Des banques canadiennes sur la sellette

Par La rédaction | 12 novembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Mensonges
Photo : Ion Chiosea / 123RF

Une caméra cachée, installée par la CBC, a filmé des employés de grandes institutions bancaires canadiennes usant de procédés douteux pour vendre des produits d’assurance de carte de crédit souvent inutiles.

Ce produit coûteux, appelé assurance solde de carte de crédit ou assurance de protection du solde, est conçu pour faciliter les paiements par carte de crédit en cas de perte d’emploi ou de maladie.

De nombreux experts affirment que ce type d’assurance entraîne des frais élevés, lesquels prennent la forme d’un pourcentage du solde restant de la carte, en plus de s’accompagner de nombreuses exclusions rendant difficiles les réclamations.

« C’est cher, ça ne couvre pas beaucoup de situations, et ça rapporte très peu la plupart du temps », affirme John Lawford, avocat spécialiste des droits des consommateurs et directeur exécutif du Centre pour la défense de l’intérêt public (PIAC).

Afin de déterminer comment les employés des grandes institutions financières présentent et vendent ce produit lorsqu’un client accepte une nouvelle carte de crédit, la série télévisée Marketplace a envoyé un journaliste acquérir une nouvelle carte de crédit avec une caméra cachée sur lui.

Ces vidéos, prises à l’insu des employés, montrent que ceux-ci utilisent des tactiques douteuses ou des informations confuses, voire inexactes pour vendre cette assurance, dans presque toutes les institutions. Ainsi, la Banque Royale est la seule à ne pas avoir proposé le produit au journaliste.

LES PRATIQUES DES EMPLOYÉS

À la CIBC, l’employée a ajouté l’assurance à la carte de crédit sans même d’abord obtenir le consentement du client.

« Tu peux la supprimer quand tu veux. C’est facile. Il suffit de prendre le téléphone et d’appeler. C’est tout », a-t-elle affirmé.

La banque CIBC a cependant envoyé une déclaration à la chaîne CBC affirmant que cette interaction ne reflétait en aucun cas leurs pratiques et ce qu’ils attendaient de la part de leurs employés.

L’employé de la Banque Scotia a fourni des informations incorrectes sur le produit, affirmant que la banque rembourserait tout le solde de la carte de crédit du client si celui-ci perdait son emploi. En réalité, l’assurance de protection du solde de la Banque Scotia ne paie que 10 % du solde impayé, jusqu’à concurrence de 5 000 $, et non l’intégralité du solde.

À la BMO, l’employée avait du mal à expliquer en quoi consistait le produit exactement. « C’est une assurance… un équilibre », a affirmé l’employé au journaliste de la CBC avant de prendre une brochure sur le produit et de la lire à voix haute.

CONFIDENCES D’UN EMPLOYÉ

« Nous induisons le client en erreur, a déclaré un employé du service à la clientèle d’une des grandes banques à la CBC. La protection de l’équilibre est une arnaque. C’est juste quelque chose servant à prendre l’argent des clients. »

Il a affirmé que ses collègues et lui-même subissent des pressions pour atteindre leurs objectifs de vente et qu’ils doivent faire en sorte que chaque client qui adhère à une carte de crédit prenne également l’assurance solde.

Il a également confié que ses collègues et lui inscrivent parfois les clients à de tels produits sans les prévenir. D’autres fois, ils omettent de dire au client que cette assurance est facultative.

Cette affirmation a été confirmée par un certain nombre de clients qui ont déclaré à la CBC avoir contracté ce type d’assurance à leur insu ou parce qu’on leur avait présenté le produit d’une manière erronée.

VERS UNE INTERDICTION DE CES PRATIQUES?

L’année dernière, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a procédé à un examen des pratiques de vente dans les grandes banques après que 3 000 employés de ces institutions eurent écrit à Radio-Canada à propos de la pression qu’on leur infligeait pour vendre ce type de produits. Bien que l’ACFC ait trouvé des preuves de tactiques de vente trompeuses, aucune des institutions financières canadiennes n’a été condamnée à une amende.

Après avoir vu les conclusions de l’enquête réalisée par la CBC, l’avocat John Lawford a dit espérer que les institutions financières canadiennes suivent l’exemple de la Bank of America et la Commonwealth Bank australienne, qui ont cessé de vendre cette assurance.

Les régulateurs américains, britanniques et australiens ont ainsi infligé des amendes aux banques qui induisaient les consommateurs en erreur ou pour des pratiques similaires à celles dénoncées par la CBC.

Depuis l’enquête menée par Marketplace, la Banque Scotia a mis à jour son assurance solde : elle verse désormais 20 % du solde restant, soit une augmentation de 50 000 $, au client adhérant s’il perd son emploi. Si cela représente certes une amélioration, ça ne règle toujours pas le problème.

La rédaction