Les prêts sur salaire bondissent au Canada

Par La rédaction | 26 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les prêteurs sur salaire agréés du Canada ont accordé aux ménages canadiens près de 4,5 millions de prêts à court terme en 2014, pour une valeur de 2,2 G$, selon un rapport publié hier par le Conference Board du Canada.

Ils ont ainsi généré 6 930 emplois équivalents temps plein dans l’économie canadienne et 273 M$ en salaires, indique l’organisme, dont les projections pour 2016 anticipent une demande de près de six millions de prêts, pour une valeur totale de 3 G$.

« Le secteur canadien du prêt sur salaire fournit un service essentiel aux Canadiens à court d’argent qui ont du mal à accéder à d’autres sources de crédit en temps de crise, commente dans un communiqué Pedro Antunes, économiste en chef adjoint au Conference Board. Quand ils envisagent de durcir les exigences réglementaires imposées au secteur, les décideurs doivent tenir compte des différentes catégories de personnes qui empruntent sur salaire et veiller à ne pas restreindre l’accès au crédit pour un segment financièrement vulnérable de la population. »

DEUX CATÉGORIES DE CLIENTS

Selon le rapport, deux catégories de consommateurs recourent au prêt sur salaire, et chacune a des besoins très différents. La première est constituée de personnes ayant un actif limité, des revenus faibles et un emploi, qui comptent sur ce système pour couvrir leurs dépenses périodiques inattendues, voire leurs besoins courants, car elles n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Elles se tournent vers des prêteurs parce qu’elles n’ont pu obtenir un crédit à la consommation en passant par les circuits financiers conventionnels.

La seconde catégorie regroupe des particuliers qui ont beaucoup d’actifs, mais manquent provisoirement de liquidités. Économiquement plus stable, cette clientèle utilise le prêt sur salaire comme moyen de financement temporaire pour couvrir des dépenses inattendues.

Dans son rapport, le Conference Board souligne que les politiques gouvernementales doivent tenir compte des besoins de ces deux catégories de consommateurs afin d’éviter que ceux-ci ne se tournent « vers des prestataires non agréés ou des prêteurs proposant leurs services illégalement sur Internet ». L’organisme reconnaît toutefois que « la législation provinciale qui régit le secteur […] au pays fournit d’ores et déjà d’importants garde-fous contre l’exploitation des clients ».

MIEUX ÉDUQUER LES CONSOMMATEURS

Outre une « réglementation appropriée » de ce domaine d’activité, le Conference Board prône une meilleure éducation des consommateurs, qui constituerait une « étape essentielle pour protéger le bien-être financier des Canadiens ». Une telle politique « aiderait les utilisateurs à reconnaître les prêteurs sur salaire agréés sur Internet et à éviter les prêteurs illégaux », explique l’organisme. Enfin, celui-ci appelle de ses vœux une amélioration de la littératie financière « pour permettre aux consommateurs de repérer sans peine les frais d’intérêts sur les prêts sur salaire et de prendre des décisions financières aussi judicieuses que possible ».

Une autre étude publiée hier par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) va dans le même sens, estimant que ce type de prêt, qui touche aujourd’hui 4 % des ménages au pays, devrait « faire l’objet d’une sensibilisation accrue auprès des consommateurs ». Intitulé Prêts sur salaire : tendances du marché, ce document est basé sur un sondage mené au début de l’année auprès de quelque 1 500 « bénéficiaires » de prêts sur salaire d’un océan à l’autre.

Ses résultats montrent que plusieurs ignorent à quel point ces prêts sont coûteux par rapport à d’autres formes de crédit. Ainsi, moins de la moitié des répondants (43 %) savent qu’un prêt sur salaire revient plus cher qu’une avance de fonds sur une carte de crédit. Dans certaines provinces ou territoires, leur taux annuel en pourcentage équivaut même à 500 %!

UNE TENDANCE PRÉOCCUPANTE

Le rapport de l’ACFC révèle également que la plupart des clients (89 %) ont dû emprunter pour couvrir des dépenses de première nécessité, comme faire face à un imprévu ou payer des factures afin d’éviter une pénalité de retard. Il montre par ailleurs que la plupart des utilisateurs ont un revenu faible ou modeste, même si 20 % des répondants possèdent un revenu familial supérieur à 80 000 dollars, et 7 %, supérieur à 120 000 dollars.

Enfin, à l’instar du Conference Board, l’Agence relève que les Canadiens qui se tournent vers les prêts sur salaire disposent souvent d’un accès limité aux produits de crédit conventionnels. Par exemple, 65 % des personnes interrogées indiquent que lorsqu’elles ont obtenu leur dernier prêt, elles n’avaient pas de carte de crédit, tandis que 88 % n’avaient aucune marge de crédit.

« Emprunter de l’argent sous la forme d’un prêt sur salaire coûte cher aux consommateurs. Le recours à ces prêts à court terme et à coûts élevés a plus que doublé au Canada récemment. À mon avis, cette tendance mérite une plus grande attention », conclut dans un communiqué Lucie Tedesco, commissaire de l’ACFC.

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