Annoncer une mauvaise nouvelle à un client, ça se prépare!

Par Didier Bert | 15 novembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Ion Chiosea / 123RF

Entre la volatilité sur les marchés, les corrections boursières comme celle enregistrée en octobre et l’approche inexorable de la fin du cycle haussier, les raisons d’annoncer un jour ou l’autre une mauvaise nouvelle à vos clients ne manquent pas. Et l’accueil qu’ils vous réserveront dépend de la façon dont vous les y préparez dès maintenant.

Ce n’est jamais un moment agréable d’avoir à annoncer à un épargnant que les rendements de son portefeuille viennent de subir une baisse brutale, ou même que son actif a perdu de la valeur. Pourtant, il n’y a pas de bonne raison de se cacher dans ces moments-là.

ÊTRE TRANSPARENT

« Il faut être là pour lui, affirme Marie Beauvais,  formatrice en vente pour les conseillers en services financiers. C’est humain d’être tenté de se cacher. Et quand ses actifs fondent, le client peut être tenté de jeter le tort sur quelqu’un… qui peut être son conseiller. Mais le rôle de celui-ci consiste à faire porter le regard de l’épargnant sur un horizon plus long. »

Quand une mauvaise nouvelle frappe un client, on devrait commencer par comprendre ses inquiétudes, avance Mathieu Guilbault, planificateur financier à Altitude conseils financiers. « Qu’est-ce qui fait qu’il y a un malaise? D’où viennent ses peurs? Proviennent-elles de choses qu’il a entendues? » énumère-t-il, en soulignant que l’émotion peut être engendrée simplement par le visionnement des nouvelles économiques à la télévision.

Quand les marchés baissent de 8 %, ce qui est normal dans un cycle, ça fait les manchettes, observe le planificateur financier. Ça peut inquiéter quelqu’un qui n’est pas accoutumé aux marchés.

La pire des réactions à laquelle vous pourriez faire face est celle du client qui débarque dans votre bureau en disant que son voisin lui a affirmé qu’une crise financière se prépare, estime Mathieu Guilbault. S’il perd totalement confiance envers les marchés, ce client se verra cependant confronté à une question difficile.

« Il devra choisir la journée où il sortira… et celle où il reviendra, prévient le planificateur financier. Tant que le marché montera, il attendra pour sortir, et tant que la Bourse baissera, il refusera de revenir… On ne pourra que lui rappeler qu’à long terme, si on veut du rendement, on n’a pas le choix d’accepter les fluctuations. »

COMPRENDRE ET EXPLIQUER

Le conseiller devrait aider son client à ne pas se fier uniquement à ses émotions. « On peut rappeler au client pourquoi on a bâti son portefeuille ainsi, explique Mathieu Guilbault. Ça permet de se replacer dans sa stratégie à long terme. »

Dans un moment pareil, le professionnel en services financiers devrait s’assurer de bien connecter avec le client, dès le « bonjour » du début de la discussion, suggère Jean-Pierre Lauzier, coach et formateur en vente. Le ton utilisé, une attitude responsable et le non-dit affectent beaucoup le client. Le conseiller doit montrer de l’empathie, tout en amenant l’épargnant à apporter des éléments rationnels. Pour cela, la discussion devrait être orientée vers les faits plutôt que vers les émotions. « Comment la mauvaise nouvelle affecte-t-elle ses plans? interroge M. Lauzier. Si cela l’oblige à repousser sa retraite, c’est certain que c’est très désagréable. »

Dans un pareil moment, le conseiller devrait répondre avec des « oui et », qui montrent que sa démarche est constructive et sa volonté d’aider son client. « Il doit sentir qu’on travaille pour lui, qu’on met toute notre expertise à son service », souligne M. Lauzier.

Le conseiller devrait éviter les « oui mais », qui laissent croire au client que l’on balaie du revers de la main son inquiétude. « On peut argumenter, mais on ne peut pas contester son émotion », illustre-t-il.

POSITIF, PAS AFFECTIF

Le conseiller devrait éviter de tomber dans l’affectif, ajoute-t-il. Au contraire, « il doit expliquer rationnellement ce qui se passe, en utilisant un ton convaincant, mais jamais arrogant, poursuit Jean-Pierre Lauzier. Et la discussion doit déboucher sur une issue positive ».

Devant un client nerveux de voir la valeur de son portefeuille fluctuer, le conseiller pourrait lui proposer de revoir une partie de ses actifs pour en choisir qui lui verseraient des revenus réguliers, comme des intérêts ou des dividendes. « Il verra que ce n’est pas parce que ses actions fluctuent qu’elles cessent de lui verser un revenu, argumente Mathieu Guilbault. Et il sera certainement tenté de réinvestir! »

En allant au fond des choses, en mettant des mots sur son inquiétude, le conseiller aidera le client à sortir de l’émotion pour aller vers une solution, qui peut consister à prévoir une rencontre dans deux semaines afin de s’adapter aux nouvelles conditions du marché. « Ce délai laisse le temps au client de digérer ça et de voir que le monde ne s’est pas écroulé », suggère M. Lauzier.

L’annonce de la mauvaise nouvelle peut aussi être replacée dans un contexte plus large. Au moment où les marchés ont connu des soubresauts cet automne, Lysanne Gagnon, planificatrice financière chez Robert Gagnon, dit avoir envoyé à ses clients différents articles de journaux qui expliquaient ce qui était en train de se passer et qui soulignaient le côté temporaire de la baisse.

ÉVITER LA SURPRISE

Une mauvaise nouvelle est toujours mieux acceptée quand le client n’est pas surpris, parce qu’il a décidé de sa stratégie en connaissance de cause afin de réaliser ses objectifs. « Nous avons un rôle éducatif, rappelle Lysanne Gagnon. C’est à nous de préparer le client en cernant ses besoins, puis en lui expliquant les produits et le fonctionnement du marché. »

Quand ce travail a été bien effectué, le client est moins stressé de voir arriver des baisses de marché puisqu’il sait que cela finirait par se produire et que cette tendance n’est que temporaire, précise la planificatrice financière.

Si le client se montre très nerveux à l’annonce d’une baisse de ses rendements ou de la valeur de ses actifs, il convient de vérifier qu’il ne s’est pas vu plus audacieux qu’il ne l’est réellement quand vous avez dressé son profil d’investisseur. Le moment est donc choisi pour revoir son profil et possiblement le ramener à un niveau plus réaliste. « Si c’est justifié, on peut aider le client à devenir plus prudent qu’il pense l’être, souligne Marie Beauvais. Les neuf années de cycle haussier l’ont peut-être amené à surestimer sa confiance. »

Le conseiller devrait documenter ses rencontres clients avec une grande vigilance. Déçu des marchés baissiers, un client pourrait être tenté de mettre en cause son représentant. Celui-ci pourrait s’appuyer sur ses notes pour démontrer son professionnalisme en cas de plainte déontologique, relève Marie Beauvais.

VOIR LES BONS CÔTÉS!

Une mauvaise nouvelle peut même avoir de bons côtés. Par exemple, une correction boursière peut être vue comme un rabais sur les produits financiers momentanément dévalorisés, illustre Lysanne Gagnon. « On aime toujours acheter à moindre coût, la baisse des marchés est une bonne occasion de le faire! »

Et pour le conseiller, une période de mauvaises nouvelles est aussi un moment propice pour développer ses affaires, pointe Marie Beauvais. « On doit montrer au client qu’on est sur le pont avec lui, dit-elle. Et s’il a d’autres placements ailleurs, son autre conseiller n’a peut-être pas été aussi présent : c’est une belle occasion de récupérer des portefeuilles. »

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.