Un marché du crédit à deux visages

20 mai 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : wisitporn / 123RF

L’intervention du gouvernement américain a nettement séparé les trajectoires entre les titres soutenus et ceux laissés à eux-mêmes, note Ignacio Sosa, directeur en chef, Groupe de solutions de produit, pour DoubleLine Capital à Los Angeles.

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« La COVID-19 a affecté presque tout le monde de toutes les façons imaginables, mais dans le cas des titres de crédit, on observe deux histoires différentes entre ceux qui ont eu de très bons rendements et les autres », dit Ignacio Sosa.

« Les meilleurs résultats viennent des bons du Trésor américain ou de titres associés à certaines garanties du gouvernement. Ceux-là ont profité du fait que les taux d’intérêt ont diminué, avec un risque quasi nul. Ensuite, il y a tous les titres qui ont fait moins bien, mais ont relativement eu de bons rendements. Il s’agit de ceux qui ont été sélectionnés pour recevoir un soutien du gouvernement », explique Ignacio Sosa.

L’ACTION DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE

La Fed a en effet annoncé le 9 avril un programme d’achat massif d’obligations de sociétés, tant dans la catégorie investissement que dans le haut rendement, étalé sur les mois à venir. Les achats visent autant des obligations individuelles que des fonds négociés en Bourse (FNB).

« L’annonce a engendré une flambée des prix de ces titres. On a appris le 12 mai que les premiers achetés seront des FNB obligataires de catégorie investissement. Ils seront sans doute suivis d’obligations individuelles de catégorie investissement, puis de FNB à haut rendement, puis d’obligations individuelles à haut rendement. Mais le sommet de prix de ces titres est déjà survenu après l’annonce du 9 avril », dit Ignacio Sosa.

Sous l’engouement apparent se cache cependant une dure réalité : ces titres demeurent intrinsèquement faibles, rappelle l’expert.

« Beaucoup d’investisseurs pensent que les achat massifs du gouvernement rendent ces titres moins risqués qu’auparavant, mais en réalité, ils le sont encore plus, vu ce qui est arrivé à l’économie », estime Ignacio Sosa.

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De l’autre côté du marché du crédit, il y a les laissés pour compte : créances titrisées, hypothèques non garanties, titres garantis par des actifs, etc. Ceux-là n’ont reçu aucune aide du gouvernement, et en conséquence, ils ont eu de moins bons résultats depuis le début de la crise. C’est justement cela qui les rend intéressants aux yeux de M. Sosa.

« Ironiquement, le marché du crédit a bifurqué entre ceux qui sont soutenus par le gouvernement et ceux qui ne le sont pas, et ces derniers sont les plus attrayants, car leurs prix reflètent la réalité de la période d’incertitude que nous traversons, incluant des scénarios épouvantables qui ne se sont pas réalisés », dit-il.

Mais pour distinguer les bonnes aubaines des titres qui risquent de ne pas survivre à la crise, mieux vaut abuser de pessimisme, explique l’expert.

« Il est important de s’assurer que les titres sont soutenus par des flux de liquidités qui peuvent se poursuivre même à travers un ralentissement économique très important. Nous présumons que les choses vont être pires que ce que les gens pensent actuellement. Par exemple, le chômage est à 14 %, mais cela n’inclut pas les gens sous-employés et tous les individus qui n’apparaissent pas dans les rapports. Le vrai nombre est plutôt autour de 21 %. Si nous présumons cela, de même qu’un PIB pire que ce que le marché entrevoit actuellement, cela nous donne une bonne idée des résultats du portefeuille à l’avenir. »