Échange de renseignements fiscaux Canada-États-Unis : il faut maintenant s’ajuster

Par François Bernier | 25 août 2014 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
5 minutes de lecture
weyo / 123RF

Toutes les institutions financières du pays doivent se soumettre à l’accord Canada-États-Unis pour un meilleur échange de renseignements fiscaux depuis juillet. Quelles conséquences cela a-t-il ? Et quel impact pour nos clients ?

Rappelons qu’en mars 2010, les États-Unis ont adopté le Foreign Account Tax Compliance Act (plus communément nommé FATCA), qui vise à accroître le respect de la législation fiscale américaine, et plus particulièrement, s’assurer que les « personnes américaines » produisent chaque année une déclaration fiscale sur les revenus générés dans des comptes détenus à l’étranger.

Cette loi impose toutefois un fardeau important aux institutions financières étrangères, qui doivent communiquer à l’Internal Revenue Service (IRS) des États-Unis toute l’information pertinente au sujet des comptes détenus par des clients identifiés comme des « personnes américaines ». En cas de non respect, l’IRS peut imposer une retenue d’impôt de 30 % sur les revenus de placements de source américaine versés à cette institution ou ses clients.

Pour épargner aux Canadiens les conséquences négatives de ces dispositions draconiennes, le Canada a signé un accord intergouvernemental (AIG) avec les États-Unis en février dernier. En vigueur ici depuis le 1er juillet (Loi de mise en œuvre de l’accord Canada–États-Unis), cet AIG dispense toute institution financière canadienne de transmettre à l’IRS l’information relative à ses clients qui sont des « personnes américaines ». Elle devra plutôt être envoyée à l’Agence du revenu du Canada (ARC), qui la transmettra à l’IRS sur une base annuelle dans le cadre d’un partage mutuel des informations.

De nombreux pays – dont tous ceux du G7 – ont signé des accords intergouvernementaux avec les États-Unis afin de mettre le FATCA en application dans leurs juridictions respectives.

Qui est touché ?

Toutes les institutions financières canadiennes seront touchées par cette nouvelle législation, dont les banques, les courtiers en valeurs mobilières et leurs agents, les compagnies d’assurances, les fonds de couverture (hedge funds) et les compagnies de fonds communs.

Elle devront découvrir qui, parmi leurs détenteurs de comptes, sont des « personnes américaines » et transmettre l’information à l’ARC, qui la relaiera à l’IRS.

En vertu de cet accord, la transmission d’information sera bilatérale; les autorités canadiennes recevront également de l’information sur les comptes détenus par des Canadiens aux États-Unis.

Comment savoir qui est une « personne américaine »?

Les nouveaux clients des institutions financières canadiennes se feront dorénavant demander, lors de l’ouverture d’un compte, s’ils sont des « personnes américaines ».

Les institutions financières canadiennes devront aussi passer en revue les comptes déjà existants et rechercher des indices montrant que les titulaires sont peut-être des « personnes américaines »: • Citoyenneté ou résidence américaine • Lieu de naissance aux États-Unis • Adresse de résidence ou de correspondance aux États-Unis • Numéro de téléphone aux États-Unis • Ordre de virement sur un compte aux États-Unis • Procuration accordée à une personne dont l’adresse est aux États-Unis

Par exemple, un client dont le numéro de téléphone est basé aux États-Unis devra attester qu’il n’est pas une « personne américaine ». Cette attestation se fera en produisant certains documents, comme un formulaire d’auto-certification, une pièce d’identité, etc.

S’il refuse, l’institution financière n’aura d’autre choix que de transmettre les informations quant à ce compte à l’ARC et ce, même si la personne n’est pas en réalité une « personne américaine ».

Et les snowbirds canadiens ?

Pour les résidents temporaires des États-Unis comme les snowbirds, il est possible que leur dossier contiennent des éléments laissant croire qu’ils sont américains, comme un numéro de téléphone ou une adresse de correspondance aux États-Unis.

Ils pourraient donc être tenus de démontrer qu’ils ne sont pas américains par un processus d’auto-certification.

Informations exemptées

Les institutions financières canadiennes n’auront toutefois pas l’obligation de transmettre de l’information à l’ARC sur ces types de comptes : • Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) • Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) • Régime de pension agréé (RPA) • Régime de pension agréé collectif (RPAC) • Compte d’épargne libre d’impôt (CÉLI) • Régime enregistré d’épargne-invalidité (REÉI) • Régime enregistré d’épargne-études (REÉÉ) • Régime de participation différée aux bénéfices (RPDB)

Les « personnes américaines » qui en ont, plus particulièrement les détenteurs de CÉLI, REÉÉ et REÉI, devront tout de même déclarer les revenus qui y sont générés aux autorités fiscales des États-Unis.

Qui sont ces « personnes américaines »?

Ce sont généralement des personnes nées aux États-Unis, ou à l’extérieur des États-Unis, mais dont les parents sont des citoyens américains. Les personnes détentrices d’une carte verte américaine, ainsi que les personnes présumées être résidentes américaines sont elles aussi considérées comme des « personnes américaines ». Elles ont donc l’obligation de produire une déclaration d’impôt annuelle aux États-Unis.

Impact pour nos clients

Pour la majorité des Canadiens, ces nouvelles règles n’auront aucun impact. On leur demandera simplement s’ils sont des « personnes américaines » lors de l’ouverture d’un compte. Toutefois, les investisseurs canadiens ayant des biens à l’étranger auront tout intérêt à en déclarer les revenus à l’ARC, car la transmission d’information sera bilatérale. L’IRS transmettra à l’ARC l’information qu’elle possède sur les comptes détenus aux États-Unis par des clients canadiens.

Par contre, si un client est une « personne américaine », l’impact sera plus important. Les États-Unis imposent un fardeau de déclaration fiscale à toute personne considérée américaine et ce, même si elle réside à l’extérieur des États-Unis. De plus, les autorités fiscales américaines imposent des règles contraignantes lorsque qu’une « personne américaine » détient des placements non-enregistrés à l’étranger (voir à cet effet les règles sur les Passive Foreign Investment Company, décrites dans notre blogue du 4 mars dernier).

Ce n’est pas fini

Ces nouvelles dispositions ont créé des vagues dans la communauté des « personnes américaines » qui résident au Canada. Une requête a même été déposée en Cour fédérale contre le gouvernement canadien par deux personnes américaines établies au Canada depuis nombreuses années. On y argue, entre autres, que cette nouvelle loi est invalide, car qu’elle contrevient au partage des compétences prévu à la constitution canadienne.

Malgré cela, l’échange automatique et systématisé d’informations entre les gouvernements n’en est probablement qu’à ses balbutiements. Les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) ont même signé un accord en mai dernier afin de mettre en œuvre un système de transmission systématique au niveau international, plus familièrement surnommé « GATCA ». Ce système d’échange d’information systématique devrait être appliqué dès 2017.

François Bernier

François Bernier est notaire. Il occupe le poste de directeur, techniques de planification avancées à la Financière Sun Life.