La gestion d’actif devient plus durable

Par La rédaction | 29 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En raison du poids considérable des gros investisseurs et des principaux gestionnaires de fonds, le secteur de la gestion d’actif peut contribuer à la réalisation des objectifs des Nations Unies en matière de développement durable.

C’est ce qu’estime l’agence économique et financière (Agefi) dans un article paru le mois dernier sur son site. L’Agefi y indique que dans ce domaine « les perspectives sont prometteuses », car « l’industrie est de plus en plus engagée en faveur d’objectifs de la finance durable et à impact positif ».

L’intérêt croissant qui entoure les critères ESG (environnement, société, gouvernance) est dû à trois raisons principales, selon Isabelle Millat, responsable Solutions d’investissement durable pour les activités de marché de la Société Générale, en France. D’abord, il y a le fait qu’« il existe de plus en plus de preuves que le couple risque/rendement s’améliore si l’on adopte ces critères au sein de critères d’investissement plus globaux »; ensuite que « la volonté d’avoir un impact environnemental ou social positif est motivée par les détenteurs finaux des éléments d’actifs, c’est-à-dire les investisseurs »; et enfin que plusieurs pays disposent d’incitations réglementaires pour encourager les investissements responsables (IR).

« UNE FORCE MAJEURE SUR LES MARCHÉS MONDIAUX »

Cette « motivation à trois volets », comme la surnomme l’Agefi, génère une augmentation rapide des éléments d’actifs ESG partout dans le monde. Ainsi, le rapport Global Sustainable Investment Review 2016 (en anglais) publié par la Global Sustainable Investment Alliance (GSIA), a calculé que près de 23 billions de dollars américains d’actif sont aujourd’hui gérés par des professionnels dans le cadre de stratégies d’investissement responsable, soit une hausse de 25 % comparativement à 2014. Un résultat qui fait dire à la GSIA que « l’investissement durable constitue désormais clairement une force majeure sur les marchés financiers mondiaux ». Cette tendance fait par exemple qu’au Canada, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est aujourd’hui l’une des trois principales priorités des entreprises qui s’engagent dans l’IR (voir l’encadré).

Citant le rapport, l’Agefi note cependant qu’il n’existe pour l’instant pas de socle commun en matière de vocabulaire au sein du secteur et qu’il y a donc des points de désaccord quant à la définition du terme « investissement durable ». La GSIA a ainsi recensé sept stratégies de mise en œuvre différentes de ce concept : sélection négative/choix par exclusion; sélection positive/meilleur choix par catégorie de produit; sélection suivant des normes; intégration des facteurs ESG; investissement durable par thème; investissement à impact social/communautaire; et engagement de l’entreprise et pouvoir des actionnaires.

Selon la GSIA, la première de ces stratégies, l’investissement par exclusion, est celle qui est la plus répandue, avec quelque 15 billions de dollars sous gestion, suivie par l’intégration de l’ESG (10,37 billions) et l’engagement des entreprises sous la pression des actionnaires (8,37 billions).

LA NORVÈGE ET LE JAPON MONTRÉS EN EXEMPLE

Toutefois, souligne l’Agefi, il n’existe encore aucun accord ni harmonisation en vue des définitions ou des méthodes d’évaluation dans ce secteur. « La finance durable et à impact positif est toujours vue à travers des prismes différents. Certains la considèrent comme une façon d’investir dans des projets environnementaux au sens large, associant rentabilité financière avec impact. D’autres la voient comme un moyen de trouver des occasions ignorées des investisseurs traditionnels, et donc comme un moyen de surpasser les performances des benchmarks.

D’autres encore pensent qu’ils doivent accepter des rendements inférieurs et leur seul critère est alors de créer un bénéfice social, résume Florent Deixonne, responsable des nouveaux produits et de la gouvernance risques et responsable ISR à la Société Générale.

Certains investisseurs pèsent tellement lourd qu’ils utilisent désormais leurs propres critères, explique l’Agefi en citant l’exemple du fonds souverain norvégien, qui dispose d’un billion de dollars sous gestion et s’oriente petit à petit vers l’investissement durable. Son gestionnaire, la banque centrale norvégienne, a d’ailleurs récemment recommandé au gouvernement de se désengager des secteurs du pétrole et du gaz. Une tendance qui se retrouve aussi au Japon, où le fonds d’investissement des pensions du gouvernement nippon, d’une valeur de 1,4 billion, cherche aujourd’hui des fournisseurs d’indices boursiers mondiaux ESG.

LES INVESTISSEMENTS DE CE TYPE VONT CROÎTRE

L’Agefi souligne par ailleurs que les fonds négociés en Bourse constituent d’excellents outils pour s’engager dans les investissements responsables. La raison? « Tout en étant liquides, et bénéficiant d’un petit niveau d’investissement initial et de frais de gestion réduits, ils offrent une vraie transparence et s’adaptent bien aux principes d’investissements responsables ». En outre, plusieurs d’entre eux offrent une sélection d’entreprises promouvant l’égalité des salaires, un équilibre famille-travail et la parité hommes-femmes aux postes de direction.

« Il est clair que la dynamique qui se cache derrière une gestion d’actif plus durable est forte. Plus de la moitié de l’actif géré en Europe et un cinquième aux États-Unis suit des stratégies d’investissements responsables. Des progrès sont accomplis partout dans le monde. Face au sentiment d’urgence grandissant autour des questions d’ESG, comme le changement climatique, la pénurie des ressources, l’accès aux soins de santé et à l’éducation, les efforts consacrés aux investissements de ce type ne pourront que croître », conclut l’agence économique et financière.

L’IR au Canada : un secteur en pleine expansion

Selon l’Association canadienne pour l’investissement responsable (RIA, ou Responsible Investment Association), le marché de l’IR au pays connaît une croissance rapide et continue, puisque les éléments d’actifs gérés en fonction d’une ou de plusieurs stratégies de ce type sont passés de quelque 600 G$ CAD en 2011 à 1 010 G$ en 2013, puis à 1 506 G$ en 2015, soit une augmentation de près de 50 % en l’espace de deux ans.

Résultat : l’IR représente désormais 38 % de l’industrie canadienne de l’investissement et, alors que la majeure partie de la croissance du secteur est attribuable aux investisseurs institutionnels, l’actif des investisseurs particuliers a presque doublé entre 2013 et 2015, pour atteindre 118 G$, soit un taux de croissance de 91 %. De même, les éléments d’actifs des caisses de retraite représentent 75 % de la croissance de l’industrie, avec une augmentation de 374 G$, ce qui représente une progression de 45 % en deux ans.

POURQUOI UN TEL SUCCÈS?

D’après un sondage mené par la RIA en 2016, les principales raisons qui ont incité les gestionnaires de placements et les détenteurs d’éléments d’actifs à prendre en compte les facteurs ESG dans leurs décisions d’investissement sont, dans l’ordre : minimiser les risques dans le temps; améliorer les rendements à long terme; remplir leurs obligations fiduciaires. Cette enquête d’opinion révélait aussi que les répondants étaient très optimistes quant aux perspectives d’IR pour 2017 et 2018, puisque 80 % d’entre eux disaient s’attendre à un niveau de croissance modéré ou élevé pour ces deux années.

La RIA attribue cette bonne santé du secteur à au moins quatre facteurs : un engagement accru envers l’IR par les gestionnaires de placements ainsi qu’une plus grande diversité de produits et de services « responsables »; une meilleure conscientisation des investisseurs par rapport à l’importance des opportunités et risques ESG; l’augmentation des éléments d’actifs d’IR dans les caisses de retraite; enfin, le facteur démographique, puisque les « Y » (nés au cours des deux dernières décennies du XXe siècle) sont 65 % plus susceptibles que les baby-boomers de tenir compte des facteurs ESG au moment d’investir, et qu’ils sont aussi deux fois plus enclins à chercher des investissements contribuant à résoudre des problèmes sociaux et environnementaux.

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