Les investisseurs dupés par les résultats financiers?

Par La rédaction | 19 mai 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

Jargon incompréhensible, manipulation de chiffres, citations boiteuses… la lecture des résultats financiers des entreprises représente trop souvent un véritable chemin de croix pour les investisseurs. Et les choses sont loin de s’améliorer, affirme un article de MarketWatch.

« Les compagnies sont assurément moins transparentes qu’elles devraient l’être, affirme Leigh Drogen, fondateur et directeur général de Estimize. Elles utilisent des systèmes comptables qui présentent les résultats de la façon qu’elles souhaitent que les investisseurs les perçoivent. »

Aujourd’hui, selon FactSet, plus de 90 % des compagnies du S&P 500 utilisent leurs propres mesures pour que leurs chiffres aient l’air meilleurs. Certains revenus cachés ainsi que d’autres chiffres clés dissimulés dans des tableaux difficiles à consulter rendent particulièrement pénible et stressant le travail des analystes, des investisseurs et des journalistes.

Certains experts vont même jusqu’à dire que de plus en plus d’entreprises « brisent le pacte fondamental » qu’elles ont fait avec leurs actionnaires, soit celui de les tenir informés de l’état réel de leurs activités.

« Les entreprises travaillent tous les angles dans la présentation de leurs résultats, créant une bulle de présentation holographique déformant la réalité opérationnelle sous-jacente », soutient Nicholas Heymann, analyste chez William Blair.

LE RESPECT DES PRINCIPES COMPTABLES EN CAUSE

Selon les observations de MarketWatch, l’utilisation de mesures ne respectant pas les principes comptables généralement reconnus (PCGR) est en forte croissance cette année.

Si les entreprises ont l’obligation de présenter leurs revenus selon les PCGR, elles sont autorisées à utiliser des mesures non conformes à celles-ci pour les compléments d’information.

Le problème, c’est que les entreprises ont souvent recours à une terminologie très près des PCGR même lorsqu’elles présentent des données qui ne s’y conforment pas, ce qui rend ardu de déterminer la véritable performance financière de la compagnie.

En outre, comme les mesures non conformes aux PCGR ne sont pas soumises aux audits, elles ne font l’objet d’aucune vérification relativement à leur comparabilité, leur cohérence ou leur conformité.

Des données montrent d’ailleurs que l’écart entre le bénéfice par action calculé avec les PCGR et celui calculé sans eux « s’est significativement élargi » du côté des entreprises industrielles au cours des dernières années. Le bénéfice par action déterminé avec les PCGR serait ainsi, en moyenne, 25 % inférieur à celui qui est obtenu sans les PCGR, selon Nicholas Heymann.

Warren Buffett s’en insurgeait d’ailleurs dans sa dernière lettre aux actionnaires, qualifiant les revenus déclarés par certaines entreprises de « mascarade ».

« Si les dépenses réelles et récurrentes ne font pas partie du calcul du résultat, à quel monde appartiennent-ils? », se demande le célèbre investisseur.

Les divulgations de résultats financiers non conformes aux PCGR ont également retenu l’attention des régulateurs. La présidente de la Securities and Exchange Commission (SEC), Mary Jo White, ainsi que la commissaire Kara Stein, comme bien d’autres, se sont demandé s’il existe une surveillance suffisante de la façon dont les entreprises déclarent leurs revenus.

OÙ SONT LES COMMUNIQUÉS?

Une autre difficulté vient s’ajouter aux déboires des analystes et journalistes. De plus en plus d’entreprises ne diffusent plus de communiqué de presse pour présenter leurs résultats financiers et forcent plutôt les investisseurs à se rendre sur leur site web, où les résultats sont souvent présentés dans un amalgame confus de tableaux et de graphiques.

Les entreprises plaident que de publier ces données sur leur propre site web leur permet d’offrir aux investisseurs des informations fiables et plus détaillées, comprenant des éléments visuels comme des graphiques, ce qu’un simple format texte ne permettrait pas.

« Nous apprécions que les entreprises soient transparentes et nous donnent le plus d’information possible pour nous aider à faire notre travail, mais parfois, l’accent est bien plus mis sur la présentation que sur le contenu », déplore Brandon Ross, analyste à BTIG.

Les experts interrogés par MarketWatch affirment que la saison des résultats financiers serait bien plus agréable pour les investisseurs si les sociétés avaient l’obligation de se conformer à certains modèles standards pour présenter leurs résultats. À l’heure actuelle, la SEC n’émet aucune recommandation en dehors des PCGR et des règles entourant le calendrier des dépôts.

« Il est temps que cette conversation ait lieu », insiste Leigh Drogen, qui déplore que les règles soient plus souples aux États-Unis que dans certains marchés émergents.

La rédaction vous recommande :

La rédaction