RVER : bien construire son régime de retraite

Par Simeon Goldstein | 4 novembre 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Tronçonnage Gagnon est l’une des premières entreprises québécoises à s’être lancée dans l’aventure des régimes volontaires d’épargne-retraite dès la fin de 2014. Malgré quelques difficultés au début, l’entreprise familiale affirme être très satisfaite des premiers résultats. Nous avons rencontré deux membres de la famille – Sylvie Charbonneau et Fanny Charbonneau Gagnon – pour en discuter.

Conseiller : Pourquoi avez-vous choisi d’offrir le régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) à vos employés?

Sylvie Charbonneau : Auparavant, nous proposions un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) collectif à nos travailleurs. Nous avions entendu parler du RVER à la télévision et un courtier d’assurance à Maniwaki nous a contactés pour le présenter. C’était plusieurs mois avant que l’on décide de mettre le régime en place. Nous avons rencontré différentes compagnies pour nous informer et nous y avons longtemps réfléchi avant de faire le saut avec la Financière Sun Life. Pour nous, l’avantage du RVER est que les déductions sont faites directement sur les revenus bruts des employés. Comme il ne s’agit pas d’un avantage imposable, cela n’augmente pas la masse salariale; c’est donc positif pour nous en tant qu’entreprise. C’est aussi positif pour l’employé. Il y a beaucoup de personnes, surtout de jeunes travailleurs, qui n’ont pas économisé grand-chose pour plus tard. Nous croyons qu’il est important d’aider avec cela et c’est pourquoi nous offrions le REER collectif et maintenant le RVER.

C : Vous êtes responsables de tout ce qui touche à l’administration et à la comptabilité de l’entreprise. Comment décririez-vous le processus de mise en place du RVER?

Fanny Charbonneau Gagnon : Au début, c’était difficile. Par exemple, on avait du mal à obtenir des bonnes réponses à nos questions. Mais il faut dire que c’était nouveau pour toutes les compagnies impliquées, donc tout le monde avait des choses à apprendre. Et nous ne sommes pas une petite organisation de quatre ou cinq employés; il y avait une soixante de travailleurs à inscrire. Cela a pris plusieurs mois et j’avoue qu’à un moment donné, on s’est presque dit « ça y est, on lâche tout ». Mais on a persévéré et maintenant les choses vont bien, car nous recevons du bon service de notre fournisseur et du courtier ici.

C : Quels problèmes avez-vous rencontrés?

FG : Il fallait que j’inscrive tous les employés, même ceux qui ne voulaient pas participer au régime. Les travailleurs ont ensuite reçu une lettre par la poste pour qu’ils puissent quitter le régime s’ils le souhaitaient, par internet. Mais nous avons certains employés plus âgés qui n’ont pas accès à internet, qui ne connaissent pas ce monde-là. D’autres partent la semaine entière travailler dans le bois ou encore n’ont même pas de téléphone mobile. Je me disais que c’est impossible que je m’occupe de cela pour tout le monde et, heureusement, le fournisseur nous a aidés. Maintenant qu’on a traversé l’étape d’inscrire tous les travailleurs, la tâche est plus facile. Quand j’organise la paie toutes les deux semaines, je peux facilement ajouter un nouvel employé au programme ou enlever ceux qui nous ont quittés.

C : Comment avez-vous parlé du régime avec vos employés?

SC : Avant de tout commencer, nous avons organisé une réunion avec tous les employés pour que notre courtier leur explique en quoi consiste le RVER et comment cela fonctionne. Ensuite, nous les avons rencontrés pour les aviser qu’ils allaient recevoir la lettre par la poste. Pour les employés qui ont voulu participer au régime, la prochaine étape consistait à se donner rendez-vous avec le courtier pour aborder les placements et voir quel genre de profil d’investissement leur convenait en fonction des risques qu’ils voulaient prendre. C’était important pour nous, car nous ne sommes pas des conseillers financiers. C’est certain que nous ne pouvons pas donner des conseils sur les placements.

C : Quelle a été la réaction des travailleurs?

FG : Les employés ont bien réagi et nous n’avons pas eu de commentaires négatifs de leur part. Tous ceux qui nous en ont parlé étaient très contents de ce qui était offert. Ils nous tenaient informées, par exemple du fait qu’ils avaient rencontré le courtier pour prendre certaines décisions et que le processus avançait. Nous sommes très contentes qu’ils le prennent positivement.

C : Est-ce que tout le monde participe au régime?

FG : Un peu plus de la moitié, donc une trentaine d’employés, cotisent au RVER. Mais ce n’était pas tout le monde qui participait au REER collectif non plus. Ce sont généralement les travailleurs plus âgés et les plus jeunes qui ont décidé de se retirer du régime. Les plus âgés se sont peut-être dit qu’ils n’en avaient pas besoin à ce stade-ci de leur vie et les plus jeunes qu’ils ne resteront pas travailler assez longtemps chez nous pour que cela en vaille la peine. De l’autre côté, on voit que certains ont choisi de mettre de l’argent dans le RVER alors qu’ils ne profitaient pas du REER collectif.

C : Vous offrez une cotisation de contrepartie aux versements des employés, alors que ce n’est pas une obligation dans le cas du RVER. Pourquoi adoptez-vous cette mesure?

SC : C’est une politique que nous avons instaurée avec le REER collectif et que nous avons décidé de maintenir pour le RVER. Si l’employé cotise 50 $ de chaque paie, soit toutes les deux semaines, au régime, nous versons le montant équivalent. Bien sûr, l’employé peut placer plus d’argent dans le régime s’il le souhaite, mais notre participation reste à 50 $. Notre part n’est offerte qu’aux employés qui travaillent chez nous depuis un certain temps. Comme c’était le cas avec le REER collectif, la cotisation est offerte aux employés au lieu d’une augmentation de salaire qui permet aussi de récompenser leur fidélité à notre compagnie. Il faut reconnaître que notre cotisation aide aussi à convaincre les employés des avantages du régime. Certains n’aiment pas l’idée de mettre de l’argent dans un REER ou un RVER; le fait que la compagnie y cotise peut inciter l’employé à faire pareil.

C : Comment envisagez-vous les prochaines étapes?

SC : Quand le régime aura été mis en place depuis un an, nous allons relancer tous les employés pour voir s’il y en a qui veulent maintenant y adhérer. À l’époque, certains nous avaient dit qu’ils étaient intéressés par le régime, mais que ce n’était pas un bon moment pour eux de participer. Il y a aussi ces employés qu’on croyait plus dans l’âge de participer, mais qui se sont retirés. Après avoir parlé avec leurs collègues et avoir vu que cela fonctionne bien, ils vont peut-être vouloir commencer à cotiser. Quant au REER collectif, nous l’avons fermé. Après avoir rencontré le fournisseur, certains ont transféré l’argent dans le RVER, d’autres ont décidé de le placer ailleurs.

C : Quelles leçons avez-vous apprises du processus de mise en place du RVER et existe-t-il des choses que vous feriez de façon différente si vous aviez à tout refaire?

FG : Le principal défi était que les délais prescrits étaient trop courts. Nous avons fait la demande d’ouvrir le RVER à la mi-novembre. Cela prenait plusieurs semaines avant que les employés ne reçoivent la lettre qui leur donnait une période de 30 jours pour décider s’ils voulaient se retirer. Or, on est tombé très vite dans le temps des Fêtes, ce qui nous a nui un peu. C’est grâce à l’aide de notre courtier que nous avons pu nous en sortir. Avoir su que cela allait être comme ça, je pense que nous aurions attendu le mois de janvier avant de mettre le régime en place.

C : Finalement, quels conseils donneriez-vous à une autre entreprise qui se retrouve dans la situation d’offrir le RVER?

FG : Il faut s’armer de patience, surtout au début. Et avoir quelqu’un qui est capable d’aider, quelqu’un de confiance à qui on peut parler régulièrement. Si nous avions été seules, je ne pense pas qu’on aurait fait le changement pour mettre en place le RVER. Ceci étant dit, d’autres compagnies risquent d’avoir moins de difficultés pour s’informer sur le régime, car nous avons peut-être souffert un peu d’être parmi les premiers à l’adopter. Le système par ordinateur est bien fait, les paiements se font de façon efficace, et l’on peut facilement changer la cotisation toutes les deux semaines si un travailleur est absent ou quitte l’entreprise. Somme toute, nous nous sommes données, nous avons travaillé fort, mais nous sommes vraiment contentes du résultat.

Simeon Goldstein