Réviser ses plans et préparer sa relève

Par Alizée Calza | 9 septembre 2019 | Dernière mise à jour le 22 août 2023
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Petite et grande botte de cowboy.
Photo : W.Scott McGill / 123RF

Dans cette série vidéo, des conseillers de différents horizons expliquent comment ils envisagent la relève et font en sorte que celle-ci s’opère sans accroc. Aujourd’hui : Nathalie Chalifoux, planificatrice financière et directrice de division à IG Gestion de patrimoine.

Lorsqu’elle a commencé sa carrière, Nathalie Chalifoux travaillait avec un conseiller de 86 ans. Impressionnée par son énergie et son dévouement, elle comptait suivre son exemple. Vingt-six ans plus tard, avec la technologie qui ne cesse d’évoluer et les exigences réglementaires toujours plus complexes, la planificatrice financière a révisé ses plans d’avenir et décidé qu’il était temps de penser à une relève.

Conseiller : Qu’est-ce qui vous a décidée à rechercher une relève?

Nathalie Chalifoux : Auparavant, on n’avait pas d’ordinateur et le client ne recevait que deux relevés par année. On se rendait à Repentigny pour ouvrir un compte, on bâtissait un portefeuille avec un bon alpha et un bon bêta, on mangeait une tarte au sucre avec le client et le tour était joué. Tout ça nous prenait quatre heures.

Aujourd’hui, c’est autre chose. Les robots-conseillers bâtissent désormais de bons portefeuilles. L’alpha et le bêta sont encore là, mais on doit offrir davantage de plus-value pour se démarquer. Le client doit savoir qu’il sera gagnant s’il fait affaire avec un conseiller plutôt qu’avec un robot. L’aspect conseil, le suivi, la profondeur, c’est ce qui fait toute la différence.

Avec tous ces changements, j’ai commencé à mettre en doute mon objectif de travailler jusqu’à 86 ans. J’ai beaucoup de respect pour les clients qui m’ont confié leur avenir; je me dois d’être à la hauteur de leurs attentes. C’est un peu ça qui m’incite à penser à une relève.

C : Selon vous, vers quoi se dirige l’avenir des conseillers?

NC : L’industrie est en pleine mutation. La technologie se développe rapidement, les marges de profits et les bénéfices sont minces. Je pense que la valeur des blocs d’affaires sera revue. Si la conformité de ces blocs n’est pas adéquate et si la planification financière n’est pas présente, leur prix pourrait être beaucoup plus bas.

Pour survivre, il faudra gérer son entreprise comme une PME. Dans mon équipe, il y a une planificatrice financière, un adjoint technologique et une conseillère associée qui s’occupe du service à la clientèle.

C : Qu’est-ce qu’un adjoint technologique?

NC : L’adjoint technologique, je l’appelle comme ça parce que l’adjointe d’avant, celle qui répondait au téléphone et classait des papiers, n’existe plus. On est à l’ère des comptes en ligne et des signatures électroniques. On est vraiment dans un autre univers.

Pour vous donner une idée, j’avais un rendez-vous la semaine dernière avec un couple de clients âgés de 60 ans. Je leur ai envoyé un lien par courriel. La caméra s’est ouverte, j’ai partagé mon écran avec eux et le plan financier s’affichait sur leur ordinateur, dans leur cuisine. Moi, j’étais à Dorval et 50 minutes plus tard, j’avais élaboré une planification avancée avec ces clients.

Pour offrir ce service, il faut une équipe où certains membres excellent en nouvelles technologies. Moi, même si je m’y connais, je me sens déjà un peu dépassée.

C : Comment définissez-vous la relève?

NC : La relève, pour moi, c’est quelqu’un qui a un esprit entrepreneurial et qui tombe en amour avec ma PME. C’est un peu comme un mariage : on peut être différents, on peut se compléter, mais les fondations doivent être solides.

J’ai aussi des valeurs assez fortes – l’authenticité, intégrité, indépendance, la facilité au plaisir et à la joie et la soif d’apprendre – qui, selon moi, devraient être respectées dans cette association parce que je pense que c’est ce que les clients ont acheté.

C : Comment allez-vous faire pour trouver cette relève?

NC : J’ai décidé d’avoir un squelette solide de ma PME. Je veux notamment avoir déjà une belle équipe. Je pense que plusieurs conseillers dans l’industrie ont toujours fonctionné de façon très indépendante et ont géré leurs affaires seuls. Mais avec l’évolution de l’industrie, ce ne sera bientôt plus possible… Je veux offrir l’occasion à ces gens de joindre une équipe déjà en place et très fonctionnelle. Cette équipe qui m’aide à faire face aux exigences élevées de l’industrie et à offrir la plus-value promise est composée :

  • d’un adjoint chevronné responsable de l’administration, comme répondre rapidement aux appels entrants (ce qui est devenu un luxe aujourd’hui), suivre les normes de conformité, assurer le côté transactionnel, etc.;
  • des associées en planification financière qui font le montage de plans financier et leur suivi annuel;
  • une personne qui m’aide dans le développement.

En résumé, j’ai divisé le travail et j’ai embauché des personnes pour que tout soit bien fait. Il me manque quelqu’un qui pourrait s’occuper seulement du développement et qui aurait des qualités entrepreneuriales pour une relève future.

[Mon entreprise se porte bien], mais elle pourrait croître encore plus. Et si on ignore le volet développement d’affaires, on ne survivra pas. J’ai d’ailleurs mis le développement et le marketing en place pour cela, mais je n’ai pas assez d’énergie pour pouvoir passer concrètement à l’action. Une relève pourrait m’aider à poursuivre cette croissance.

Plusieurs possibilités s’offrent à moi. La relève pourrait être un conseiller associé qui s’occuperait du service à la clientèle ou du développement.

Elle pourrait aussi être un planificateur financier qui serait à la tête de ma PME. Il y a plusieurs possibilités et je mets toujours ça sur la table quand je rencontre des candidats potentiels. Un jour, je rencontrerai la personne avec laquelle il y aura une fusion me permettant de bâtir cette relève.

C : Où trouvez-vous les candidats potentiels?

NC : C’est souvent grâce à des recommandations ou simplement lors de formations où on se retrouve tous ensemble. Les réseaux sociaux nous font aussi connaître d’autres personnes qui pourraient être intéressées. Sinon, le siège social d’IG Gestion de patrimoine peut aider. Il y a plein de possibilités, mais ces personnes sont des perles rares, elles sont difficiles à trouver.

C : Pourquoi avoir décidé de bâtir une équipe pour votre relève?

NC : Je pense qu’on ne peut plus faire ce travail tout seul. Ce n’est pas vrai qu’en solo, on peut livrer la qualité et réussir à être conforme, je n’y crois pas. Mes clients ont confiance en moi, donc si je veux partir la tête tranquille, il faut que je forme une équipe. Je sais que je me casse plus la tête, mais je trouve cela important.

Je dis souvent à mes clients que la retraite n’est pas juste une question financière, qu’il faut aussi être bien psychologiquement. C’est la même chose pour les conseillers. Comme il s’agit de relations qui durent depuis des décennies, je veux pouvoir quitter en paix en me disant que la qualité sera encore là.

C : Comptez-vous sur la valeur de votre bloc d’affaires pour financer votre retraite?

NC : Je considère la vente de mon bloc comme une sorte de boni dans la planification de ma retraite. Je ne dis pas que ça ne vaut rien, mais je pense que cette valeur va évoluer de façon importante dans les années à venir. Mon conjoint et moi avons organisé nos finances pour que, peu importe ce qui arrive de ce côté-là, notre plan ne soit pas ébranlé.

C : Comment se déroulerait une relève parfaite, pour vous?

NC : Ce que je souhaite, c’est céder ma place au moment où je sentirai que je ne suis plus à la hauteur de la plus-value que je désire offrir et que mon client mérite. J’aimerais avoir bâti ma retraite d’ici les dix prochaines années, car ça peut prendre du temps à mettre en place.

La nouvelle personne et moi devons apprendre à nous connaître, nous apprivoiser, travailler ensemble pour que la clientèle accepte la relève. Une fois que j’aurai trouvé le candidat idéal, je pourrai quitter l’esprit tranquille, mais peut-être pas non plus. Peut-être que je resterai à titre de relationniste ou pour faire du développement. Je n’ai pas de plan précis, ça va dépendre de la fusion et si la santé me permet de me rendre jusque-là.

Alizée Calza Alizee Calza

Alizée Calza

Alizée Calza est rédactrice en chef adjointe pour Conseiller.ca et pour Finance et Investissement.