Recours hypothécaires

Par Alepin Gauthier Avocats inc. | 28 novembre 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La majorité des gens procédant à des acquisitions immobilières n’a pas les liquidités nécessaires pour procéder à leur achat en payant la totalité du prix de vente avec leurs économies, ou ne souhaite tout simplement pas procéder ainsi. Ils doivent donc se tourner vers les prêts. Mais attention aux conséquences en cas de défaut de paiement…

De nombreux acheteurs obtiennent des prêts auprès de banques, d’autres institutions financières ou même de prêteurs privés pour conclure la transaction. Quel que soit le prêteur, ce dernier requiert généralement une garantie de remboursement de la dette.

La plupart des gens connaissent le fonctionnement des prêts hypothécaires. Des paiements mensuels, hebdomadaires ou bimensuels sont effectués sur plusieurs années jusqu’à ce que le prêt soit finalement remboursé et que l’hypothèque puisse être radiée du registre foncier.

Jusqu’à ce que le prêt soit remboursé, le prêteur conserve sa garantie hypothécaire, laquelle octroie au prêteur des droits puissants.

UN RETARD DE PAIEMENT ?

Advenant que votre client prenne du retard sur ses paiements, le prêteur hypothécaire n’est pas autorisé à saisir immédiatement votre bien immeuble. En effet, certaines procédures doivent être respectées.

Lorsque les paiements cessent, le prêteur peut faire parvenir une lettre de mise en demeure. Il est également tenu de publier un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. Ce dernier informe le propriétaire-emprunteur de son défaut ainsi que du montant total encore dû sur le prêt.

Également connu sous le nom de « préavis de 60 jours », qui fait référence au fait qu’aucune poursuite ne peut être intentée pendant les 60 premiers jours suivant sa publication, ce préavis doit d’abord être signifié par un huissier de justice au propriétaire-emprunteur et à toute autre personne intéressée, puis publié au registre foncier à l’encontre de l’immeuble.

Pendant cette période de 60 jours, le propriétaire a le droit de remédier à son défaut en procédant au paiement de ce qui est dû, de même qu’en payant les intérêts et les frais de justice.

Le prêteur a essentiellement deux choix lorsqu’il envoie le préavis de 60 jours. Premièrement, il peut décider de procéder par voie de vente sous contrôle de justice. (Une variante, moins courante, est la vente par le prêteur lui-même.) Si le prêteur décide de procéder par vente et que le défaut n’est pas corrigé durant la période de 60 jours, il pourra entamer les démarches pour qu’un jugement en sa faveur contre le débiteur lui soit octroyé et pour vendre l’immeuble hypothéqué.

Le produit de la vente sera ensuite utilisé pour payer, par ordre de priorité, tous les créanciers ayant des créances enregistrées sur l’immeuble, de même que pour assumer le paiement de tout courtier immobilier mandaté pour vendre l’immeuble, des frais de justice et des frais d’huissier. Si, après la vente de l’immeuble et la distribution du produit, il reste de l’argent, celui-ci sera retourné à l’emprunteur. À l’inverse, si le prêteur n’a pas été payé en totalité, il conserve une réclamation contre son emprunteur pour le déficit, mais il s’agira alors simplement d’une créance personnelle et non plus d’une créance garantie.

L’emprunteur a également la possibilité, s’il le souhaite, de procéder au moyen d’une prise en paiement. Dans un tel cas, il peut déclarer qu’il a l’intention de devenir propriétaire du bien immeuble. S’il c’est le cas, cela tiendra lieu de paiement du prêt et le prêt lui-même sera effacé à compter du jour du jugement. Cette option peut être particulièrement intéressante lorsque le solde à payer est d’un montant beaucoup plus faible que le montant de la valeur du bien immeuble. Ce droit n’est cependant pas absolu. Premièrement, si au moins 50 % de la dette a déjà été remboursée, le prêteur aura besoin de l’autorisation du tribunal pour procéder à la prise en paiement. Deuxièmement, l’emprunteur, ou d’autres créanciers hypothécaires peuvent forcer le prêteur à passer d’un recours en prise en paiement à un recours en vente, à condition qu’ils respectent certaines formalités.

Une fois les 60 jours écoulés, afin de réellement obtenir la propriété du bien immeuble, il est nécessaire d’intenter une action en justice pour délaissement forcé de l’immeuble aux fins de la vente ou de la prise en paiement. Une telle procédure doit être signifiée à l’emprunteur. Ce dernier pourrait cependant retenir les services d’un avocat et contester la procédure. Si une défense est faite par l’emprunteur et qu’elle n’est pas rejetée pour le motif qu’elle est manifestement infondée ou qu’il s’agit d’une défense inadmissible, alors un procès pourra être tenu et un jugement sera rendu. Si l’emprunteur ne conteste pas, un jugement peut être obtenu par défaut.

Il est important de noter que, même une fois la procédure intentée, l’emprunteur peut toujours empêcher que l’immeuble ne lui soit pris en payant ce qui est dû, y compris tous les nouveaux versements qui sont devenus exigibles, ainsi que les frais de justice, lesquels comprennent les frais d’huissier pour la signification de la procédure ainsi que les frais payés au tribunal pour ouvrir le dossier à la Cour, en plus des intérêts et des autres coûts qui peuvent avoir été engagés par le prêteur.

L’emprunteur doit respecter certains délais afin d’éviter de perdre le bien. Dans le cas de la prise en paiement, le délai sera l’émission du jugement prononçant la prise en paiement. Le jugement devient le titre de propriété du prêteur. Après le jugement, à moins qu’un appel ou une demande en rétractation du jugement ne soit entrepris, il est trop tard pour l’emprunteur pour payer ce qui est dû.

Dans les cas de vente, le dernier moment où l’emprunteur pourra payer est avant qu’un acte de vente ne soit signé avec un acheteur par l’huissier ou le prêteur.

Au Québec, le système est conçu pour donner à l’emprunteur une large possibilité de payer ce qui est dû afin d’éviter qu’il ne perde la propriété d’un bien immobilier. Le fait que l’emprunteur soit en défaut et ait pris du retard sur ses paiements, ou encore qu’il n’ait pas remboursé le prêt à la date de remboursement prévue signifie que l’emprunteur encourra des coûts supplémentaires, notamment en frais de justice et en frais d’huissier, et, éventuellement, devra payer des intérêts supplémentaires, mais si l’emprunteur parvient à trouver l’argent avant la date limite, celui-ci peut conserver l’immeuble.

Il est également important de noter qu’un emprunteur ne peut pas, malgré toute entente à l’effet contraire, être obligé de payer les honoraires de l’avocat du prêteur ni même d’autres coûts qui ne sont pas liés à la préservation du bien immeuble. Par contre ces montants peuvent éventuellement faire l’objet d’une action en justice distincte contre l’emprunteur strictement dans le but de les récupérer.

Si vous avez des questions concernant votre prêt hypothécaire ou ce que votre prêteur peut ou ne peut faire, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat ou un notaire.

Me Franco Tamburro

 

Avec la collaboration de Me Amélie Bourget

 

Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cette chronique contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.