Un rien fait pencher la balance

Par James Dolan | 17 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Vous voulez rester fidèle à votre stratégie de répartition des actifs, mais vous aimeriez apporter de la valeur ajoutée aux portefeuilles indiciels de vos clients? Est-ce possible?

Oui! Il suffit de modifier un peu votre stratégie en revoyant la pondération de certaines catégories d’actifs, de certains marchés géographiques ou de certains titres individuels au sein d’un cadre plus large de répartition.

« Pencher signifie autant gérer le risque que saisir des occasions, affirme Garnet Anderson, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Tacita Capital. Le degré auquel on penche dépend du niveau de confiance et de la tolérance au risque. »

À la société de placement de M. Anderson, on penche habituellement de 70 % à 130 % de la répartition cible initiale. Si, par exemple, la cible équilibrée des actions est de 50 %, la répartition passera à un pourcentage entre 35 % et 65 % selon les perspectives du marché, la tolérance au risque du client et d’autres facteurs.

« Souvent, on détermine d’emblée l’ampleur du penchant dans l’énoncé de politique du placement », explique M. Anderson.

« Le processus est simple, explique Mark Webster, vice-président de FNB BMO pour l’Ouest canadien. Vous pouvez donner plus d’importance à un indice en surpondérant ou sous- pondérant un secteur, ou vous faites pencher la balance en faveur de sociétés à forte capitalisation plutôt que celles à petite capitalisation. Ou encore en favorisant la valeur plutôt que les occasions de croissance, ou les titres étrangers plutôt que les titres nationaux. Pour ce qui est des portefeuilles, vous pourriez pencher pour les actions plutôt que les obligations. Et s’il est question d’obligations, pour le secteur public plutôt que le secteur privé. »

Avant de pencher, il faut savoir où on s’en va. « Choisissez avec soin les instruments financiers que vous faites pencher », explique-t-il. Ce pourrait être des actions individuelles et des obligations, des fonds communs de placement ou des FNB.

« Vous devez avoir une discipline de fer et vous retirer dès que votre objectif de rendement est atteint, ajoute M. Webster. Tout penchant doit se faire en fonction d’attentes objectives ou clairement formulées en matière de rendement. À défaut de rétablir l’équilibre une fois l’objectif atteint, vous exposez le portefeuille à des risques inutiles, alors que la cible de rendement à court terme a été atteinte. »

Pour aider les clients à décider à quel point ils veulent faire pencher la répartition stratégique de leur portefeuille, établissez jusqu’où vous irez ou quelle est votre liberté de décision relativement aux différents secteurs ou à la pondération.

Si la répartition des actifs est plus large, il est possible de faire pencher la balance en faveur d’actifs produisant des revenus, par exemple, ou de vous écarter d’une devise en particulier.

Comment s’y prend-on concrètement pour pencher? Voici quelques exemples.

4 étapes pour faire pencher son portefeuille

  • 1. Repérer les aberrations
    Chercher les titres qui constituent une occasion négligée ou incomprise par le marché.
  • 2. Rester à l’affût de la dynamique
    Vous voulez attraper les cours au bon moment, soit lorsqu’ils augmentent ou diminuent. Une analyse technique vous aide à vous assurer que votre argent ne reste pas en latence.
  • 3. Être discipliné en matière d’investissement
    Quel est le seuil à ne pas dépasser? Il n’y a pas de bonne réponse, mais la plupart des gestionnaires s’entendent pour dire qu’il est probablement préférable de commencer par pencher d’environ 15 % par rapport à la répartition de départ.
  • 4. Avoir une stratégie de sortie
    Avant de pencher, demandez-vous comment (et pourquoi) vous le ferez. Quelles nouvelles ou données allez-vous surveiller? Quels indicateurs allez-vous mesurer? Quel est votre signal de vente?

Pencher pour la valeur : la stratégie élémentaire

Cette stratégie populaire vise à faire pencher la pondération en faveur de la valeur ou de la croissance pour tenir compte des cycles du marché.

« Les investisseurs plus prudents ont tendance à pencher pour la valeur soit en maximisant le rendement grâce aux dividendes, soit en réduisant les risques grâce à des stratégies de faible volatilité, explique M. Webster. Mais on ne cesse jamais vraiment de privilégier la valeur : les stratégies de rendement ou de budgétisation des risques témoignent d’une vision à long terme du marché. »

Mark Webster propose plusieurs façons d’appliquer cette stratégie : en investissant dans des FNB des secteurs traditionnels (par exemple le secteur des services publics et des infrastructures); en choisissant des FNB axés sur la valeur ou à faible volatilité; ou en investissant dans des actions produisant un dividende.

Pencher pour les occasions

On peut appliquer la stratégie de pencher pour saisir les occasions qu’offre le marché. La société de placements de M. Anderson, par exemple, a penché en faveur des obligations de société et à rendement élevé en 2009.

M. Anderson a fait ce choix puisqu’un écart jusque-là jamais observé s’était creusé entre les obligations et les bons du Trésor. « Nous savions qu’avec un peu de patience et, dans la mesure où la fin du monde n’était pas près d’arriver, nos clients recevraient des sommes généreuses », lance-t-il.

À cette époque, sa firme a appliqué un penchant à presque tous les portefeuilles de ses clients en faveur des obligations de sociétés; et, dans le cas de ceux qui avaient une meilleure tolérance au risque, en faveur d’obligations à rendement élevé. Lorsque les évaluations sont revenues à la normale, Tacita a rétabli l’équilibre. « Ce fut efficace pendant plus ou moins trois ans », se rappelle-t-il.

Pencher pour une position prudente

Ce processus permet de protéger le portefeuille contre les erreurs d’évaluation de titres sur le marché dans le cadre d’une répartition traditionnelle.

M. Anderson aime citer en exemple les obligations protégées contre l’inflation offertes il y a quelques années. « Pas un investisseur ne se réjouit d’acheter des titres du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS), qui offrent un rendement de -0,7 % ! », explique-t-il. Mais c’est exactement ce qu’ils offraient jusqu’à tout récemment.

Ceux qui tenaient mordicus à leurs cibles de répartition risquaient à coup sûr de perdre leur pouvoir d’achat sur une période de 10 ans. C’est pourquoi Garnet Anderson s’est tenu loin de cet actif. « Il ne s’agit pas de freiner complètement, précise-t-il, mais de lever un peu le pied et d’attendre que l’actif revienne à la normale. Ça peut prendre d’un à trois ans. »

Penchant pour les revenus

Pour faire face à des rendements anémiques, la société de placements de John Hood choisit d’appliquer des stratégies d’options d’achat couvertes. Gestionnaire de portefeuille chez J.C. Hood Investment Council, John Hood affirme que cette tactique est appliquée à un maximum de 20 % du portefeuille. Il la réserve surtout aux clients plus âgés qui disposent d’un important portefeuille.

Normalement, M. Hood conclut des contrats d’une durée moyenne de six mois : « Ainsi, je protège mieux les investissements en cas de chute des cours. » Et il vend habituellement les options au comptant. Pour compenser le risque supplémentaire lié aux actions, il réduit habituellement la partie du portefeuille qui comporte des titres boursiers axés uniquement sur le long terme.

Une des stratégies préférées de John Hood consiste à vendre des options d’achat couvertes de banques canadiennes, soit sur des actions individuelles ou des indices. Pour les portefeuilles plus petits, il investit dans l’un des nombreux FNB qui utilisent des options d’achat couvertes.

Penchant pour les marchés émergents

Depuis quelque temps, la société de placement de Garnet Anderson trouve des valeurs attrayantes dans les marchés émergents. Ainsi, depuis six mois, il penche légèrement vers ces actions, sans pour autant les surpondérer.

« Les meilleures occasions se trouvent dans les marchés émergents, affirme-t-il. Les niveaux d’évaluation ont été relativement bas comparativement aux États-Unis et au Canada », environ 15 % de moins que l’indice des actions mondiales.

M. Anderson ajoute que ces évaluations se sont maintenues malgré l’amélioration des perspectives à long terme. Ce penchant profite aux investisseurs qui peuvent attendre un retour à la normale.

Penchant pour les devises

Pencher permet aussi aux gestionnaires de cristalliser les gains découlant des variations des taux de change. En transférant les actifs dans une devise en particulier (ou en s’éloignant d’une autre), il est possible de générer de l’alpha dans le portefeuille.

C’est une stratégie fréquemment utilisée par la société de M. Hood. Après avoir investi pendant plusieurs années dans des FNB couverts qui suivent l’évolution du S&P 500, il a décidé de privilégier les versions non couvertes.

« J’achète le XSP depuis des années parce qu’il a une couverture pour la chute du dollar américain, explique John Hood. Mais aujourd’hui, ce qui me préoccupe est la baisse du dollar canadien. Mon dernier achat a donc été le VV de Vanguard. »


James Dolan est rédacteur financier à Vancouver.

James Dolan