On ne peut pas vous virer sans motif valable

Par La rédaction | 18 juillet 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une compagnie sous réglementation fédérale, comme une banque, ne peut congédier sans motif valable un employé non protégé par un syndicat, même s’il reçoit un préavis raisonnable ou une indemnité de départ, a statué la Cour suprême du Canada.

Dans un arrêt rendu le 14 juillet, le plus haut tribunal du pays indique que cette pratique est injuste et, par conséquent, qu’elle viole le Code canadien du travail, rapporte La Presse Canadienne.

C’est ce que la Cour a affirmé dans une décision favorable à l’endroit de Joseph Wilson, licencié par Énergie atomique du Canada en 2009 avec une simple indemnité de départ. Celui-ci, dont le dossier était sans tache après plus de quatre ans de service, soutenait avoir été mis à la porte parce qu’il avait dénoncé certaines irrégularités à son service de l’approvisionnement.

Après son licenciement, un arbitre du travail avait conclu qu’un employeur ne pouvait plaider le versement d’indemnités de départ, aussi généreuses soient-elles, pour se soustraire aux dispositions du code du travail en matière de congédiement. Mais la cour fédérale avait ensuite infirmé cette décision, tout comme la cour d’appel, ce qui avait mené Joseph Wilson jusqu’en Cour suprême, qui lui a donné raison.

LA LOI PROTÈGE AUSSI LES NON SYNDIQUÉS

La juge Rosalie Abella rappelle que, pendant des années, la common law a permis le congédiement non motivé d’un employé non syndiqué, moyennant un préavis raisonnable ou une indemnité en guise et lieu de préavis.

Elle estime toutefois qu’en modifiant le Code du travail en 1978, Ottawa a justement voulu offrir à ces employés des protections similaires à celles dont jouissent leurs collègues protégés par une convention collective. « À mon avis, et selon des centaines d’arbitres ayant interprété ce régime – presque tous en fait –, c’était là exactement l’intention du Parlement », soutient Rosalie Abella.

« UNE BONNE NOUVELLE » POUR LES CONSEILLERS

Saluant une « victoire » pour tous les employés sous réglementation fédérale, le Congrès du travail du Canada dit espérer que cet arrêt « servira de rappel » aux employeurs. « Le congédiement sans motif ou avertissement est injuste, point à la ligne », déclare son président, Hassan Yussuff, dans un communiqué.

« Les banques et les compagnies d’assurance sont au courant de cette loi depuis 1978 et elles ont tout de même su protéger leurs intérêts. On n’a qu’à étudier l’évolution historique de l’emploi dans le domaine financier pour se rendre compte qu’il y a eu une augmentation du nombre de travailleurs autonomes, au détriment des salariés », commente pour sa part Flavio Vani, en entrevue avec Conseiller.

Le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers croit que pour les employés du secteur ayant « un salaire, la garantie d’un poste de travail avec une description de tâches, un horaire de travail préétabli et une hiérarchie de contrôle du travail », ce jugement est « certainement une bonne nouvelle ».

En revanche, si vous n’êtes pas un employé, vous continuerez à ne pas être protégé par la loi, déplore Flavio Vani. Or, « selon la définition, un travailleur autonome n’est pas un employé de l’institution financière » pour laquelle il travaille, et son contrat « est simplement lié à la vente d’un produit financier ».

UNE CONFIRMATION

Interrogé par Conseiller, Me Mihnea Bantoiu, du cabinet Létourneau Gagné, à Québec, estime quant à lui que cette décision ne modifiera pas la condition des employés de banques ou de compagnies d’assurances.

« Le Code canadien du travail protège un employé contre un congédiement non motivé, et ce, même si une indemnité de départ adéquate lui est versée, explique cet avocat spécialiste des litiges en valeurs mobilières. Il faut nécessairement que l’employeur ait un motif valable pour que celui-ci devienne juste. En excluant évidemment, comme le rappelle la Cour suprême, les cas où le salarié serait licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste. »

« Le jugement publié la semaine dernière n’est pas une révolution, il ne fait que confirmer une jurisprudence majoritaire jusqu’à ce jour », conclut-il.

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