Bientôt un nouvel ordinateur quantique au Québec

Par Nathalie Savaria | 10 août 2023 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
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En cours d’installation à l’usine bromontoise d’IBM, le Quantum System One entrera en fonction d’ici la fin de l’année 2023.

« Il s’agit du cinquième superordinateur quantique de ce type, en dehors des États-Unis », indique Éric Capelle, directeur général de la plateforme d’innovation numérique et quantique du Québec (PINQ), un OBNL fondé par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec (MEIE) et l’Université de Sherbrooke en 2021.

PINQ, dont la mission est d’accélérer la transformation numérique des entreprises et organisations québécoises, sera l’opérateur exclusif de ce superordinateur au Canada, à la suite d’une entente conclue avec IBM.

RUPTURE TECHNOLOGIQUE EN VUE

Doté d’un processeur utilitaire de 127 qubits (contraction de quantum et bit, le qubit étant l’unité de base), cet ordinateur quantique possède une puissance de calcul phénoménale et donc une grande capacité d’optimisation.

Si les ordinateurs classiques traitent des bits qui prennent une valeur fixe de 0 ou de 1, selon un système binaire, « les ordinateurs quantiques, c’est à la fois 0 et 1 et tout ce qui peut se passer entre 0 et 1 et en parallèle. Ce qui va amener beaucoup plus de puissance de calcul à terme », explique Éric Capelle.

Serti dans une cage en verre dans laquelle se trouve un cylindre servant de tour de refroidissement, il utilise la cryogénie et la supraconductivité, maintenant une température de – 273 degrés Celsius, car les qubits sont très instables.

« Ce sont des températures très basses. Il faut un dispositif pour refroidir toutes les composantes électroniques et faire en sorte que les atomes soient dans des états stables suffisamment de temps », , souligne le directeur de PINQ.

« L’informatique quantique, c’est la prochaine rupture technologique, ajoute-t-il. C’est difficile de faire des parallèles avec ce qu’on connaît aujourd’hui, parce que ce sont des concepts nouveaux. »

DES EXEMPLES D’APPLICATION

À quoi servira exactement cet appareil futuriste ?

D’abord, chaque ordinateur quantique est spécialisé dans un domaine de recherche particulier. Et celui du Québec sera consacré aux domaines de la finance et du développement durable.

Par exemple, dans les banques et l’assurance, cette technologie pourrait être employée pour le traitement, entre autres, de la gestion de risque, de l’analyse de crédit, de la simulation et l’analyse de portefeuille. Elle pourrait aussi servir à l’optimisation des portefeuilles. De plus, elle pourrait renforcer la sécurité des transactions financières et des données sensibles grâce à des algorithmes capables de résister aux attaques actuelles et futures.

« D’ici quelques années, notamment les cartes de crédit et les transactions de paiement nécessiteront des niveaux de sécurité plus élevés grâce ou à cause de l’arrivée du quantique. C’est un grand sujet de préoccupation pour les institutions financières. »

La technologie quantique pourrait également servir à simuler des modèles climatiques et des modèles météorologiques.

« Les ordinateurs quantiques pourront intégrer plus de variables que les ordinateurs actuels dans les aspects de simulation. Cela permettra une meilleure anticipation de l’évolution du climat et des probabilités d’inondations et de catastrophes naturelles ainsi que leur impact sur les infrastructures et les populations. Cette capacité peut intéresser les assureurs pour l’analyse de risques, et aussi les gouvernements et les municipalités pour identifier les zones inondables et les risques environnementaux afin de mieux se préparer pour le futur », dit Éric Capelle.

Ces exemples d’applications sont encore dans les cartons en ce moment. « Cette technologie n’est pas encore opérationnel à 100 %, parce qu’elle est encore dans des laboratoires de recherche et qu’elle nécessite des gens aux connaissances hyper pointues pour gérer les algorithmes », signale le directeur de PINQ. Il estime qu’elle devrait être accessible aux entreprises d’ici 5 à 10 ans, elle.

UNE PÉRIODE DE TRANSITION

Les ordinateurs quantiques préfigurent l’arrivée d’une autre science, l’hybride quantique, précise Éric Capelle. « On aura toujours besoin de la puissance de calcul actuelle, de stocker les données, de faire des préanalyses, etc. Le quantique va améliorer les calculs ou les processus existants à moyen terme, mais ça ne viendra pas en substitution avant 40 ou 50 ans. »

À titre de Centre de calcul d’IBM, PINQ proposera d’ailleurs un environnement hybride permettant de coupler l’informatique classique et un ordinateur quantique pour que les entreprises, les organisations et les centres d’enseignement puissent faire des tests via l’infonuagique.

UN CHOIX STRATÉGIQUE

Le gouvernement du Québec, qui veut se positionner à la pointe de l’informatique quantique, a financé en partie la fabrication de ce superordinateur, y investissant 68 millions de dollars.

Le fait que l’appareil soit situé dans la province constitue un atout, car la souveraineté des données, qui va devenir de plus en plus importante avec de tels systèmes, sera garantie, toute comme la propriété intellectuelle. « Les entreprises vont pouvoir tester en toute sécurité l’impact du quantique sur leurs futures activités », fait valoir Éric Capelle.

Par ailleurs, le choix de Bromont pour le déploiement de cet ordinateur quantique n’est pas le fruit du hasard. D’abord, IBM y exploite déjà le plus grand centre de montage sous boîtier et de test de semi-conducteurs en Amérique du Nord.

La multinationale s’est d’ailleurs engagée à investir davantage dans ses installations du parc industriel de Bromont, selon un protocole d’entente avec le gouvernement canadien, en lien avec l’établissement d’un corridor transfrontalier de semi-conducteurs entre l’usine de Bromont et le centre de recherche d’IBM à Albany, dans l’État de New York.

« On espère bien que, dans le futur, certaines des composantes électroniques des ordinateurs quantiques pourront être fabriquées à l’usine IBM de Bromont, ce qui permettrait de préserver des emplois et de garantir qu’on est toujours à la pointe de la technologie. »

Enfin, la présence, à proximité, d’universités, dont celle de Sherbrooke, qui détient une expertise en quantique, en plus d’avoir développé un partenariat historique avec IBM, a aussi pesé dans la balance.

UN OUTIL DE FORMATION ET D’APPRENTISSAGE

Pour Éric Capelle, l’arrivée de l’ordinateur quantique constitue une opportunité pour le Québec et le Canada, de donner accès à ce type de technologie à la fois aux entreprises et aux universités. Avec une opportunité, également, en termes de formation de la main-d’œuvre. « Puisque c’est une technologie émergente, il faut aussi former des talents au Québec et au Canada », souligne Éric Capelle.

Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.