Louis Morisset parle enfin – 2e partie

Par Yves Bonneau | 25 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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C : Trouvez-vous ça normal que ce soit les conseillers qui cotisent le plus au Fonds? Pourquoi ce ne serait pas, par exemple, les consommateurs qui contribueraient au FISF, de la même manière qu’ils contribuent au fonds de l’assurance automobile?

LM : Il y a un régime qui existe au Québec, qui a été longuement réfléchi, un régime qui reflète même la création de l’Autorité des marchés financiers. J’étais probablement en culottes courtes quand ce régime-là a été élaboré. Il est clair qu’avec les évènements qu’on a connus il y a 7, 8, 9 ans, ce fonds-là a dû être utilisé. Mais honnêtement, je ne m’exprimerai pas sur le bien-fondé ou la pertinence du fait que les conseillers cotisent. C’est peut-être une manière de les conscientiser à leurs obligations et au lien de confiance qui doit les unir à leurs clients. Moi, personnellement, ça ne me choque pas. Considérant les liens qu’entretiennent les Québécois avec leurs finances et l’importance du rôle du conseiller, à mes yeux, il n’est pas déraisonnable, au contraire, qu’ils cotisent. Ce sont assurément les premiers qui vont souhaiter que ce Fonds-là ne soit jamais utilisé. C : Les conseillers disent que dans le processus d’indemnisation, le conseiller a toujours le mauvais rôle, même s’il contribue au fonds, alors que l’Autorité a un beau rôle, puisque que c’est elle qui vole au secours des consommateurs lésés. Comment voyez-vous les choses?

LM : Moi, écoutez, je ne le vois pas comme ça. Quand on se doit d’indemniser, on le fait, mais c’est parce qu’il y a eu une fraude quelque part dans le système. C’est une réalité. Que ce fonds-là ne soit jamais utilisé me rendrait nettement plus heureux. Et on a une responsabilité d’administrer ce fonds-là, d’évaluer les dossiers de manière rigoureuse. La plupart du temps, on se doit de dire non, parce que justement, dans les règles actuelles du Fonds, le représentant est inscrit, mais n’a pas vendu le produit financier en fonction de son certificat. Il a vendu un produit financier autre. Et malgré le fait qu’il soit inscrit, on est obligé de refuser la demande d’indemnisation. Donc, je vous dirais que le beau rôle de l’AMF ressort assez peu dans la réalité du Fonds d’indemnisation de l’Autorité.

C : Pourquoi, dans l’application des règles et des normes, les conseillers ont l’impression que l’AMF semble favoriser les grandes institutions au détriment des simples intermédiaires?

LM : Ce n’est clairement pas mon sentiment et ma perception, que l’on favorise qui que ce soit. Je ne suis pas d’accord avec ça. La réglementation qui est développée à l’échelle canadienne est applicable à l’ensemble des institutions, des participants, peu importe leur taille.

« On ne rentre pas chez Desjardins de la même manière que l’on entre chez un petit joueur indépendant. »

Je comprends qu’il y a souvent une perception, du côté des plus petits joueurs sur le marché, que le fardeau réglementaire est plus lourd. On est conscients de ça. On réfléchit toujours à savoir s’il y a des ajustements qui peuvent être faits et souvent, c’est de la modulation qu’on va faire dans l’application de la réglementation. Quand on débarque dans une grande institution ou chez un indépendant, on adapte notre lorgnette à la réalité des deux institutions. On ne rentre pas chez Desjardins de la même manière que l’on entre chez un petit joueur indépendant.

J’estime que nos équipes savent adapter leurs interventions en fonction de la réalité des joueurs. Mais je peux très bien concevoir qu’au cours des 10 dernières années, le fardeau réglementaire au Canada, au Québec, à travers le monde, s’est accru. Et quand il y a une crise financière de l’ampleur de celle qu’on a connue, les scandales qu’on a vécus à travers le monde aussi, depuis les années 2000, c’est certain que le fardeau réglementaire s’accroît.

C : Pourtant, dans les nouvelles règles du MRCC 2, les conseillers indépendants semblent davantage visés par les règles de divulgation que les institutions de dépôt…

LM : Encore une fois, ce n’est pas mon interprétation, parce que lorsqu’on regarde le MRCC 2 et que l’on prend les deux principales obligations qui vont être en œuvre à partir de l’été 2016, comme, justement, le rapport annuel sur les frais ou le relevé annuel sur le rendement, ce sont des obligations qui s’appliquent au courtier et non au représentant individuel.

Donc, que ce soit chez Desjardins, à la Banque Nationale ou dans une institution indépendante, si tu travailles à la Banque Nationale, tu es rattaché, comme représentant, au courtier en épargne collective de l’institution. Les obligations de préparer et d’envoyer ces rapports annuels incombent au courtier en épargne collective.

J’ai de la misère à voir ou à comprendre la perception ou la préoccupation, parce qu’encore une fois, ce n’est pas une obligation qui incombe au représentant individuel, mais c’est une obligation qui incombe au courtier. Nous ne croyons pas qu’il est justifié de s’attarder de façon spécifique à la question des frais ou en tout cas, du représentant lui-même.

Maintenant, si dans l’évolution du MRCC 2 nous voyons dans le cadre de nos travaux d’inspection qu’il y a des tendances qui se développent, s’il y a des pratiques qui s’installent pour tenter de camoufler des éléments de rémunération ou de frais – encore une fois, je ne vois pas d’emblée comment ça peut se faire, étant donné que l’obligation incombe au courtier et non au représentant individuel – on va être à l’affût de ces situations-là et on verra si on doit intervenir et comment le faire si c’est le cas.

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