Planifier sa retraite dans un contexte d’inflation

Par Rudy Mezzetta | 23 juin 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Après des décennies d’inflation faible et stable, l’augmentation actuelle du coût de la vie oblige les conseillers et les clients à reconsidérer leurs hypothèses de planification de retraite. Les retraités, ainsi que ceux qui approchent de la retraite, craignent que l’inflation n’érode la valeur de leur épargne et cherchent des moyens de protéger leur pécule.

« J’ai reçu plus de questions de clients sur l’inflation au cours des derniers mois que dans toute ma carrière, rapporte Jason Heath, directeur général chez Objective Financial Partners, en Ontario, qui a commencé à travailler comme planificateur de retraite en 2002. C’est un sujet vraiment brûlant ».

« Nous planifions généralement un taux moyen d'[inflation] à long terme d’environ 2 % par an, alors l’environnement inflationniste actuel est un peu un choc [pour les clients] », commente de son côté Mark Chan, vice-président de la planification du patrimoine chez Gluskin Sheff, à Toronto.

Les retraités qui ont accès à des régimes à prestations déterminées offrant une indexation totale ou partielle à l’inflation sont mieux placés pour relever le défi de suivre la hausse des coûts, analyse Jason Heath. Toutefois, la « grande majorité » des pensions du secteur privé n’est pas indexée.

« Si vous avez une période d’inflation élevée pendant quelques années, les personnes dont les pensions ne sont pas indexées peuvent perdre deux, trois ou quatre ans de pouvoir d’achat », prévient l’expert.

Ceux qui n’ont pas accès à un flux de revenu protégé contre l’inflation peuvent envisager de reporter le début de leurs prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) ou de la Sécurité de la vieillesse (SV).

Les prestations du RPC augmentent de 0,7 % pour chaque mois où elles sont reportées après l’âge de 65 ans, jusqu’à une augmentation maximale de 42 % si elles sont reportées jusqu’à l’âge de 70 ans. Les prestations de la SV, pour leur part, augmentent de 0,6 % après l’âge de 65 ans, jusqu’à une augmentation maximale de 36 % si elles sont reportées jusqu’à 70 ans. Le RPC et la SV sont tous deux indexés – annuellement dans le cas des paiements du RPC et trimestriellement pour la SV.

Pour les retraités qui craignent que l’inflation persiste, reporter le versement du RPC et de la SV pourrait être une décision favorable. « Les [prestations] de retraite seront d’autant plus importantes et seront entièrement protégées contre l’inflation pendant toute la durée de leur retraite », rappelle Jason Heath.

Les clients qui approchent de la retraite peuvent également être confrontés à des pertes d’investissement dues à la récente volatilité des marchés. Cela pourrait remettre en question leurs plans de retraite, en particulier s’ils reçoivent une partie de leur rémunération sous forme d’actions.

« La dévaluation du cours de l’action d’une société peut avoir des répercussions importantes sur la planification de la retraite de nos clients, souligne Mark Chan. Dans certains cas, cela pourrait [signifier que les clients] doivent retarder un peu plus leur retraite pour compenser cette perte potentielle. »

Néanmoins, les retraités auraient intérêt à rester investis dans « un portefeuille bien diversifié qui offre une combinaison de revenus et de croissance pour compenser l’inflation, affirme Ron Hanson, vice-président principal et responsable de la retraite chez Placements Mackenzie à Winnipeg. La retraite [peut durer] de 20 à 25 ans, donc même avec une inflation de 2 %, après 20 ans, votre dollar vaut un tiers de moins. »

En restant dans le cadre plus large d’une répartition stratégique de l’actif, les retraités devraient envisager certains « changements tactiques » au portefeuille sous-jacent qui leur permettraient de profiter de taux d’intérêt plus élevés tout en offrant un certain degré de protection contre l’inflation, recommande Ron Hanson.

En ce qui concerne les titres à revenu fixe, les retraités pourraient envisager d’orienter leur portefeuille vers des titres de plus courte durée, tels que les titres de créance à taux variable, les obligations à rendement réel et les obligations de qualité ou à haut rendement, par rapport à la dette souveraine, suggère Ron Hanson.

Selon Jason Heath, certains clients retraités, peu enclins au risque et échaudés par le repli du marché obligataire survenu au cours du premier semestre, pourraient envisager de détenir une partie de leur portefeuille à revenu fixe en épargne garantie. Bien que les taux des CPG demeurent bien en deçà des niveaux d’inflation, ils ont grimpé au fur et à mesure que la Banque du Canada a augmenté ses taux, et « l’inflation ne restera probablement pas à 7 % au cours des cinq prochaines années », dit Jason Heath.

« Pourrions-nous avoir une inflation élevée au cours de la prochaine année ou des deux prochaines années ? Bien sûr, affirme Jason Heath. Mais je pense que, d’ici peu, vous verrez certains des rendements des CPG et des obligations devenir plus attrayants pour la première fois depuis très longtemps pour les investisseurs. »

En ce qui concerne les actions, les retraités pourraient envisager de détenir davantage de valeurs de rendement, d’actions de croissance des dividendes, de matières premières, d’immobilier et d’autres investissements dans des actifs réels, et d’éviter les actions de croissance qui ont tendance à afficher de mauvaises performances en période d’inflation, ajoute Ron Hanson.

« Vous payez pour des bénéfices très éloignés dans le futur, spécifie-t-il. Lorsque les taux augmentent, vous actualisez ces bénéfices futurs à un taux beaucoup plus élevé, ce qui fait baisser les valeurs actuelles. »

Bien sûr, un moyen relativement simple pour les clients de gérer l’inflation et la hausse des taux d’intérêt est de revoir les dépenses mensuelles et annuelles, en particulier dans les domaines qui sont plus sensibles à l’inflation, comme les voyages ou le carburant, déclare Mark Chan. « Peut-être qu’un certain ajustement de votre budget est nécessaire ».

Si les clients ont des économies supplémentaires, ils devraient envisager de rembourser leurs dettes, en particulier celles à taux variable, suggère Mark Chan. « C’est un rendement garanti que vous obtenez en renonçant à ce coût d’intérêt supplémentaire. »

Selon Ron Hanson, les clients devront également revoir avec leur conseiller la planification globale de leur retraite, notamment la gestion de l’ordre des retraits d’actifs de manière fiscalement avantageuse. Si certaines stratégies n’offrent pas directement une protection contre l’inflation, elles aident néanmoins les clients à maximiser leurs revenus ou à atténuer leurs dépenses, ce qui leur permettra de garder une longueur d’avance sur l’augmentation du coût de la vie.

« Il existe toutes sortes de leviers que les investisseurs peuvent actionner dans n’importe quel environnement, conclut Ron Hanson. Mais ils deviennent particulièrement utiles dans un environnement inflationniste ».