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Lettre ouverte à Carlos Leitao, ministre des Finances du Québec.

Monsieur le Ministre,

Par respect pour la démocratie, démissionnez!

Ce cher Montesquieu doit se retourner dans sa tombe. Vous souvenez-vous de lui? Pour vous rafraichir la mémoire, Montesquieu était un penseur politique qui a vécu au début du 18e siècle en France. Il a écrit un grand classique intitulé De l’esprit des lois. Il y décrivait entre autres la nécessité de la séparation des pouvoirs : politique, judiciaire et exécutif.

Presque tous les territoires démocratiques ont soigneusement appliqué cette sage et clairvoyante doctrine. Tous? NON! Il existe un Québec irréductible dans sa capacité centralisatrice de choisir la plus mauvaise solution lorsqu’il y a un choix à faire.

L’Autorité des marchés financiers concentrera ainsi les trois pouvoirs entre ses mains : le pouvoir politique de faire des lois ou des règlements, le pouvoir judiciaire de les interpréter et le pouvoir exécutif de les appliquer. L’Autorité devient juge et partie. Cette erreur conceptuelle majeure n’est pas digne de vous, M. Leitao.

DE LA LOI 188 AU PROJET DE LOI 141

Depuis deux années, j’ai analysé – sommairement – dans mes précédents billets différents points essentiels de la loi 188 en révision. J’y ai notamment fait des suggestions structurées sur l’emploi des titres professionnels, en particulier sur les conditions d’utilisation de celui de conseiller financier, actuellement banni bien que d’utilisation générale.

Que dit le projet de loi sur l’embrouillamini des titres professionnels, sur la rémunération des conseillers financiers, sur leur formation déficiente? Rien qui n’éclaire le public. Ce même public que vous êtes censé protéger en tant qu’élu. C’est triste à mourir.

Je n’ai aucune faveur à faire à la Chambre de la sécurité financière (CSF), mais j’estime qu’elle devrait être remplacée par un ordre professionnel indépendant de l’AMF afin de favoriser la séparation des pouvoirs et donc l’exercice de la justice professionnelle par les pairs professionnels.

Quant à la formation permanente obligatoire, elle devrait d’abord être redéfinie et pourrait ensuite être confiée à la supervision de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), qui a déjà réalisé un travail remarquable à ce sujet, notamment avec la Solution IQPF. Sa mission exclusive en est une de formation mais devrait être :

  • Redéfinie pour encourager et fournir de la formation technique sur le conseil financier et non de la formation aux techniques de vente de produits financiers (ce que fait la CSF).
  • Redéfinie pour couvrir la formation des conseillers en services financiers qui ne sont pas planificateurs financiers ainsi que celle du grand public en littératie financière.
  • Redéfinie pour que les conseillers cessent de courir à l’obtention d’unités de formation continue (UFC) uniquement par obligation professionnelle mais sans égard à leur qualité.

Au sujet de la rémunération des conseillers, la transparence suffira à sa compréhension par le grand public à condition de développer sa littératie financière par des programmes de qualité.

Quant aux produits d’investissement, une seule réglementation uniforme devrait s’y appliquer peu importe qu’ils soient proposés par des « compagnies de fonds » ou par les compagnies d’assurance.

Que dit le projet de loi 141 sur ces sujets? RIEN.

LE COURAGE

Monsieur le ministre, je vous connais depuis plus de vingt années. Je vous ai toujours considéré comme un homme compétent et honnête dans vos fonctions au sein de deux grandes institutions financières et, jusqu’ici, au gouvernement du Québec. Mais pour conserver ces deux qualités humaines, il faut en posséder une troisième : le courage.

Vous avez réalisé un travail nécessaire en matière de gestion financière du Québec en revenant à l’équilibre budgétaire.

Cependant, en ce qui concerne le projet de loi 141 – et je me limiterai aux parties de la loi 188 qui concernent la distribution de produits et services financiers – vous avez cédé aux pressions des grandes institutions financières en intégrant la CSF à l’AMF. Pire : vous n’avez pas respecté les sages préceptes énoncés par Montesquieu sur la séparation des pouvoirs.

Monsieur le ministre, je souhaite du fond du cœur de pouvoir continuer à vous considérer comme un homme compétent et honnête. Mais, pour cela, il vous faudra du courage. Aurez-vous le courage de démissionner?

Le fond de vos idées et de vos convictions ne correspond pas à celui des politiciens qui vous entourent. Une suggestion? Allez trouver votre place auprès d’hommes politiques dont les idées, les convictions et l’éthique sont plus proches des vôtres.