Transfert d’un REER au décès à un enfant à charge : de la théorie à la pratique

28 avril 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Child lying on the floor in front of a piggy bank

La plupart des conseillers connaissent bien la règle du transfert libre d’impôt d’un REER ou FEER d’une personne décédée en faveur d’un enfant à charge. Cependant, force est de constater que sa mise en application est méconnue. Voici un bref résumé de la règle et un cas d’illustration dans la situation d’un enfant à charge du défunt.

UN RAPPEL DE LA RÈGLE :

Au décès du rentier d’un REER ou d’un FEER, les règles en matière d’impôt sur le revenu stipulent généralement que la valeur de ces régimes, soit la juste valeur des prestations, doit être incluse dans le calcul du revenu du contribuable décédé pour l’année de son décès[1].

Toutefois, toute somme versée d’un tel régime à un enfant ou petit-enfant qui était financièrement à charge du rentier sera considérée comme un « remboursement de primes »[2], ce qui fait en sorte que l’on peut demander une déduction compensatoire lorsque les montants sont transférés dans un REER ou dans un FEER ou servent à acquérir une rente admissible au bénéfice de cet enfant[3].

Une rente de mineur à durée déterminée, soit une rente certaine n’excédant pas la différence entre 18 et l’âge de l’enfant au moment de son acquisition, est une rente admissible.

Lorsque la somme est versée à la succession du rentier, un choix à l’égard de celle-ci peut être fait par le représentant légal de la succession pour réputer ce montant comme un remboursement de primes et afin que le défunt bénéficie de la déduction. Les formulaires fiscaux requis devront être produits[4].

CAS PRATIQUE :

M. Villeneuve, décédé le 15 octobre 2015 sans testament, a comme seule successible sa fille de 16 ans et 6 mois, et le patrimoine suivant, dont le principal actif est un FRV :

ACTIFS
Liquidités et biens meubles 3 500 $
FRV 17 850 $
Remboursement d’impôt estimé 4 500 $
Total actif : 21 350 $
Total dettes et passif : (incluant un impôt à payer estimé de 1 600 $ pour l’année 2015 sur un revenu estimé de 33 500 $) 2 350 $
Total net : 19 000 $

Cependant, si nous appliquons la technique de planification post-mortem du remboursement de primes, l’actif net du défunt est bonifié comme suit :

ACTIFS

Liquidités et biens meubles 3 500 $
FRV 17 850 $
Remboursement d’impôt estimé (avec rente admissible pour l’enfant mineur) 4 500 $
Total actif : 25 750 $
Total dettes et passif : (pas d’impôt à payer avec l’option de rente admissible) 750 $
Total net : 25 000 $
Économie estimée de 6 000 $ [5]

L’économie que procure l’option de la rente admissible est considérable dans cette situation, et ce, même si l’enfant est âgé de plus de 16 ans au moment de la souscription. La rente certaine pour l’enfant mineur serait d’un montant de 717,72 $ par mois, elle débuterait le 1er février 2016 et serait payable jusqu’au 1er janvier 2018. Cette illustration suppose que l’enfant n’aura pratiquement pas d’autres revenus imposables en plus du revenu annuel de 8 493 $ que lui procurera cette rente.

SOUSCRIPTION D’UNE RENTE ADMISSIBLE :

Peu de compagnies d’assurance offrent l’option de la rente certaine à un enfant mineur. Parmi les plus connues, citons Manuvie et Canada-Vie.

Pour une souscription, il faudra généralement fournir les documents suivants :

  • Proposition visant une rente de revenu;
  • Quotation de taux de rente;
  • Copie de pièces d’identité de la mère de l’enfant, liquidatrice de la succession;
  • Certificat de naissance de l’enfant mineur;
  • Certificat de décès;
  • Copies conformes des recherches testamentaires de la Chambre des notaires et du Barreau du Québec démontrant que le défunt n’avait pas de testament;
  • Pétition d’hérédité et nomination de liquidateur, désignant la liquidatrice de la succession et démontrant la seule héritière de la succession;
  • Formulaire fiscal T2030.

FORMULAIRES FISCAUX :

Les formulaires suivants devront être produits lors de la mise en application de la stratégie :

  • Le formulaire T-2030 au fédéral « Transfert direct selon le sous-alinéa 60l) (v) », lequel doit être signé par le représentant légal du rentier en quatre exemplaires et transmis à la compagnie de l’émetteur de la rente qui fera le nécessaire pour faire signer l’institution où était détenu le REER;
  • Le formulaire T-2019 au fédéral « REER d’un rentier décédé – Remboursement de primes ou désignation jointe sur la mort d’un participant au RPAC pour l’année », lequel doit être signé par le bénéficiaire de la rente et le représentant légal de la succession, et qui est à joindre à la déclaration de revenus de l’enfant pour l’année où la désignation a été payée à la succession (à noter qu’il peut être exigé par la compagnie d’assurance émettrice de la rente, et ce, pour envoyer les feuillets fiscaux);
  • Le formulaire TP-930 au provincial « Choix relatifs au REER d’un rentier décédé », qui sera joint à la déclaration d’impôt du défunt et à la déclaration de revenus de l’enfant pour l’année où la désignation a été payée à la succession.

APPLICATION PRATIQUE :

La rente devant être souscrite dans les 60 premiers jours de l’année 2016 afin que le défunt puisse bénéficier de la déduction, le problème en pratique est que le règlement de la succession doit pouvoir permettre d’en arriver à cette souscription dans les délais requis.

Dans le cas de M. Villeneuve, lequel résidait seul, la difficulté se trouvait dans la recherche et l’élaboration de son actif et de son passif, ainsi que dans la production de l’inventaire successoral, l’obtention des recherches testamentaires et des certificats de décès et de naissance de l’enfant, les calculs des impôts estimés, l’obtention d’une projection de rente, la nomination d’un liquidateur, les mesures concernant la pension alimentaire, la production des formulaires fiscaux requis, et ce, dans le respect des échéances compte tenu de la date de son décès et des règles légales de règlement de succession.

Il faut donc retenir que, bien que la stratégie soit intéressante d’un point de vue fiscal, sa mise en application oblige à bien des formalités ! Me Odile St-Hilaire, notaire fiscaliste, Lessard & St-Hilaire, société professionnelle inc. Michel Lessard, fiscaliste, assureur vie agréé et Pl. Fin., Lessard & St-Hilaire, société professionnelle inc.


[1] En vertu des paragraphes 146 (8) LIR et 929 LIQ, et 146.3 (6) LIR et 961.17.1 LIQ. [2] En vertu du paragraphe 146 (1) LIR et 908 LIQ. [3] En vertu du paragraphe 60 l) LIR et 339 f) LIQ. [4] Pour plus d’informations et de précisions, consultez le guide RC4177 « Décès du rentier d’un REER ou d’un participant d’un RPAC ». [5] Selon les taux d’imposition en vigueur en 2015.


• Ce texte est paru dans l’édition d’avril 2016 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.