Les principales formes juridiques d’entreprises disponibles pour un entrepreneur québécois

Par Me Lucie Boiteau | 18 mars 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Il existe au Québec plusieurs formes juridiques disponibles pour poursuivre les activités d’une entreprise, que celles-ci soient commerciales ou professionnelles. Nous nous concentrerons dans cette chronique sur les entreprises à but lucratif.

Ces formes juridiques peuvent être divisées en trois grandes catégories, à savoir :

1. L’entreprise individuelle

2. La personne morale (la société par actions)

3. La société de personnes

1) L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE

FORME Bien entendu, une personne peut exploiter son entreprise sous son nom personnel ou sous un nom d’emprunt sans recourir à d’autres formalités, sinon son obligation d’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec lorsqu’elle fait affaire sous un nom autre que le sien. L’entreprise individuelle exclut donc toute entreprise exploitée par plus d’une personne.

PERSONNALITÉ JURIDIQUE L’entreprise individuelle n’a pas de personnalité juridique distincte de son propriétaire exploitant. Ainsi, les revenus de l’entreprise individuelle et ses dépenses regroupent les revenus et dépenses de son exploitant propriétaire et les biens de l’entreprise sont confondus avec ceux de son propriétaire.

RESPONSABILITÉ VIS-À-VIS DES TIERS L’entreprise individuelle n’ayant pas de personnalité juridique distincte et ne bénéficiant pas d’un statut particulier, son propriétaire exploitant est responsable personnellement et automatiquement vis-à-vis des tiers de toutes les dettes et autres obligations et responsabilités de celle-ci.

2) LA PERSONNE MORALE (LA SOCIÉTÉ PAR ACTIONS)

La société par actions (ci-après également désignée la « S.P.A. ») est une personne morale qui sans contredit constitue la forme juridique d’exploitation d’une entreprise la plus répandue.

PERSONNALITÉ JURIDIQUE DISTINCTE D’abord, la S.P.A. a une personnalité juridique distincte de ses actionnaires, ce qui a comme conséquence, entre autres, de lui permettre d’avoir son propre patrimoine, c’est-à-dire d’être propriétaire de ses actifs, et ce, de manière distincte de ses actionnaires. La S.P.A. peut donc également acquérir ou vendre seule les biens dont elle est propriétaire. L’actionnaire n’est pas propriétaire des biens de la S.P.A. mais plutôt propriétaire d’actions émises par la S.P.A. moyennant une certaine contrepartie en argent ou en biens. Les actions de l’actionnaire ne lui confèrent, selon la catégorie d’actions qu’il détient, qu’un droit éventuel aux biens de la S.P.A. par l’entremise de dividendes, ou encore dans la distribution des biens de la S.P.A. suivant la dissolution et liquidation de celle-ci ou encore à la suite du rachat de ses actions.

La société par actions peut entreprendre des poursuites judiciaires devant les tribunaux et elle peut être poursuivie personnellement.

LA RESPONSABILITÉ VIS-À-VIS DES TIERS L’un des grands avantages de la S.P.A. réside dans sa personnalité juridique distincte : elle permet à ses actionnaires de bénéficier, notamment, de la responsabilité limitée de l’actionnaire, laquelle est limitée à sa mise de fonds. Ainsi, les actes posés par la société par actions n’engagent que sa responsabilité personnelle et non celle de ses actionnaires ou administrateurs, sauf exception. Les actionnaires ne sont pas responsables des dettes de la S.P.A. vis-à-vis des tiers, sauf s’ils ont consenti à engager leur responsabilité personnelle au moyen d’un cautionnement, par exemple. C’est pourquoi les institutions financières demandent souvent aux actionnaires, surtout de petites entreprises, de cautionner le remboursement des prêts et l’exécution des obligations contractées par la S.P.A.

L’ADMINISTRATION DE LA S.P.A. L’administration de la S.P.A. est confiée à un ou des administrateurs dont les droits et obligations seront régis par ses statuts (émis lors de sa constitution), ses règlements de régie interne adoptés suivant sa constitution, ainsi que par la loi constitutive de la société par actions, à savoir, au fédéral, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et, au Québec, la Loi sur les sociétés par actions.

D’AUTRES AVANTAGES DE LA S.P.A. La S.P.A. bénéficie également de deux types d’avantages fiscaux qui méritent d’être soulignés. Le premier a trait au taux d’imposition de la S.P.A., habituellement inférieur à celui que paient les personnes individuelles pour un même niveau de revenu. Il est à noter qu’il peut être inutile pour une personne de se constituer en société par actions si elle a besoin de tous les profits de son entreprise pour assurer ses dépenses personnelles et sa subsistance en général.

Le deuxième avantage fiscal principal a trait à ce qui est appelé le « gel successoral », qui permet à une personne de geler son avoir actuel dans la S.P.A. à un certain montant afin de faire bénéficier d’autres personnes, tels des membres de sa famille, de l’accroissement de la valeur future de l’entreprise. Dans un tel cas, bien que la valeur de sa participation dans la société soit gelée, cette personne peut par ailleurs conserver la direction de l’entreprise grâce à, par exemple, des actions lui conférant un droit de vote majoritaire mais non participantes aux profits ou actifs de la S.P.A.

IMMATRICULATION AU REQ La S.P.A. doit être immatriculée au Québec si elle y poursuit ses activités. Elle doit par ailleurs déposer une déclaration initiale et maintenir à jour les informations au registre annuellement, qu’elle soit constituée en vertu de la Loi sur les sociétés par actions du Québec ou en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, afin de préserver son immatriculation.

CONCLUSION Nous traiterons de la société de personnes dans le prochain numéro de ce magazine.

Nous espérons que ce premier survol vous aura permis de mieux comprendre les entreprises individuelles et les sociétés par actions et de faire les distinctions les plus importantes entre celles-ci.

DEUX QUESTIONS que le conseiller en sécurité financière devrait poser à son client :

1. Selon la forme juridique de l’entreprise, qui doit-on protéger avec un contrat d’assurances de personnes : la personne juridique ou la personne physique ?

2. Selon la personnalité juridique de l’entreprise, pouvons-nous protéger un assuré avec une assurance de personnes pour sa responsabilité civile ou professionnelle ?


Me Lucie Boiteau, Alepin Gauthier Avocats inc.

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation.


• Ce texte est paru dans l’édition de mars 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.

Me Lucie Boiteau