Comment rejoindre une clientèle non branchée?

Par Martin Morin | 15 février 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Enfant installé devant un vieil ordinateur.
Photo : yarruta / 123RF

Selon un rapport publié récemment par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 51 % des chefs d’entreprises prévoient dépendre des communications numériques pour solliciter leur clientèle en 2021. La pandémie a entraîné une transformation beaucoup plus rapide de l’utilisation des nouvelles technologies par les conseillers, mais comment faire pour rejoindre les clients réfractaires ou carrément incapables d’utiliser de tels outils de communication?

Conseiller a posé la question à quatre professionnels du service financier, dont nous avons tiré les citations suivantes. Nous les remercions pour leur temps et leur générosité.

GAÉTAN VEILLETTE Planificateur financier chez IG Gestion de patrimoine

Les gens qui ne sont pas branchés [à l’Internet] constituent de plus en plus une faible minorité. Néanmoins, ce groupe a des besoins en services financiers qui sont de plus en plus couteux à desservir.

D’une part, on peut apprécier la résilience des nouveaux branchés, surtout s’ils sont assistés par un aidant naturel. Les facteurs de succès sont habituellement l’organisation des icônes sur leur écran d’accueil, l’inscription en ligne à leurs comptes (institutions bancaires, Revenu Québec, etc.), le formatage de leur adresse courriel, les inscriptions sur diverses plateformes, l’installation d’applications pratiques pour eux, etc. En somme, les nouveaux utilisateurs doivent avoir une expérience heureuse dès le début pour apprécier d’être branchés.

Voilà qui explique pourquoi le conseiller a un devoir d’incitation envers son client, afin que ce dernier se branche pour pouvoir mieux suivre ses affaires. Il a aussi un rôle d’influenceur pour les clients branchés, mais qui font une sous-utilisation de la technologie. Il s’agit d’une éducation continuelle du client, car le conseiller doit souvent répéter.

Les principales causes de non-branchement sont :

  • la méconnaissance d’Internet;
  • le manque d’éducation à la technologie;
  • le blocage mental relativement aux risques (exemple : arnaques, pertes de données, etc.);
  • l’absence d’aidant naturel ou de mandataire pour les accompagner;
  • le manque de moyens financiers pour s’équiper;
  • le non-accès à des réseaux Internet (exemple : en régions éloignées);
  • l’incapacité physique de certaines personnes, etc.

Il subsistera toujours une minorité de gens dans l’incapacité d’accéder aux services par Internet et/ou qui ne voudra pas faire l’effort de s’approprier cette solution d’avenir.

Aujourd’hui, le branchement par Internet est fondamental pour bénéficier pleinement des services offerts par les institutions financières, les cabinets de services financiers et les conseillers. Faute de branchement par Internet, il devient beaucoup plus couteux et complexe d’accéder aux services financiers modernes.

Règle générale, les conseillers se désistent d’offrir leurs services à des clients non branchés, surtout si ceux-ci ont peu de revenus ou un petit patrimoine. Ces clients se retrouvent alors forcés d’accéder à des services financiers par Internet, par l’entremise d’intermédiaires (exemple : aidant naturel, mandataire) qui les aideront à se connecter. Néanmoins, pour les clients à valeur élevée, mais non branchés, le conseiller a intérêt à accompagner le client pour trouver des solutions alternatives.

DANIEL PARENT VP, ventes et développement des affaires, Groupe Cloutier

D’après moi, les aînés sont pas mal plus branchés qu’on le pense. Je n’ai pas les statistiques à portée de main, mais si on regarde la présence des 65 ans et plus sur des médias sociaux tels Facebook, c’est assez impressionnant. On s’est « virtualisés » dans les derniers neuf mois, certes, mais la réalité est que l’ensemble des industries se sont virtualisées.

Dans certains cas, quand les gens ne sont pas branchés, il y a quand même une augmentation notoire de la rencontre téléphonique. Tout le monde a le bon vieux téléphone, puis ça fonctionne. Les conseillers communiquent avec leurs clients plus que jamais. Je regarde juste au niveau de l’investissement : chez nous, le nombre de transactions a augmenté de façon extrêmement importante en 2020 par rapport à l’année précédente.

Les conseillers qui faisaient du développement d’affaires via des associations de professionnels, auprès de Chambres de commerce, des trucs comme ça, tout ça a été suspendu. Ce qu’on a vu, c’est une recrudescence de certaines méthodes traditionnelles, entre autres la demande de références, autant aux clients existants qu’aux centres d’influence.

Quand tout ça [la pandémie de la COVID-19] a commencé, les conseillers ont été très proactifs dans l’offre de revues de portefeuilles à leurs clients pour les sécuriser. La recommandation qu’on a faite à nos conseillers c’était : prenez le téléphone et appelez vos clients! Ils vivent de l’incertitude. Le marché est sens dessus dessous, certains de vos clients ont peut-être perdu leur emploi. Donc, ne tenez pas pour acquis que ça va bien, appelez-les. Prenez de leurs nouvelles, puis offrez-leur de faire une mise à jour de leur situation, de faire une revue financière.

Ce que tout ça a mis en relief, c’est l’importance du marketing pour les conseillers. Et c’est le point faible de plusieurs. Ils sont très, très bons devant les clients, ils sont très, très bons en prospection, dans une approche directe avec un client potentiel. Mais côté marketing, qui est  l’art de se positionner dans le marché, sur ce qu’on fait, et de quelle manière on peut être utile à nos clients, certains le font très bien, mais la majorité pourrait faire mieux.

CATHERINE LAFLAMME Gestionnaire de portefeuilles, RBC Dominion

Il s’avère nécessaire de faire un suivi régulier avec mes clients existants, et demander des références de leur part, soit des gens qui leur ressemblent, avec qui je pourrais travailler et faire bénéficier de mon aide.

Il faut savoir utiliser les articles économiques sur des sujets pertinents ciblés à une certaine clientèle, et aller les distribuer, par exemple, dans une résidence pour personnes âgées ciblée.

On peut se tourner vers les journaux locaux afin d’y publier une annonce publicitaire de notre équipe, ou faire une revue des marchés de façon trimestrielle.

Plusieurs personnes réfractaires à la technologie possèdent malgré tout une adresse courriel. Ce que je fais, c’est envoyer de façon hebdomadaire un article sur les nouveautés ou changements économiques, question de simplement garder un contact régulier avec ma clientèle… ou de futurs clients!

Évidemment le bon vieux cold call demeure toujours d’intérêt. En ciblant une clientèle précise, il devient facile d’effectuer un suivi et de faire parvenir des communiqués pertinents et nichés, que cette clientèle sera plus portée à lire.

DANIEL GUILLEMETTE Président, Diversico

Si on parle de ceux qui n’ont pas la fibre technologique, de mon point de vue ça s’appelle une cause perdue pour la prospection pendant un bon grand bout de temps, c’est sûr. On ne va pas aller les rencontrer dans des 5 à 7; il n’y a plus de possibilité pour l’instant.

EN CONCLUSION

Le mot de la fin revient à Catherine Laflamme. « 2020 est une année de changements, résume-t-elle. On doit donc s’ajuster, si on veut continuer d’avancer. La capacité d’adaptation est un atout et un avantage dans tous les domaines, le nôtre tout particulièrement! »

Et vous? Comment avez-vous adapté votre façon de faire pour rejoindre l’ensemble de votre clientèle en 2020?

Martin Morin