Les stratégies passives dominent dans les FNB

Par Rudy Luuko | 3 octobre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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L’industrie des fonds négociés en Bourse (FNB) s’est développée par l’entremise des fonds indiciels et, plus de trois décennies plus tard, les fonds qui cherchent à reproduire le rendement d’un indice dominent toujours, représentant plus des trois quarts des actifs au Canada. Pourtant, au fil du temps, la répartition des actifs par type de stratégie a évolué, tout comme la façon dont les conseillers utilisent les FNB.

Menées par le FNB iShares S&P/TSX 60 Index, d’une valeur de 11,2 milliards de dollars (G$), et le FNB BMO S&P 500 Index, d’une valeur de 9,4 G$, les stratégies indicielles axées sur les marchés élargis demeurent le type de FNB le plus populaire. Mais leur part de marché est tombée à 55 %, selon Valeurs mobilières TD. Cela s’explique par la prolifération d’approches novatrices telles que les stratégies de gestion indicielle fondées sur des règles, sur les thématiques, et la gestion entièrement active.

Si l’on inclut tous les types de stratégies indicielles TD, la part de marché totale des FNB indiciels s’élève à 77 %, selon l’analyse de Valeurs mobilières. Le style et la personnalisation des indices constituent 13 % du marché.

En outre, ce que Valeurs mobilières TD appelle « l’indexation discrétionnaire » représente 9 %. Bien que ces stratégies soient fondées sur un indice, elles ne sont pas entièrement passives. « Le gestionnaire dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire, surtout en ce qui concerne l’écart de suivi », rappelle Andres Rincon, Premier directeur et chef, Ventes et stratégie de FNB, Valeurs Mobilières TD.

En plus de ne pas être obligés de suivre exactement l’indice, les gestionnaires d’indices discrétionnaires peuvent eux-mêmes créer l’indice. Ou bien, selon M. Rincon, un fournisseur d’indices peut l’avoir créé pour le compte d’un émetteur. « Mais nous constatons généralement que dans la plupart de ces cas, le gestionnaire de portefeuille ou l’émetteur a beaucoup contribué à la construction de l’indice. »

Parmi les stratégies non indicielles, les « fondamentaux actifs » représentent 15 % du marché, avec 8 % supplémentaires dans les approches factorielles et quantitatives, selon Valeurs mobilières TD. « Le monde discrétionnaire va continuer à se développer », estime Andres Rincon, car un nombre croissant de sociétés de fonds communs de placement tirent parti de leurs capacités existantes en matière de gestion active en créant des catégories de parts de FNB. « Nous avons beaucoup de gestionnaires [qui exécutent] des stratégies actives qui n’ont pas de versions FNB. »

Parmi les fournisseurs les plus prolifiques de FNB à gestion active figure la société CI Gestion mondiale d’actifs, basée à Toronto. Sur ses quelque 120 inscriptions, environ 90 % sont des stratégies « non passives », rapporte Nirujan Kanagasingam, vice-président et responsable de la stratégie des FNB. La moitié des inscriptions de CI sont des mandats entièrement actifs dans lesquels les gestionnaires de portefeuille peuvent sélectionner et pondérer les titres.

« Nous nous sommes vraiment fait un nom en proposant des solutions non passives. Mais nous comprenons qu’il y a assurément un marché pour les FNB passifs traditionnels », assure Nirujan Kanagasingam, faisant référence à une série de FNB indiciels que CI a lancée en 2021.

« La façon dont nous voyons les choses consiste à fournir aux investisseurs un choix et de les laisser ensuite compléter les solutions bêta ou indicielles avec des produits gérés activement, qu'[ils] soient systématiques ou entièrement actifs. »

L’utilisation de FNB indiciels passifs ne signifie pas non plus nécessairement une passivité dans la façon dont ils sont déployés. « La grande majorité des utilisateurs de FNB utilisent davantage ces produits d’une manière que nous considérons comme étant active », déclare Tim Huver, responsable de la distribution chez Placements Vanguard Canada.

Les conseillers peuvent utiliser les FNB indiciels comme éléments constitutifs d’un portefeuille ou pour faire des appels tactiques, en profitant de leur transparence et de la prévisibilité de leurs sous-jacents. « Nous assistons à un mélange de stratégies passives et actives plus que par le passé, continue M. Huver. Ainsi, pour créer de meilleurs rendements ajustés au risque, pour aider à réduire le coût global d’un portefeuille, l’inclusion de FNB passifs est une bonne chose. »

Certaines classes d’actifs se prêtent mieux aux approches actives, affirme Nirujan Kanagasingam. « Moins un marché est efficient, plus il y a d’opportunités pour les gestionnaires actifs d’exploiter et de vraiment surperformer une stratégie basée sur un indice. »

Nirujan Kanagasingam évoque les titres à revenu fixe, car les stratégies passives pondérées en fonction de la capitalisation boursière accordent les plus grandes pondérations aux plus grands émetteurs de dette. « Intuitivement, cela n’a pas beaucoup de sens, puisque cela vous laisse avec une plus grande exposition aux emprunteurs ayant le plus grand montant de dette. » Ailleurs, les grands gestionnaires actifs comme CI ont un meilleur accès aux nouvelles offres dans des classes d’actifs moins liquides comme les actions privilégiées et les sociétés d’investissement immobilier.

Tim Huver minimise l’importance de la classe d’actifs comme facteur de choix de la gestion active par rapport à la gestion passive. Il estime que les gestionnaires de portefeuille compétents considèrent des facteurs tels qu’une perspective à long terme et le coût comme étant plus significatifs pour la gestion active.

Bien qu’elle soit surtout connue comme fournisseur d’indices passifs, la société américaine Vanguard est aussi l’un des plus grands gestionnaires actifs au monde, soutient M. Huver, et elle emploie des stratégies fondées sur des facteurs et des stratégies entièrement discrétionnaires.

Au Canada et ailleurs, Vanguard a choisi d’offrir des stratégies actives traditionnelles sous forme de fonds communs de placement plutôt que de FNB. L’une des raisons est de pouvoir mieux gérer les contraintes de capacité : il est beaucoup plus facile d’imposer un plafond de ventes à un fonds commun qu’à un FNB.

Une autre considération clé est l’obligation de divulguer quotidiennement les avoirs aux teneurs de marchés des FNB. « En fin de compte, nous examinons les meilleurs intérêts des investisseurs, affirme M. Huver. Est-ce que cela fournit un niveau de transparence avec lequel nous sommes à l’aise ? Vous voulez aussi éviter le front-running (exploitation, par un négociateur, d’information qui n’est pas encore publique) et le piggybacking (lorsqu’un courtier effectue une transaction pour son propre compte après avoir rempli un ordre similaire pour le compte d’un client) sur la stratégie. »

Bien que Vanguard ne soit pas seul à considérer ces situations, la plupart des gestionnaires actifs ne partagent pas sa réticence à proposer des FNB entièrement actifs. « La divulgation continue aux teneurs de marchés n’a pas été un obstacle à la croissance active au Canada », dit Nirujan Kanagasingam. Il fait remarquer que, comme pour les fonds communs de placement, la divulgation publique des avoirs des FNB n’est requise que trimestriellement.

Andres Rincon souligne qu’un « très petit sous-ensemble » de gestionnaires ne veut tout simplement pas divulguer leurs avoirs quotidiennement, même si les teneurs de marchés comme sa société ont mis en place des processus pour assurer la confidentialité. « En général, cela n’a jamais été un problème dans la rue ».