Augmentation du taux directeur

Par La rédaction | 12 juin 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : RAJESH RAJENDRAN NAIR / 123RF

À la suite de l’annonce de la Banque du Canada concernant la hausse de son taux directeur, des experts ont commenté la décision de la banque centrale, examinant également ses répercussions sur l’économie et spéculant sur une hausse prochaine en juillet.

UNE HAUSSE SURPRISE

Selon Geoff Phipps, gestionnaire de portefeuille et stratège commercial chez Picton Mahoney Asset Management, la hausse des taux d’intérêt de la Banque du Canada a pris le marché par surprise, comme ce fut le cas précédemment en Australie, « où seulement 20 % des économistes avaient prédit une telle mesure ».

Il constate ainsi que la probabilité d’une telle hausse des taux a été peu considérée, malgré la récente croissance qui s’est reflétée au premier trimestre, alors que le PIB réel a crû de 3,1% en rythme annualisé, dépassant la prévision médiane de 2,5%, un résultat largement stimulée par les dépenses des ménages et le commerce international.

D’après lui, « il est essentiel de reconnaître que les données robustes du premier trimestre ont été principalement influencées par la performance de janvier, alors que le PIB est resté stable en mars, qui a aussi marqué par une baisse des permis de construction résidentielle.

Il ajoute que les projections actuelles du marché des taux à terme pointent vers un taux directeur d’environ 5,10 % d’ici décembre. Cette estimation ne constitue qu’une légère augmentation, car une hausse supplémentaire complète des taux a été prévue en prévision de la réunion de juillet de la Banque du Canada, qui attirera sans aucun doute une attention considérable, compte tenu de la publication prochaine de son Rapport sur la politique monétaire.

Ainsi, les risques à la baisse pour l’économie persistent, principalement en raison de la vulnérabilité de la dette des ménages et de l’augmentation rapide des taux d’emprunt.

« Il est crucial, mentionne-t-il, d’examiner attentivement ces risques, car les dangers d’une hausse des taux dans un contexte de ralentissement économique potentiel peuvent survenir rapidement. »

DES INDICES DE RÉCESSION

Son collègue chez Picton Mahoney Asset Management, Michael White, gestionnaire de portefeuille, stratégies multi-actifs, estime, quant à lui, qu’avec un peu de recul, on pourrait se demander si la Banque du Canada tente également de réduire les coûts du logement (en tant que composante de l’inflation). Dans un tel cas, cela pourrait toutefois avoir l’effet inverse, car les permis de construire ont récemment chuté de près de 20 % en glissement annuel.

Selon lui, une telle ampleur du déclin de l’activité immobilière précède normalement les récessions. Ainsi, « si la Banque du Canada freine l’activité économique (spéculation immobilière), elle contribue également à freiner l’offre de logements, elle-même inflationniste ».

« De notre point de vue, souligne-t-il, l’inflation sera une caractéristique des cycles économiques futurs, suscitée par des problèmes structurels liés à l’offre de main-d’œuvre, de logements, ainsi que de certains produits de base. Les données économiques sur le logement appuient ce point de vue. »

Michael White indique enfin que « les investisseurs bénéficieront d’une exposition à l’inflation intégrée dans les portefeuilles ». Actuellement en baisse, l’inflation demeure volatile et imprévisible, d’où la nécessité d’une allocation stratégique.

UNE PRESSION SUR LES BANQUES CENTRALES

Pour Tom Reithinger, gestionnaire de portefeuille obligataire chez Capital Group, la Banque du Canada fait désormais partie d’une liste croissante de banques centrales des marchés développés qui ont surpris le marché au cours du mois dernier, avec une hausse des taux, « ce qui pourrait laisser présager une pression croissante sur d’autres banques centrales, telles que la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne, afin de lutter contre l’inflation qui persiste dans chaque pays ».

UNE INFLATION PERSISTANTE

D’après Jay Zhao-Murray, analyste du marché des changes chez Monex Canada, cette augmentation de 25 points de base des taux d’intérêt par la Banque du Canada n’a rien d’étonnant, « conformément à notre point de vue hors consensus », déclare-t-il, et « ne sera pas la dernière non plus ».

De fait, « les estimations préliminaires des données d’avril montrent qu’il est peu probable que le taux de croissance exceptionnel du premier trimestre s’inverse à l’approche du deuxième trimestre, ce qui entraînera probablement une révision à la hausse des prévisions de croissance de la Banque pour le deuxième trimestre dans le prochain Rapport sur la politique monétaire de juillet ».

Selon cet analyste, une croissance plus forte fait courir le risque que les perspectives de la demande continuent de soutenir une inflation plus persistante, par l’entremise à la fois d’une amélioration du pouvoir de fixation des prix par les entreprises et d’une croissance robuste des salaires, les compagnies cherchant à accroître leur capacité de production dans un marché du travail historiquement tendu.

Or, précise-t-il, des données récentes ont déjà montré que ces risques commencent à se matérialiser. « Les moyennes annualisées sur trois mois de l’inflation sous-jacente privilégiées par la banque, qui sont une fois de plus citées par la Banque du Canada comme une raison de resserrer la politique monétaire, sont restées stables à 4 % depuis le mois d’août, respectivement, tandis que le rythme de croissance de la mesure globale a aussi fortement accéléré avec la mesure annualisée sur trois mois, passant à 6,7 % en avril. »

DES DÉTENTEURS DE PRÊTS HYPOTHÉCAIRES SUR LA SELLETTE

Pour Philippe Simard, directeur hypothécaire au Québec chez Ratehub.ca, cette hausse de taux n’est pas une bonne nouvelle pour les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable.

« Les détenteurs d’un prêt hypothécaire à taux variable et d’une marge de crédit hypothécaire, déjà fatigués par les hausses de taux, verront leur taux d’intérêt augmenter encore. Ceux qui ont une hypothèque à taux variable avec des paiements fixes dépasseront probablement leur taux de déclenchement, si ce n’est déjà fait. Ceux qui ont des paiements variables verront leurs paiements augmenter pour absorber cette hausse de taux. »

Quant aux taux fixes, qui « avaient déjà commencé à augmenter en prévision d’une éventuelle hausse des taux, ils augmenteront encore maintenant que nous savons que la Banque a relevé ses taux. Les rendements obligataires, qui constituent l’élément clé des prêts hypothécaires à taux fixe, sont à leur plus haut niveau depuis 2007. »

Finalement, « cette hausse de taux exercera une pression à la baisse sur les prix de l’immobilier, qui ont rebondi plus rapidement que la Banque ne l’avait prévu. »

La rédaction