Le cannabis financé par les paradis fiscaux

Par La rédaction | 22 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Au total, 35 des 86 producteurs de marijuana autorisés au pays par Santé Canada ont bénéficié d’un financement offshore au cours des deux dernières années.

Selon les documents financiers que le bureau d’enquête du Journal de Montréal a pu consulter, plusieurs (très) riches investisseurs anonymes auraient ainsi placé « au moins 165 millions de dollars » dans ces compagnies, parmi lesquelles figure une firme ontarienne. Ciblant un financement par les communautés autochtones, celle-ci est administrée par Alain Dubuc, chroniqueur de La Presse, et par Martin Cauchon, ex-ministre libéral au fédéral et patron d’un groupe de presse.

Le Journal précise que ce genre de placements privés est réservé « à des investisseurs qui doivent en général avoir un actif net d’au moins cinq millions ».

L’OMBRE DU CRIME ORGANISÉ?

« On ne sait pas qui se cache derrière ces investissements et ça n’élimine pas la possibilité que le crime organisé soit impliqué », explique dans le quotidien montréalais Ken Lester, président de Lester Asset Management et professeur adjoint à la Faculté de gestion de l’Université McGill. Il précise néanmoins que l’industrie « sait qu’elle doit être sans tache parce qu’elle est scrutée par le monde entier ».

Interrogé par le JdeM, Sylvain Théberge, porte-parole de l’Autorité des marchés financiers, observe que le grand public n’a pas le droit de connaître l’identité des investisseurs installés dans des paradis fiscaux. « Ces informations demeurent […] confidentielles », indique-t-il, tout en précisant que l’AMF connaît le nom des investisseurs basés dans des paradis fiscaux, même si elle ne demande pas forcément qui sont les véritables propriétaires des sociétés concernées.

D’après Cam Battley, l’un des dirigeants du producteur de marijuana albertain Aurora, le marché du « pot » canadien attire beaucoup d’investisseurs, notamment du côté des États-Unis, car pour l’instant seuls les producteurs canadiens et australiens sont cotés en Bourse. « Le Canada est en avance par rapport à la légalisation et nos entreprises sont bien établies, alors un investisseur qui veut participer à cette industrie qui grossit très rapidement sait que c’est au Canada que ça se passe », justifie-t-il dans le JdeM. « Derrière ces [compagnies] offshore, il y a beaucoup d’Américains. […] Investir de l’argent public, comme des fonds de pension, dans le cannabis paraîtrait mal et contreviendrait à certaines restrictions éthiques aux États-Unis, où le cannabis reste illégal à l’échelle fédérale », relève Ken Lester.

LE CAS DE LA FIRME 48 NORTH

Dans le cas de l’entreprise ontarienne 48 North, dont Martin Cauchon et Alain Dubuc sont administrateurs, le JdeM rapporte que « plus de trois millions » proviennent des Îles Vierges britanniques, un autre paradis fiscal reconnu. L’ex-ministre libéral, qui préside le conseil d’administration de la firme, est par ailleurs président de Capitales médias, un groupe de presse qui détient plusieurs quotidiens régionaux, comme Le Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit ou encore La Tribune, notamment.

En 2003, alors qu’il était ministre de la Justice à Ottawa, Martin Cauchon avait déposé un projet de loi pour décriminaliser la marijuana, projet qui n’avait pas abouti, rappelle le JdeM. Quant à Alain Dubuc, le quotidien souligne qu’« il a parlé de la légalisation du cannabis à la télévision de Radio-Canada à deux reprises en 2017 sans mentionner ses intérêts », déclarant notamment en décembre dernier « qu’on accorde trop d’énergie à ce débat et [qu]’on a tendance à exagérer les conséquences et à s’inquiéter pour rien ».

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