L’industrie change. Et vous?

Par Jean-François Parent | 7 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Crossing out Plan A and writing Plan B.

L’avènement de produits à rabais et les attentes des investisseurs en transformation changent la donne quant à la prestation de conseils et de services financiers. Que vous réservent les prochaines années?

La venue de conseillers automatisés n’est pas nécessairement une mauvaise chose, surtout si l’on tire avantage de la hausse de productivité que cela peut apporter.

C’est, du moins, ce que croit Richard Morin, ex-associé du gestionnaire Landry Morin et ancien président pour le Québec de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.

« Le monde va changer, c’est certain, mais si vous offrez des conseils “holistiques’’, vous allez tirer votre épingle du jeu », lance-t-il d’entrée de jeu à un parterre de conseillers réunis par Déontologie.ca pour son Colloque en finance mardi, à Mont-Saint-Hilaire.

Des conseils et des services qui ne se limitent plus à la sélection de produits, la gestion active et le rééquilibrage de portefeuille, lesquels peuvent être dispensés par des algorithmes – et qui le sont d’ailleurs déjà.

Bonne nouvelle pour les conseillers, surtout les indépendants, croit cependant Richard Morin. « Les gens veulent des conseils, et ils en ont besoin », martèle l’ex-gestionnaire de fonds de couverture.

Citant des sondages menés par des institutions financières, il rappelle en outre que si 75 % des investisseurs québécois ont besoin d’un plan financier, à peine 39 % en ont un.

« C’est donc environ un tiers des Québécois qui ont besoin d’un plan financier », et donc de conseils. Et l’éventail de leurs besoins s’élargit : hypothèque, placement, fiscalité, répartition d’actifs…

L’ÉPINEUSE QUESTION DE LA RÉMUNÉRATION

Il y a un hic cependant, qui sera la pierre d’assise des nouveaux modèles d’affaires du service financier, juge-t-il.

« On peut prévoir un décloisonnement de l’offre de service, ce qui fera diminuer les coûts pour les clients. Alors que la gestion est facturée en général à 1 % de l’actif, on remarque que plusieurs joueurs sur le marché l’abaissent à 0,5 %. Le conseil est également offert moins cher, à environ 1 % chez certains », explique Richard Morin.

Il invite ainsi les conseillers à miser sur le fait que l’industrie, en matière de distribution de fonds communs, se dirige vers des frais réduits, qui risquent de s’établir à court terme à 1,5 %.

« Il y aura donc plus de clients qui auront plus d’attentes, mais tout cela ne générera pas plus de revenus. »

C’est l’avenir proche, insiste Richard Morin. Il estime donc que ceux qui travaillent à partir de la prémisse que les fonds communs se vendent à 2,25 % doivent se remettre en question.

Le Canada est néanmoins loin d’emboîter le pas aux États-Unis, où des cabinets comme Vanguard coupent les tarifs en offrant la gestion à 30 points de base, mais il apparaît certain à Richard Morin que les prix subiront une baisse drastique dans l’avenir proche.

Attention cependant : « Si on voit maintenant de plus en plus de facturation à honoraires, basée sur l’actif, il ne serait pas surprenant que les frais fixes soient de plus en plus offerts. »

LES PRODUITS À RABAIS SE MULTIPLIENT

Cette pression à la baisse sur les prix est occasionnée notamment par l’arrivée de tout un éventail de produits peu coûteux. Les produits indiciels comme les fonds négociés en Bourse font partie de l’arsenal accessible aux investisseurs. La question est donc de savoir comment arriver à faire plus avec moins.

« Et comment on absorbe cette perte de revenus? En réduisant les frais fixes… et donc en recherchant des économies d’échelle par l’entremise de regroupements », ou en augmentant la productivité.

Pour y arriver, l’utilisation des technologies semble prometteuse. La consolidation des comptes, l’analyse de portefeuille, l’ouverture de compte, la connaissance du client et le profil de risque, tout cela peut être automatisé. Les algorithmes et les suites logicielles disponibles sur le marché sont suffisamment sophistiqués pour s’occuper des services administratifs, croit Richard Morin.

L’AVANTAGE AUX INDÉPENDANTS

Tout cela fait en sorte que les conseillers doivent miser davantage sur le conseil pour tirer leur épingle du jeu.

Et c’est là où l’indépendance peut être particulièrement utile. « Alors que les banques doivent rémunérer les actionnaires et financer le coût du capital, les cabinets indépendants n’ont pas cette structure. »

Il y a donc une limite à ce que les banques, éternelles rivales des cabinets, peuvent se permettre en matière de réduction des dépenses.

« On accès à des services robotisés dans les banques pour 50 points de base, mais on n’a aucun conseil. Le client ne vous quittera pas pour 25 points de base afin de transférer ses actifs pour un robot-conseiller. Pour 100 points de base, par contre… »

Technologie : rien ne sert de lutter, adoptez-la!

Si le conseil robotisé n’est pas encore omniprésent, il reste que les conseillers doivent s’adapter.

« Changez de modèle d’affaires! », a lancé le président de Déontologie.ca, Michel Mailloux, lors du Colloque en finance.

Pour concurrencer l’offre automatisée, qui s’implante de plus en plus dans le paysage du placement, il faut choisir ses batailles. Et exploiter les faiblesses des robots-conseillers.

« Pour la connaissance du client, le robot va avoir un avantage naturel, c’est une évaluation relativement technique. Tout comme l’analyse des besoins financiers. Cependant, sur des aspects comme la finance comportementale, il risque de ne pas s’en tirer si bien », juge M. Mailloux.

Les robots-conseillers auront également du mal à bien cerner les connaissances des clients. Ces derniers auront besoin des professionnels en chair en et os et de leurs explications pour comprendre où en est leur santé financière.

« Le fait que l’algorithme sur lequel le robot s’appuie soit ultra raffiné ne signale pas qu’il y aura du jugement dans sa réponse », ajoute Michel Mailloux.

Ainsi, sur la convenance des investissements, le conseiller a un avantage, car il pourra fournir du contexte aux décisions de placement.

Enfin, pour soutenir la concurrence, les conseillers devront inévitablement passer par des investissements massifs en technologie et en logiciels. Chaque changement réglementaire, facilement ajouté aux algorithmes, pourra être intégré rapidement aux processus d’un cabinet. « Il y faudra donc recruter des programmeurs qui connaissent le placement. »

Bref, préparez-vous à l’arrivée de cracks de l’informatique qui détiendront un permis de courtage, conclut Michel Mailloux.

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Jean-François Parent