L’assurance vie s’intéresse aussi aux facteurs ESG

Par La rédaction | 13 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture
Homme d'affaires dans un champ de blé.
Photo : gajus / 123RF

Des inondations à Gatineau et à Montréal, des tornades à Ottawa, des maisons détruites par les feux de forêt en Colombie-Britannique : il semble naturel que l’assurance de dommages s’intéresse de très près aux changements climatiques et investisse dans des actifs intégrant des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ce qui semble moins évident est pourquoi les assureurs vie se tournent aussi vers ce type d’investissement.

Une très grande majorité des assureurs vie mondiaux (84 %) affirment qu’une politique d’investissement socialement responsable (ISR) est très ou extrêmement importante pour leur entreprise, et 68 % ont déjà adopté une telle politique, selon le rapport mondial sur l’assurance 2018 de BlackRock.

LE RISQUE CLIMATIQUE LES AFFECTE

Même si cela ne semble pas évident au premier abord, le risque climatique affecte également les assureurs vie pour plusieurs raisons.

La première, c’est que les catastrophes naturelles peuvent avoir une incidence sur la santé mentale des assurés. Ainsi, trois ans après les inondations de 2014 à Burlington, en Ontario, qui ont touché 3 500 foyers, environ la moitié des sinistrés disent avoir encore peur lorsqu’il pleut, selon une étude de Manuvie réalisée en 2018 et reprise par Advisor’s Edge.

Si les changements climatiques continuent à provoquer autant de dégâts, on pourrait s’attendre à une légère hausse des demandes de remboursement pour les frais de santé mentale.

De plus, les changements climatiques modifient la faune et la flore sur la Terre, ce qui pourrait également toucher les assureurs vie.

« Si la température augmente de plus de deux degrés, cela donnera lieu à un potentiel de développement des maladies en dehors de leur concentration géographique historique, a déclaré Randy Brown, directeur des investissements à la Sun Life. À mesure que la température change, les maladies transmises par les moustiques peuvent se propager dans des zones où l’immunité n’est pas renforcée. Nous pourrions voir plus de pandémies. »

UN EFFET SUR LEUR ACTIF

Les changements climatiques pourraient également avoir un effet sur les portefeuilles. Un assureur peut ainsi détenir des actifs immobiliers ou d’infrastructures qui seraient vulnérables aux conditions météorologiques extrêmes. Et même s’ils ne subissent pas les effets physiques du passage d’un ouragan, les investisseurs pourraient souffrir indirectement d’une telle catastrophe.

Ainsi, Randy Brown se rappelle une étude d’Amtrak qui montrait que la montée des eaux dans des villes côtières comme New York et Miami pouvait perturber la libre circulation des marchandises et ainsi nuire à l’économie au sens large.

« La compréhension de l’obligation fiduciaire ne doit pas uniquement reposer sur des bénéfices à court terme. Les assureurs doivent également prendre en compte certaines de ces considérations à plus long terme », estime Laura Zizzo, directrice générale de la société de conseil Mantle sur les risques liés au climat.

PAS QUE L’ENVIRONNEMENT

Évidemment, les changements climatiques ne sont pas les seuls aspects de l’investissement socialement responsable à prendre en compte, les facteurs sociaux et de gouvernance sont également importants pour les assureurs vie. Ainsi, 83 % d’entre eux considèrent que l’éthique des affaires est très ou extrêmement importante, selon l’étude de BlackRock.

« Il s’agit de créer un environnement durable pour que ces entreprises puissent prospérer. Il vous faut deux lentilles différentes. Dans une optique économique, nous dirions qu’investir dans des entreprises ayant des pratiques ESG solides conduit à de meilleurs résultats économiques à long terme. Ensuite, il y a le prisme moral sur la question. Si nous, détenteurs de vastes réserves de capital, pouvons utiliser ce capital de manière plus avantageuse pour la société, tout le monde y gagne », affirme Randy Brown.

En s’intéressant à ces risques, les assureurs vie contribuent à les diminuer et cela rend leurs investissements moins risqués.

COMMENT S’Y PRENDRE

Il existe plusieurs façons d’investir en suivant une politique d’investissement socialement responsable. Pour sa part, Sun Life évalue le profil ESG d’une entreprise au même titre que ses finances, ses modèles de croissance et son équipe de direction. L’assureur n’utilise pas de filtrage d’exclusion, selon lequel il choisirait par principe de ne pas utiliser tous les actifs d’un secteur donné.

« Le criblage reste une approche importante pour les investisseurs éthiques ou axés sur les valeurs, mais c’est une approche parmi beaucoup d’autres », déclare Dustyn Lanz, président-directeur général de la Responsible Investment Association.

SSQ Assurance, active à la fois dans les marchés de l’assurance de dommages et de l’assurance de personnes, suit les entreprises dans lesquelles elle a investi par le biais d’une plateforme ESG externe.

« Ont-ils eu des ennuis? Si oui, gèrent-ils la situation? Ont-ils une politique de développement durable? ». Ce sont les questions que se pose l’analyste en investissements Carl Morin.

Si les réponses sont affirmatives, cela mènera à une enquête approfondie, mais comme la Sun Life, la SSQ ne retirera pas automatiquement ses fonds si elle n’est pas d’accord avec les actions d’une entreprise.

« Nous comprenons que dans certains secteurs, il peut être difficile d’être parfaits à 100 %, mais s’ils prennent les choses en main, s’ils ont des politiques en place, nous les surveillerons. Cela ne signifie pas nécessairement que nous liquiderons notre position », a déclaré Carl Morin.

Quel que soit le chemin envisagé par les assureurs, ceux-ci pourraient imaginer que respecter les facteurs ESG limite leurs choix d’investissement. C’est d’ailleurs ce que 37 % des assureurs mondiaux pensent dans l’étude de BlackRock.

Laura Zizzo estime qu’une telle peur est sans fondement.

« Si vous parlez d’un désinvestissement complet dans trois ans, vous pourriez envisager certains risques à court terme associés à cela. Mais si vous avez une approche plus pragmatique, intégrée de manière significative, nous espérons pouvoir atténuer ce risque à court et à long terme. Cela dépend de la façon dont vous déplacez votre portefeuille. … Vous devez être intelligent dans vos décisions d’investissement », affirme-t-elle.

La rédaction