Fonds communs : les commissions de suivi dans la mire des ACVM

Par Ronald McKenzie | 18 Décembre 2012 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) viennent de relancer, encore une fois, le débat sur les frais des fonds communs au pays. En effet, elles ont publié la semaine dernière le document de consultation 81-407 sur les frais des organismes de placement collectif en reconnaissant qu’il soulève des « points difficiles ».

Les ACVM trouvent que, dans leur forme actuelle, les frais des fonds communs soulèvent des questions d’équité et de protection des investisseurs. Ils sont à même de placer les conseillers dans des situations de conflits d’intérêts pour toutes sortes de raisons. En particulier, ce sont les commissions de suivi qui sont dans la mire des ACVM, qui songent à les prohiber.

Si cette interdiction va de l’avant, l’industrie des fonds communs serait ébranlée « jusque dans ses fondations », dit Rudy Luukko, rédacteur à Morningstar Canada. C’est que les commissions de suivi constituent une portion de plus en plus importante de la rémunération des courtiers qui vendent des fonds communs. Citant le document des ACVM, Rudy Luukko souligne qu’elles ont représenté, en 2011, 64 % de la rétribution des conseillers provenant de ventes de fonds. À titre de comparaison, c’était 27 % en 1996.

Les conseillers recommandent-ils volontairement les fonds qui paient les plus généreuses commissions de suivi? Les ACVM n’hésitent pas à franchir ce pas. Voici deux exemples.

  • Les commissions de suivi étant plus élevées pour les fonds d’action et équilibrés que pour les produits obligataires, il y a une motivation financière à privilégier les actions dans les portefeuilles des investisseurs.
  • Une fois qu’un investisseur détient un fonds depuis assez longtemps pour le racheter sans encourir de pénalité, on peut l’inciter à transférer ce fonds dans un fonds à frais d’acquisition comportant des commissions de suivi supérieures. « La conversion entraîne une augmentation de 100 % de la commission de suivi versée au conseiller à titre de rémunération sans que le client y consente ou en soit informé », signalent les ACVM.

Ce genre de pratique mène les autorités à croire que les sociétés de fonds communs considèrent que leurs clients sont plus les conseillers que les investisseurs, « ce qui pourrait les conduire à privilégier les besoins des conseillers par rapport à ceux des investisseurs dans le cadre des fonds communs », ajoute Rudy Luukko.

Comme le rappellent les ACVM, la tendance parmi les autorités dans le monde semble être de vouloir régler les conflits d’intérêts inhérents aux « rémunérations intégrées ». Ainsi, les commissions de suivi seront interdites au Royaume-Uni à compter du 1er janvier prochain. En Australie, une interdiction volontaire de ce type de frais deviendra obligatoire à partir du 1er juillet 2013. Aux États-Unis, le nouveau projet de loi 12b-2 proposé par la Securities and Exchange Commission, actuellement au stade de l’invitation aux commentaires, plafonnerait le montant des rémunérations intégrées pouvant être prélevées et exigerait une divulgation additionnelle de ces rémunérations dans la confirmation de transaction au moment de l’achat.

Au Canada, l’interdiction des commissions de suivi n’est qu’une idée parmi d’autres. On pourrait également obliger les conseillers à préciser les services qui seront fournis en échange des commissions de suivi. « Selon cette option, les conseillers ne pourraient pas percevoir de commissions de suivi si l’on déterminait que les services en question n’ont pas été fournis », note Rudy Luukko.

L’industrie pourrait aussi créer des catégories de parts à frais inférieurs pour les investisseurs autonomes, qui verseraient alors aux conseillers des commissions de suivi réduites, voire aucune.

Ce qui se dégage du document de consultation des ACVM, c’est que « le statu quo sur les frais des fonds n’est pas une option pour les autorités », constate Rudy Luukko. Avant même que les ACVM aient entendu les intervenants, une certitude est acquise : davantage de mesures seront mises en œuvre pour répondre à des conflits d’intérêts potentiels.

Les ACVM souhaitent entendre les intervenants de l’industrie des services financiers, les défenseurs des droits des investisseurs et les épargnants sur cette épineuse question. La période pour formuler des commentaires se terminera le 12 avril 2013.

Pour consulter le document consultation 81-407 des ACVM sur les frais des organismes de placement collectif, cliquez ici.

Ronald McKenzie