Quand il fait chaud, télétravailler, c’est mieux !

Par Nathalie Savaria | 1 janvier 1970 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
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Daniil Peshkov / 123RF

Selon l’ONU, juillet aura été le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète. Face aux changements climatiques, les entreprises ont tout intérêt à s’y préparer et à prendre des mesures pour atténuer les impacts sur les employés de bureau.

« Avant, les vagues de chaleur étaient de 1 à 2 jours et maintenant on parle de 3 à 5 jours et parfois plus, ce qui a une incidence sur les milieux de travail », indique Annie Boilard, présidente de Réseau Annie RH.

La spécialiste en ressources humaines s’appuie notamment sur les propos récents de chercheurs américains et anglais dans un article de la BBC, qui se sont penchés sur les répercussions des changements climatiques en milieu de travail.

Si on ne connaît pas encore tous les effets potentiels du réchauffement climatique dans le futur, pendant les vagues de canicule, on peut déjà, selon Annie Boilard, envisager trois types de changement pour les employés de bureau, qu’ils soient en présentiel, en mode hybride ou à distance.

Adapter l’horaire

Premièrement, pour les travailleurs qui évoluent dans un environnement climatisé, qu’il soit au bureau ou à distance, il serait judicieux d’adapter l’horaire de travail « en commençant le travail plus tôt, pour profiter de la fraîcheur du matin et finir plus tôt, et éviter de travailler durant les périodes les plus chaudes autour de midi », suggère la spécialiste en RH.

« La réduction des journées de travail est aussi à prévoir », ajoute-t-elle.

D’après les recherches sur le réchauffement climatique, la semaine de quatre jours de travail de dix heures serait à proscrire. En période de canicule, on parle plutôt d’une journée de travail de huit heures, voire de six heures, ce qui pourrait signifier pour certains le retour à la semaine de cinq jours de travail.

« L’énergie humaine va devenir très précieuse », souligne-t-elle.

Privilégier le télétravail

Deuxièmement, enfonçant « le dernier clou dans le cercueil du mode de travail hybride », qui est, d’après elle, « une pratique inappropriée en période de chaleur », la spécialiste en RH croit qu’il faudrait plutôt privilégier exclusivement le télétravail, et ce, pour plusieurs raisons :

« Ça permet aux gens de commencer plus tôt le travail, de conserver l’énergie humaine qui est précieuse en période de canicule pour se déplacer et c’est aussi une façon de s’épargner des risques inutiles. Parce que si je me déplace en voiture, en autobus ou à vélo, je peux me retrouver dans un trafic stationnaire, là où il y a un îlot de chaleur, sur l’asphalte, ce qui n’est pas souhaitable en période de canicule. Enfin, en télétravail, on s’habille « en mou », et cette tenue vestimentaire est beaucoup plus appropriée pour les périodes de canicule. »

Bonifier le programme de santé et mieux-être

Troisièmement, les employeurs pourraient aussi améliorer leur programme de santé et mieux-être au travail « pour inclure des outils pour mieux naviguer à travers les périodes de canicule et le réchauffement climatique ».

La spécialiste en RH donne comme exemple des séances de formation sur le stress causé par la chaleur, des ateliers sur l’alimentation en période de canicule ainsi que des programmes d’entraînement adaptés à des périodes de grande chaleur.

Revenir en présentiel ?

Pour les télétravailleurs qui ne bénéficient pas d’un environnement climatisé à domicile, Annie Boilard mentionne, au risque de sembler se contredire, que les employeurs pourraient demander à ces derniers de venir travailler en présentiel, dans un bureau climatisé.

« L’employeur pourrait même l’exiger, dit-elle, puisqu’il est responsable de la santé et sécurité des travailleurs et que ce n’est pas sécuritaire de travailler dans un endroit non-climatisé. »

De fait, en vertu de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, les employeurs ont l’obligation de protéger la santé et sécurité des employés au travail, y compris la santé mentale, tant en présentiel qu’en télétravail.

Si le bureau est trop loin du domicile non-climatisé du télétravailleur, par exemple, « ça peut-être un espace de coworking ou un autre bureau de l’employeur. Les deux enjeux à considérer sont : la sécurité informatique et la climatisation ».

Cela dit, nuance-t-elle, « ça m’étonnerait qu’actuellement, un employé ne soit pas en sécurité en 2023 dans un environnement non-climatisé ».

Investir pour se garder au frais

Au gré des changements climatiques, les entreprises seront appelées à revoir leur système de climatisation, car ceux qui sont actuellement en place ne pourront pas répondre à la demande croissante dans le futur. Elles pourraient d’ailleurs commencer à budgéter de telles dépenses.

« Il y aura des dépenses significatives pour la climatisation des bureaux », affirme la spécialiste en RH.

La question se pose d’ailleurs à savoir si un jour l’employeur, en plus de fournir une chaise ergonomique au travailleur, pourrait aussi devoir climatiser le bureau des télétravailleurs, ajoute-t-elle.

Recevoir l’appui de l’État

Alors que le réchauffement climatique s’accentue, les gouvernements devront pour leur part venir en aide aux entreprises et aux employés.

C’est déjà le cas en Espagne, où le gouvernement a adopté une loi en mai 2023. Selon l’article de la BBC, « [o]utre le soutien financier aux entreprises touchées par la sécheresse, la nouvelle législation stipule que lorsque les conditions météorologiques atteignent l’orange (risque important) ou le rouge (risque extrême), les employeurs devront obligatoirement adapter les conditions de travail, y compris la réduction ou la modification des heures de travail prévues dans la journée. »

Que fera l’État canadien ou l’État québécois ? Annie Boilard ne le sait pas, « ce n’est pas dans les cartons pour le moment », dit-elle, mais il s’agit de mesures possibles.

D’après elle, il serait important que les gouvernements investissent davantage dans la recherche sur les impacts du réchauffement climatique sur la santé des travailleurs, notamment celle des employés de bureau, « afin d’avoir des plans clairs sur les adaptations à faire ».

Changer nos habitudes

Pour Annie Boilard, employeurs et employés peuvent d’ores et déjà se sensibiliser et changer leurs habitudes de travail pendant les périodes de canicule.

« Il faut commencer à avoir des dispositions dans nos politiques d’entreprise, par exemple un code de couleurs comme en Espagne, qui va faire en sorte de faciliter le télétravail durant ces périodes et de réduire le trafic et les émissions de gaz à effet de serre. Il faut intégrer ça dans nos vies, dans nos politiques de travail et dans nos façons de faire, pour que, dès qu’il y a une canicule, on se dise OK, je dois faire des ajustements pas seulement dans mon hydratation, dans mon entraînement, dans mes vêtements, mais aussi dans ma façon de travailler pour être préparé à ce qui s’en vient. »

Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.