Des assurances vie moins payantes?

Par Jean-François Venne | 24 août 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Ce n’est qu’en 2017 que changera la fiscalité fédérale des polices d’assurance vie. Mais c’est d’ores et déjà le temps, pour les conseillers, d’aider leurs clients à s’y préparer.

« Le régime fiscal de l’assurance vie, notamment sur le plan des critères d’exonération, n’avait pas été modifié en profondeur depuis 1982, rappelle Christian Hubert, conseiller senior, fiscalité à Banque Nationale Planification et avantages sociaux inc. Une modernisation était dans l’air depuis longtemps et le gouvernement fédéral avait eu de nombreux échanges à ce sujet avec l’industrie. Personne n’a été pris au dépourvu par l’annonce des changements, faite en 2012. »

« Le régime fiscal de l’assurance vie, notamment sur le plan des critères d’exonération, n’avait pas été modifié en profondeur depuis 1982. » – Christian Hubert

En plus de trente ans, l’espérance de vie des Canadiens s’est allongée et les rendements qu’ils peuvent espérer de divers placements ont fluctué. Les changements visent à mieux refléter cette nouvelle réalité. Le gouvernement a aussi explicitement signifié sa volonté de voir les produits d’assurance être utilisés comme protection, plutôt que comme abri fiscal générant des rendements à l’abri de l’impôt.

NOUVELLE RÉALITÉ FISCALE

Le cœur de la réforme présentée lors du budget canadien de 2012 est une mise à jour du critère visant à déterminer si une police d’assurance vie est exonérée. Le coût net d’assurance pur d’une police sera dorénavant calculé à partir de la table de mortalité de 1986-1992 de l’Institut canadien des actuaires, plutôt que celle de 1969-1975. Le taux d’intérêt utilisé passera quant à lui de 4 % à 3,5 %. Quant au moment de la dotation, il grimpera de 85 à 90 ans, pour refléter l’accroissement de l’espérance de vie.

Le test d’exonération se fera donc désormais en utilisant une prime de référence payée en huit ans (plutôt que 20), dont la valeur de rachat est égale à la prestation de décès à 90 ans (plutôt que 85 ans). De plus, les frais de rachat ne seront plus exclus du test, mais plutôt inclus dans le fonds accumulé, alors que l’assurance à prime unique sera carrément interdite.

PROTÉGER LA FAMILLE D’ABORD

Pour le planificateur financier et formateur à l’IQPF Denis Preston, ces changements ne devraient pas affecter outre mesure la distribution d’assurance vie au pays. Selon lui, l’immense majorité des gens achètent de l’assurance vie d’abord et avant tout pour protéger leur famille, et non pour en faire un outil d’épargne. « Les personnes qui utilisent l’assurance vie pour épargner ont généralement maximisé d’abord leur REER, CELI et autres outils du même type, fait-il remarquer. Or, les gens dotés d’une telle capacité d’épargne ne sont pas légion au Québec. »

Même pour ces derniers, l’impact devrait être mixte. Les nouvelles règles augmentent le coût de base rajusté (CBR), diminuant ainsi la partie imposable lors d’une disposition. Toutefois, l’épargne maximale pouvant être générée dans ce véhicule sera moins élevée.

Denis Preston

IMPACT SUR LES RENTES

Là où le bât pourrait blesser, c’est sur le plan des rentes non enregistrées, s’entendent Christian Hubert et Denis Preston. La partie de la rente considérée, fiscalement, comme un remboursement de capital, plutôt qu’un revenu d’intérêt (et donc non imposable), diminuera. « La partie non imposable du paiement de la rente sera désormais calculée sur les tables de rente de 2000, plutôt que celles de 1971 », souligne Denis Preston. Conséquence : la part de l’intérêt dans le versement de la rente augmentera. Or, faut-il le rappeler, les revenus d’intérêt sont imposables.

« La partie non imposable du paiement de la rente sera désormais calculée sur les tables de rente de 2000, plutôt que celles de 1971. » – Denis Preston

Présentement, la portion imposable tombe à zéro vers 70 ans pour les rentiers. Cela pourrait grimper à environ 80 ans. Il faut ajouter à cela la hausse des taxes provinciales sur le capital des compagnies d’assurance relative aux primes d’assurance de personnes et sur les primes d’assurance pour les institutions financières, qui feront grimper légèrement le coût des primes, cela pourrait rendre les rentes un peu moins attrayantes.

De manière tout à fait informelle, Christian Hubert évalue entre 1 et 1,5 % la perte de rendement des rentes qui pourrait découler de tous ces changements. « Sans être majeur, c’est non négligeable », dit-il. Il précise toutefois que ces données sont très préliminaires et qu’il est trop tôt pour faire une évaluation précise des impacts. Selon lui, les compagnies d’assurance ont suffisamment de capacité d’innovation pour mettre sur le marché de nouveaux produits, lesquels tiendront compte des nouvelles règles.

Chose certaine, les deux s’entendent pour dire qu’il faut informer dès maintenant les clients des changements à venir, et proposer les meilleurs moyens d’en limiter l’impact. En effet, les nouvelles règles ne s’appliqueront que sur les polices qui entrent en vigueur à partir du 1er janvier 2017. Si un client songe à contracter une police d’assurance vie universelle pour en faire un outil d’épargne, à contracter une rente, ou encore à transformer une police temporaire en police permanente, il a tout intérêt à le faire sans attendre.

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Jean-François Venne