CSF : 20 ans entre légitimité et survie

Par Didier Bert | 17 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : poselenov / 123RF

Les 20 premières années d’existence de la Chambre de la sécurité financière (CSF) ont été ponctuées par des remises en cause périodiques de son existence, jusqu’à la plus marquée l’an dernier, malgré ses avancées dans la professionnalisation de la distribution des services financiers.

Quand on lance la discussion sur les deux premières décennies de la CSF avec deux de ses anciens présidents et sa PDG actuelle, les menaces à la survie de l’organisation arrivent rapidement dans la conversation.

COMME UN ORDRE PROFESSIONNEL 

Mais tous les trois tiennent à saluer les avancées permises par les efforts de la CSF depuis 1999, quand la loi 188 lui attribue l’encadrement des représentants dans six disciplines, soit l’assurance de personnes, l’assurance collective de personnes, la planification financière, le courtage en épargne collective, le courtage en contrat d’investissement et le courtage en plans de bourses d’études. Et c’est bien dès sa naissance que l’organisme d’encadrement a contribué à la professionnalisation de l’industrie, croit Marie Elaine Farley, PDG de la CSF.

« C’était très innovant à l’époque d’avoir un modèle comparable à un ordre professionnel, avec un syndic, un comité de discipline, la formation continue obligatoire, salue Me Farley. Et cela reste innovant puisque nous sommes les seuls au Canada  à avoir ce modèle (dans la distribution de produits financiers, NDLR). »

En 2004, les sections régionales se voient représentées aux assemblées générales. « Les régions ont toujours contribué  fortement aux activités de la Chambre, même davantage que Montréal », rapporte Stéphane Prévost, ancien président et administrateur de la CSF, toujours membre du comité de discipline.

Quelques années plus tard, en 2006, la Chambre lance la formation obligatoire en conformité. « La CSF s’est imposée comme leader en conformité à ce moment, relève Lyne Gagné, ancienne présidente de la CSF. Quand j’en parle avec des collègues, ils me disent : on pensait qu’on savait tout avant ça! Cela amène une dimension bénéfique pour la profession, saluée par les organismes de défense des consommateurs. »

Un mois avant que le projet de loi 141 passe devant l’Assemblée nationale, la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), Option consommateurs et l’Union des consommateurs avaient demandé au gouvernement de retirer le texte qui prévoyait l’abolition de la CSF. Et dans le dernier bulletin de la Chambre, Christian Corbeil, le directeur général d’Option consommateurs, a souligné le rôle protecteur de la CSF pour les consommateurs « dans un secteur où ils sont fragiles ».

En 2011, la page InfoDéonto est mise en ligne sur le site web de la Chambre pour les conseillers, puis en 2013 pour le grand public.

« Ces évolutions ont permis de réaliser de grands progrès, souligne MFarley. Nos membres sont passés d’agents vendeurs d’assurances à des professionnels qui conseillent, qui respectent un code de déontologie, qui doivent se former et qui sont responsables de leurs actes. »

PÉRILS CONSTANTS  

Entre chacune de ces étapes, la CSF a vu plusieurs fois son existence menacée. En 13 années comme administratrice ou présidente, Lyne Gagné compte trois tentatives de suppression de la Chambre.

« La Chambre est toujours menacée par un quelconque pouvoir, regrette Stéphane Prévost. Elle doit constamment se battre pour continuer à exister. Le Collège des médecins et les différents ordres professionnels ne sont pas toujours tenus de légitimer leur existence! »

Pour M. Prévost, ces remises en question sont dues « à des lobbyistes et aux interventions de compagnies qui auraient avantage à réduire l’encadrement ».

Ces combats font que « la Chambre a moins de ressources disponibles qui seraient bénéfiques aux consommateurs », lâche-t-il.

La légitimité de la CSF s’est pourtant renforcée en 2015 quand la Cour supérieure du Québec lui a reconnu le droit d’exiger des documents aux institutions bancaires dans le cadre d’une enquête, rappelle Lyne Gagné.

PERTINENCE ACCRUE

La dernière tentative de dissoudre la CSF est passée près de réussir l’an dernier, avec le projet de loi 141, qui prévoyait son intégration à l’Autorité des marchés financiers. Le gouvernement a finalement laissé tomber cette partie du projet de loi. « Ces menaces perpétuelles nous ont conduits à nous améliorer », relativise Mme Farley. Si le projet de loi 141 n’est pas venu à bout de la Chambre, c’est que celle-ci a vu sa pertinence être reconnue, ajoute Mme Gagné.

Quant à l’avenir, il passera par le développement de collaborations avec les partenaires de la CSF, toujours dans l’objectif d’améliorer l’efficience de chacun, affirme Marie Elaine Farley. Celle-ci cite l’Autorité des marchés financiers et les responsables en conformité parmi les acteurs avec lesquels la Chambre devrait renforcer ses partenariats. « Nous avons les mêmes objectifs : voir aux intérêts des consommateurs et maintenir la confiance en notre industrie », résume-t-elle.

De telles alliances seront nécessaires pour adapter l’encadrement aux nouveaux enjeux, comme l’arrivée de l’intelligence artificielle, mais aussi les nouvelles approches des consommateurs. Comme pour les rendez-vous médicaux, les jeunes se renseignent sur Internet avant une rencontre avec leur conseiller, illustre Me Farley. Les membres de la CSF doivent être prêts à répondre à ces nouvelles attentes, soutient-elle.

Il faudra aussi que la CSF se fasse davantage connaître du public et des professionnels. « Nous sommes méconnus », regrette la présidente de la CSF, qui compte maintenir une campagne de publicité annuelle et des tournées auprès des conseillers pour combler cette lacune. « Nous devons nous faire connaître tout en gardant un juste équilibre avec nos moyens budgétaires », précise-t-elle.

Didier Bert

Didier Bert est journaliste indépendant. Il collabore à plusieurs médias sur les thèmes de l’économie, des finances et du droit.