The Godfather

Par Michel Mailloux, du Collège des professions financières | 21 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Main qui dépose un dollar dans une boîte dont l'ouverture est en forme de croix.
Photo : adragan8 / 123RF

La religion doit-elle influencer la planification financière et, plus généralement, votre offre de service? Si votre client est catholique ou musulman, devez-vous modifier votre approche, votre offre de services ou encore les produits offerts? Dans notre société où la religion est un sujet sensible, il se peut que la réponse de plusieurs représentants soit non.

Pourtant, nous sommes tous influencés par un certain nombre de règles. Il n’est pas si loin le temps des caisses populaires d’Alphonse Desjardins. Chacune des paroisses avait la sienne. On épargnait à la Caisse et celle-ci prêtait aux membres pour des raisons acceptables… pour le curé, qui siégeait naturellement au comité des prêts. C’était, à la base, de la finance solidaire, faite par et pour les moins bien nantis. La religion s’est lentement effacée, la solidarité aussi, mais il reste tout de même le coopératisme.

L’INVESTISSEMENT AU SERVICE DE LA MORALE

Il y a quelques années, on a vu l’émergence des fonds éthiques. Les règles de ces produits stipulent que les sommes ne doivent pas être investies dans l’armement, l’industrie du tabac, le jeu… Bref, ces fonds sont basés sur certaines valeurs sociales. Les armes tuent et servent à faire la guerre. Le tabac est très mauvais pour la santé. Le jeu est un vice.

Est-ce religieux? Pas nécessairement… mais quand même moral. Ces fonds sont basés sur des valeurs qui sont partagées par plusieurs clients. S’ils désirent ce type d’investissement, allez-vous refuser parce que vous n’y croyez pas vous-même? Certainement pas! Tant que les choix des clients sont légitimes, nous n’avons pas à juger.

Plus récemment, les fonds écoresponsables ont fait leur arrivée sur les marchés. Ces derniers investissent dans des entreprises qui ne détériorent pas notre environnement. La jeune génération est beaucoup plus sensible aux changements climatiques que celles qui l’ont précédée. Quand on a 20 ans, si le climat se détraque dans 50 ans, on sera encore là. À 50 ans, cela nous préoccupe un peu moins! Vous viendrait-il à l’idée de ne pas offrir un tel type de produit si votre client le demande?

Les outils de placement peuvent être modelés par des éléments non financiers, que ce soit par des valeurs de solidarité, des valeurs morales ou des valeurs sociales. Parmi les cinq grandes religions, deux d’entre elles interviennent directement dans les affaires financières : le christianisme, plus particulièrement le catholicisme, et l’islam.

Pour les catholiques, la finance doit respecter certains principes moraux généraux. Selon le théoricien Antoine Cuny de la Verryère, il y a notamment la force, la prudence, la justice et la transparence. Si un produit répond à ces standards moraux, il sera permis. L’auteur décrit également quelques produits financiers qu’il pense être autorisés, comme les fonds de développement durable, sans entrer dans les détails.

De son côté, l’islam impose des actions précises, une morale opérationnelle basée sur le Coran. Trois de ses grands principes financiers sont : la prohibition des intérêts, du hasard et de la spéculation. Ils ont donné lieu à la création de produits qui sont conformes à la charia, mais aussi aux besoins de tous les individus.

La sécurité et l’épargne sont des nécessités communes à tous les clients. Ce sont les produits qui apporteront une différence morale. Que votre client soit catholique ou musulman, s’il adhère aux principes moraux de sa religion, vous devrez vous adapter et connaître les investissements qui lui conviennent.

La planification financière, l’analyse des besoins financiers, l’analyse du profil d’investisseur et la convenance demeurent des processus valides (et réglementaires). Ils doivent toujours être vus comme obligatoires. Pour deux analyses similaires, ce sont ensuite les valeurs du client (et ses objectifs) qui viendront influencer la livraison des solutions.

Les religions et autres principes moraux sont déterminants pour votre client. C’est à vous de vous adapter pour offrir le bon service et le produit qui convient dans le cadre de votre mandat. Amen!

Famille sous un parapluie rouge

Michel Mailloux, du Collège des professions financières

Michel Mailloux, MBA, est planificateur financier et éthicien. Il dirige le Collège des professions financières. Le Collège est un fournisseur autorisé par l’Autorité des marchés financiers pour les formations nécessaires à l’entrée en carrière en assurance de personnes (Programme de qualification en assurance de personnes, ou PQAP). Michel travaille aussi comme intervenant en conformité à travers sa firme Mailloux & associés.