Tête-à-tête avec la syndique

Par Christine Bouthillier | 11 février 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Fraîchement confirmée dans ses fonctions de syndique de la Chambre de la sécurité financière, Me Nathalie Lelièvre a accepté de s’extirper quelques instants du tourbillon dans lequel elle se retrouve plongée pour nous livrer ses impressions sur son métier, l’industrie et ce qui l’attend.

Conseiller : Parlez-nous de votre parcours professionnel.

Nathalie Lelièvre : J’ai étudié en droit à l’Université de Montréal, je suis avocate de formation.

J’ai exercé en pratique privée pendant plus de 18 ans. J’ai représenté divers syndics d’ordres professionnels, dont le Collège des médecins du Québec, l’Ordre des pharmaciens du Québec et l’Ordre des comptables agréés du Québec. J’ai aussi travaillé en déontologie policière. J’ai touché à différents domaines, mais toujours dans l’éthique et la déontologie.

Au cours des dernières années, j’ai suivi le cours du Canadian Securities Institute sur les fonds d’investissement au Canada, requis pour l’entrée en carrière en épargne collective. J’ai également terminé la formation « Les concepts en assurance de personnes », un des éléments exigés pour l’obtention des titres d’assureur vie agréé et assureur vie certifié.

En 2010, quand la Chambre m’a offert le poste de syndique adjointe, j’étais très honorée. J’ai vu aller la syndique, c’est une fonction pour laquelle j’ai beaucoup de respect. L’éthique professionnelle est une valeur très importante pour moi.

Ce qui me plaît également, c’est que l’éthique est un domaine qui évolue selon les contextes. C’est pourquoi le code de déontologie de la Chambre est rédigé de façon à faciliter les changements. Je trouve intéressant de participer à ces transformations.

C : Comment définissez-vous votre rôle de syndique?

NL : Un mot : prévention. La discipline n’est pas exclusivement punitive, elle a un volet préventif. Je ne nie pas les conséquences pour quelqu’un qui se retrouve devant le comité de discipline et qui reçoit une sanction. Cependant, l’objectif n’est pas de punir, mais de prévenir une récidive ou qu’un autre représentant l’imite.

Par exemple, le formulaire de préavis de remplacement d’une police d’assurance a changé récemment. Nous avons reçu des demandes d’enquêtes à ce sujet. Pendant l’enquête, lorsque le syndic échange avec le représentant, ce dernier peut corriger le tir et améliorer sa pratique. Ces cas-là ne débouchent pas sur une plainte disciplinaire si le conseiller est ouvert à apprendre et à modifier sa façon de travailler. Ça rejoint le mandat de formation de la Chambre.

C : Quels défis vous attendent?

NL : Le volume! Nous recevons environ 500 demandes d’enquête par année (qui ne deviennent pas toutes des plaintes). Il faudra aussi s’adapter aux nouvelles réalités technologiques, comme les bureaux virtuels et la vente par Internet. Au chapitre juridique, plusieurs réformes sont en cours et il y aura l’entrée en vigueur de nouvelles normes dans quelques mois.

L’aspect démographique n’est pas non plus à négliger. Il faudra se préoccuper du vieillissement des clients, ce qui aura par exemple des incidences sur la gestion des procurations. Faut-il communiquer avec les pairs s’ils deviennent incapables de gérer leurs avoirs? Qu’advient-il du devoir de confidentialité dans ce cas? Les membres de la Chambre aussi vieillissent. Si l’un d’eux n’est plus en mesure d’exercer, comment intervient-on?

Les soubresauts du marché poseront aussi des défis. En 2008, il y a eu une hausse très importante des demandes d’enquête.

Et il y a toujours des défis-surprises!

C : Quels sont vos objectifs pour l’avenir?

NL : La continuité. Je veux continuer l’optimisation des processus. Je compte poursuivre le dialogue avec nos partenaires : l’Autorité des marchés financiers, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), etc. La Chambre a entre autres conclu un protocole d’échange d’informations avec l’OCRCVM.

C : Qu’est-ce qui vous intéresse dans le milieu des services financiers?

NL : Tout! Le contenu intéressant, les normes applicables, la pratique, tout est évolutif, diversifié. C’est un milieu qui touche tout le monde. Un jour ou l’autre, on finit par avoir besoin de services financiers. C’est important pour moi d’avoir un impact positif dans la vie des gens.

C : Est-ce que l’absence d’un ordre professionnel des conseillers fait une différence dans votre travail?

NL : La Chambre est comme un ordre professionnel pour moi. La mission est la même, malgré le fait qu’elle n’est pas identifiée ainsi dans le Code des professions. C’était aussi la vision du juge dans l’affaire CIBC, qui demeure tout à fait fondée à mon avis.

Tout comme un ordre professionnel, la Chambre est un organisme d’autoréglementation qui a pour mission d’assurer la protection du public en encadrant la pratique professionnelle de ses membres. Et tout comme un ordre professionnel, elle veille également à leur discipline, leur déontologie et leur formation continue. Ses membres ont des obligations et doivent respecter un code de déontologie.

Comme dans un ordre professionnel, un syndic est chargé de mener les enquêtes et de déposer, le cas échéant, une plainte devant le comité de discipline.

C’est tellement similaire que nous utilisons carrément le Code des professions pour la déontologie. Ce dernier s’applique pour l’introduction et l’instruction d’une plainte, ainsi qu’aux décisions et sanctions. Toutefois, en matière de sanctions, certaines adaptations doivent être faites. À titre d’exemple, la Chambre peut imposer des amendes qui sont plus élevées que celles prévues au Code des professions.

C : Qu’est-ce qui détermine si le comité de discipline prend une décision plus ou moins sévère?

NL : En matière de droit disciplinaire, les sanctions sont prononcées par le comité de discipline selon les faits propres à chaque cas, en tenant compte de la jurisprudence, des facteurs atténuants et aggravants.

La syndique a un rôle à jouer, car elle recommande les sanctions. Cependant, c’est au comité de discipline que revient la décision.

C : Que pensez-vous des concours de vente en assurance?

NL : Le rôle de la syndique est d’enquêter sur des infractions commises. En assurance, les concours de vente sont balisés par des lois et règlements. La syndique évalue donc une situation lorsqu’un problème se pose afin d’établir si le représentant a agi dans le cadre des règlements.

Il faut cependant retenir qu’à titre de professionnels, les membres doivent avant tout prioriser l’intérêt de leur client et s’assurer d’offrir des produits qui lui conviennent.

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Christine Bouthillier

Titulaire d’un baccalauréat en science politique et d’une maîtrise en communication de l’Université du Québec à Montréal, Christine Bouthillier est journaliste depuis 2007. Elle a débuté sa carrière dans différents hebdomadaires de la Montérégie comme journaliste, puis comme rédactrice en chef. Elle a ensuite fait le saut du côté des quotidiens. Elle a ainsi été journaliste au Journal de Montréal et directrice adjointe à l’information du journal 24 Heures. Elle travaille à Conseiller depuis 2014. Elle y est entrée comme rédactrice en chef adjointe au web, puis est devenue directrice principale de contenu de la marque (web et papier) en 2017, poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.