainsi que les articles 10, 14 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières, précise le comité de discipline.

Au moment de commettre l’infraction, Jérémy Duchesne, 30 ans, était représentant de courtier en épargne collective pour le compte de BMO Investments et avait une expérience de trois ans dans le domaine. Les faits tels que rapportés par le comité sont simples : à la suite de demandes répétées de la part de son directeur de succursale pour que sa cliente signe son formulaire de demande de souscription à un CELI, et celle-ci négligeant de lui répondre, l’intimé « a tout simplement lui-même signé le document en imitant la signature de celle-ci » avant de remettre le document en question à son chef pour ainsi compléter le dossier.

Toutefois, le responsable de la succursale ayant des doutes, il a vérifié les signatures précédentes de la cliente et constaté que le formulaire qu’elle avait soi-disant signé avait en réalité été contrefait, ce qu’a d’ailleurs rapidement avoué le représentant. Celui-ci a alors expliqué son geste par le fait qu’il devait compléter le dossier rapidement, car il devait partir en vacances. Une explication qui n’a pas convaincu la direction de BMO Investments, puisqu’elle l’a congédié quelques semaines plus tard.

« SITUATION STRESSANTE » AU TRAVAIL

Pour sa défense, Jérémy Duchesne a souligné qu’il avait plaidé coupable dès le début de l’affaire, qu’il avait perdu son emploi, n’avait aucun antécédent disciplinaire et que sa cliente n’avait subi aucun préjudice. Il a également tenté d’expliquer les circonstances dans lesquelles il avait commis l’infraction, soulignant qu’il regretterait cette « erreur de jugement » toute sa vie. Il a notamment insisté sur le fait qu’il se trouvait alors « dans une situation stressante, ayant beaucoup de pression de la part de son directeur pour finaliser le dossier de la cliente », alors que la date de son congé annuel approchait.

Il a en outre expliqué que pendant les six mois ayant suivi son congédiement, il n’avait pu bénéficier d’aucun revenu, n’ayant pas eu droit aux prestations de l’assurance-emploi, ajoutant qu’il aurait probablement perdu la maison qu’il venait d’acquérir si sa mère ne l’avait pas aidé financièrement. Enfin, il a indiqué qu’avec son salaire actuel, et compte tenu que sa conjointe et lui ont à leur charge trois jeunes enfants, il éprouvait de la difficulté à boucler son budget et avait dû retirer la totalité de ses REER. En conclusion de son plaidoyer, il a affirmé ne pas avoir l’intention de revenir dans le domaine financier.

Si le comité de discipline indique avoir pris acte du contexte dans lequel les faits reprochés ont été commis, elle souligne néanmoins que ces circonstances ne l’excusent pas, car « cette infraction est objectivement grave et ne saurait être tolérée ». Par conséquent, il a condamné l’intimé à une radiation temporaire de deux mois, en plus de l’obliger à payer les déboursés.

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